Performance

Publié le 25 février 2013 par Malesherbes

J'ai passé les 34 dernères années de ma carrière d'ingénieur dans la filiale française d'une multinationale américaine, où j'avais chois le métier de techno-commercial. Alors que le commercial est la personne chargée de vendre les produits ou services, le technico-commercial est celle chargée d’appuyer techniquement le vendeur et surtout de réaliser les promesses faites par celui-ci. A l’origine, le commercial étant payé au variable, son partenaire était au fixe, ce qui augmentait un peu sa crédibilité. La rémunération variable était destinée à motiver les commerciaux mais le facteur primordial pour leur réussite résidait dans leur aptitude à bien négocier leur territoire et leurs objectifs.

Dès 1977, à la faveur du plan Barre, la direction de l’entreprise a réussi à détacher les augmentations générales de la progression de l’indice INSEE puis les a finalement supprimées, pour n’accorder plus que des augmentations personnelles, dites au mérite. Un nouveau raffinement a consisté à demander ensuite aux employés de proposer eux-mêmes à leur supérieur leurs propres objectifs. Ils devenaient ainsi totalement responsables de leur niveau de réalisation.

Destinée au départ à motiver le personnel et à l’inciter à son propre dépassement, cette rémunération au mérite avait surtout pour effet de freiner la croissance de la masse salariale. Mais elle présentait un grave inconvénient : une fois accordée, une augmentation se trouvait intégrée au salaire et donc toujours perçue à l’avenir, même si comme l’histoire me l’a prouvé ensuite, une baisse de salaire collective demeurait possible. D’où cette idée géniale de remplacer les augmentations par des primes. Ainsi, comme le disait un de mes patrons : « si tu as maintenant de bons résultats, eh bien, l’an prochain, il faudra remettre le couvert ».

J’en arrive enfin au but de ce long exposé. M. Carlos Ghosn a certes été à l’origine de grands achèvements chez Renault, en particulier lors du redressement de Nissan. Il se trouve que l’année 2012 a été catastrophique pour Renault. Pourquoi donc son PDG devrait-il percevoir des primes pour cette année ? Régulièrement, des commerciaux sont licenciés pour résultats insuffisants. Qu’est-ce donc, si ce n’est le contrat qu’il a négocié, qui permet à M. Ghosn de continuer à percevoir des rémunérations sans rapport avec ses performances ? Il nous annonce qu’il va différer le versement de 30% de son intéressement. Si l’on comprend que le propriétaire d’une entreprise puisse librement fixer son salaire, comment un salarié défaillant, aussi haut placé soit-il, pourrait-il s’arroger le même droit ?

Dans une société fondée sur la réussite, on ne peut accepter que des grands dirigeants continuent à être confortablement payés et même maintenus dans leur poste, à la différence de plus subalternes dont la responsabilité dans la gestion est moins palpable. En fait, l’impunité continue à leur être accordée parce qu’ils ne sont responsables que devant leur conseil d’administration et que les membres de ces conseils constituent un cercle de bons camarades qui s’épaulent confraternellement.