Et si on se disait nos quatre vérités pop ?
Shebam : Aline, Aline ? Vous êtes des fans de Christophe ?!
Arnaud : Ben, oui on aime bien Christophe mais on ne s’appelle pas Aline par rapport à Christophe.
Romain : Oui quand même, fan de Christophe. Je chantais ses morceaux à l’époque de Dondolo. Je ne sais pas si tu sais mais j’avais un projet qui s’appelait Dondolo. J’ai commencé alors à m’intéresser à Christophe. C’était en 2000, il était encore tricard. J’ai fait des morceaux hommage dont un s’appelait Chanteur à succès. Si tu tombes dessus ! On aime mais cela n’a rien à voir avec Aline.
Shebam : Et d’où vient votre nom alors ?
Arnaud : En fait, c’était la ville d’origine des Young Michelin. Il se trouve qu’on a dû changer de nom suite aux embrouilles avec la marque Michelin. On a fait des brainstormings avec des listes entières de noms et Aline était le choix parfait. Comme c’était la ville d’origine de notre ancienne formation, cela créait un trait d’union entre les deux groupes. Le nom sonne bien, très féminin.
Shebam : Depuis les premiers pas avec Young Michelin jusqu’à Je bois et puis je danse, il s’en est passé des choses. Qui s’y colle ?
Arnaud : Ils ne voulaient pas prendre de risque.
Romain : Ils ne savaient pas à quel degré prendre le projet. Elle a tout de suite monté la prod’. On a enregistré l’album à l’automne 2011 dont Je bois et puis je danse que nous avons décidé de sortir en single parce qu’on ne pouvait pas sortir l’album immédiatement.
Arnaud : Une fois l’album en boîte, on a cherché une licence auprès des majors. Pareil ! Ils n’ont pas voulu se décider : il s nous ont fait chier ! Il fallait que l’on sorte quelque chose pour continuer à exister. On a sorti cet Ep avec Je bois, Hélas et les autres titres que tu connais. Il a reçu un super accueil. Ça se passe mieux depuis l’Ep qui a beaucoup contribué à débloquer les choses.
Romain : C’est Je bois et puis je danse qui nous a permis de rencontrer le grand public. On a élargi notre audience avec ce morceau-là. Beaucoup de gens pensent que c’est un hommage aux années 80. Ce n’était pas fait dans cette optique. Nous voulions une chanson qui détonne dans l’album, nous essayer à un style différent de ce que nous faisions d’habitude. Une sorte de punk blanc un peu bancal mais avec notre son, notre univers, nos couleurs quoi. Ce sont Je bois et Deux Hirondelles, dans un autre style très poppy, très joyeux, qui ont aidé à nous faire avancer.
Shebam : Je bois et puis je danse a des airs de vécu ce qui en fait un titre très actuel, très contemporain.
Romain : C’est indémodable.
Arnaud : Ça arrive à tout le monde.
Romain : C’est arrivé à n’importe quelle époque, à n’importe quel garçon et ça arrivera toujours. C’est ce que je veux toucher dans mon écriture : l’universel en parlant de moi, de ruptures amoureuses, de sentiments de désenchantement, de désillusions, de coups de mou qu’on peut avoir dans la vie. C’est quelque chose que j’aime bien : sentir le vécu dans une chanson en français avec des mots simples, à laquelle on peut s’identifier et qu’on peut s’approprier.
Shebam : Avez-vous conscience d’appartenir à cette nouvelle scène, appelée variété alternative, qui tente de réhabiliter la chanson française des premiers âges, dans les années 70, ainsi que la pop synthétique des 80s ?
Arnaud : On y appartient quoiqu’il arrive. En fait, avec Pendentif, Granville ou La Femme nous sommes arrivés à peu près au même constat : en l’occurrence faire des chansons en français alors que cela ne se faisait plus. Donc oui, on fait partie de cette scène-là. Après, on a notre son, notre singularité je pense…
Shebam : Brassens !
Romain : Oui, Brassens. J’aime beaucoup Brassens mais ce n’est pas ce que l’on a envie de faire.
Shebam : Les groupes chantant en français ont toujours nourri un complexe. Mais les choses semblent changer… Et pour vous ?
Romain : Ça toujours été un faux débat ! On a systématiquement laissé entendre que l’on ne pouvait pas chanter du rock ou de la pop en français. Je me demande quand cette idée-là est réellement apparue ? Prenons les Dutronc, Ronnie Birds, tous les groupes sixties. Putain, il y avait plein de bons groupes dans les années 60, un peu moins dans les années 70, plus dans les années 80 : Gamine, Les Freluquets, ça sonnait super ! Je ne comprends pas d’où est venu le fait qu’on ne pouvait pas chanter de la pop en français ? Du coup, depuis dix ans, les gens se sont mis à chanter en anglais pour toucher l’international. Et là, on revient à une sorte de normalité. Les artistes français, qu’ils soient variété ou pop, ont toujours chanté en français. Ce qui a été une anomalie, c’est ces dix dernières années où tous les groupes français ont dû chanter en anglais. C’est une décennie particulière.
Shebam : Tu penses qu’ils vont disparaître ?
Romain : Non, non, non. Quelques-uns vont se mettre à chanter en français.
Shebam : Certains l’on déjà fait.
Romain : Beaucoup se remettent à écrire dans leur langue. Les autres continueront à écrire en anglais. Tant mieux si c’est ce qu’ils aiment. En même temps, ce n’est pas honteux de chanter en anglais. En tout cas, nous, ces groupes-là ne nous touchent pas. Ça ne nous pénètre pas.
Shebam : La cartographie de la France pop ne se limite pas à Paris avec des exemples, voire des succès, provinciaux.
Romain : On le voit avec la scène française. La plupart sont des provinciaux.
Shebam : Vous même avez grandi en banlieue.
Arnaud : En banlieue ?
Shebam : Mille excuse, j’ai du me tromper dans mes sources (rires).
Romain : Nan, moi j’ai grandi à Roanne dans la Loire et un peu à Lyon. Le bassiste est breton, Arnaud est de Reims, notre batteur est alsacien et on habite tous à Marseille !
Shebam : On se souvient des rivalités entre Londres-Liverpool ou Londres-Manchester ? Avez-vous cette ambition de rivaliser avec la capitale ou pas ?
Romain : On n’a pas cette culture-là en France. Ça c’est très anglais. À un moment donné, il y a bien eu une rivalité entre Rennes et Nantes mais c’était aussi extra musical. Rennes disait à Nantes qu’ils n’étaient pas bretons. Après, ça s’est traduit dans les scènes. Nous, on n’est pas du tout là-dedans.
Arnaud : Carrément pas !
Romain : On ne connaît pas très bien les autres groupes. Mais ce n’est pas la province contre Paris, La Rochelle contre Le Havre. C’est très anglais !
Shebam : Le rock est souvent affaire de virilité. Bien que nerveuse, votre musique semble emprunte de romantisme comme à l’époque de Chopin, de Musset. Juste une intuition ?
Romain : Ça transpire parce que moi je suis comme ça : je suis quelqu’un de très mélancolique et de très romantique, pas le romantisme au sens où on l’entend : je vais t’offrir des fleurs, on va se balader sur la plage.
Shebam : Le romantisme littéraire.
Romain : Oui, c’est quelque chose qui m’habite, je suis né comme ça. Donc évidemment cela transparait dans mes textes. Et ensuite, la musique on la voulait fragile, sensible…
Arnaud : Féminine, tu vois.
Romain : Quelque part féminine même si sur scène cela peut être parfois beaucoup plus viril, tendre vers du post punk, des racines punk. Une musique en tension, en retenue.
Shebam : Mais on retrouve ça aussi dans l’album. Il y a des passages urgents et des moments plus tendres, plus introspectifs. C’est cette part de féminité qui justement m’avait sautée aux yeux quand j’ai écrit la chronique.
Romain : On a tous une part féminine je pense. C’est un peu un cliché de dire cela mais ce n’est pas non plus une pose.
Romain : C’est un état de fait. Après j’adore jouer du punk bas du front, des choses hardcore ou du garage nawak. Ça me plait aussi beaucoup.
Shebam : C’est comme à une certaine époque où l’on pouvait être fan de Black Sabbath et de Marvin Gaye, où l’on passait d’un disque à l’autre sans aucun problème.
Arnaud : Ouais, ce n’est pas antinomique.
Shebam : Les textes d’Aline possèdent une certaine préciosité tout en se conformant aux canons de la pop. Pensez-vous avoir trouvé le juste équilibre ?
Romain : Ouais, je crois qu’on n’est pas tombé du mauvais côté. C’est intéressant parce qu’on est toujours en équilibre. On recherche l’équilibre constant. Tu penches à gauche, tu penches à droite, tu te remets droit, tu traces tout droit. Sur certains morceaux je pense qu’on a mis le doigt sur une idée autour de laquelle je tournais depuis quelques années. Une espèce de pureté, de perfection, de limpidité, quelque chose de fulgurant. C’est mon avis. Certains diront que c’est horrible, que c’est de la merde. C’est subjectif. Pour moi, au niveau de l’écriture, cette interaction entre le texte et la musique fait que j’ai touché un truc. Cela relève parfois de la magie, tu ne sais pas comment. Mais en tout cas, je crois que l’on tient un bon truc. Alors, après, il faut éviter de jouer sur des recettes. Mais pour le moment, c’est ce que l’on voulait faire.
Shebam : De son côté, Lescop affirme vouloir écrire des chansons que l’on peut écouter sans forcément les comprendre. Vous reconnaissez-vous dans cette définition ?
Arnaud : Oui, il y a un peu de ça. On aime bien l’idée selon laquelle on peut écouter des morceaux en français sans faire gaffe aux paroles.
Romain : Il ne s’agit pas vraiment de paroles cryptiques. Je n’ai pas cherché à essayer de perdre l’auditeur. Chaque chanson raconte quelque chose de facilement compréhensible. Ça ne se perd pas en références ou en tournures de style difficiles à analyser. Il y a quelques chansons à double sens, je pense à Voleur : on n’est pas censé savoir qui parle à qui. C’est un aspect que j’aime bien, le fait que les gens puissent entendre une chanson sans savoir à qui elle s’adresse. Après, ce que tu veux dire c’est que l’on puisse écouter la musique sans prêter attention aux paroles.
Shebam : C’est ça.
Romain : Il y a une différence entre comprendre, c’est-à-dire entendre le texte mais ne pas savoir ce que l’auteur a voulu dire, et écouter les chansons sans faire gaffe au texte. C’est Souchon qui disait ça : il ne faut jamais que le message du texte gâche la musique, la chanson, la mélodie. Ça doit pouvoir s’écouter soit comme un bloc entier soit en profitant uniquement de la mélodie et de la ligne de chant. Ce qui est important c’est ce que l’on raconte dans une chanson. Il ne faut pas que le message brouille tout et inversement.
Shebam : J’aime aussi le qualificatif qu’on vous prête parfois, à savoir la pop ligne claire. Mélodiquement, la musique d’Aline reste fondamentalement « lisible ».
Arnaud : Même au niveau du son, c’est la ligne claire. Il n’y pas de guitare saturée ou très peu même si on entend de la fuzz. En majorité, on utilise des arpèges relativement clairs avec de la révèrb’ mais toujours cristallins. C’est vraiment le son d’Aline : tout est clair. C’est pour ça qu’on a fait appel à Martin Etienne pour la pochette car il a cette patte.
Shebam : Le tout dans un format qui est assez restreint.
Romain : Un format pop ultra codifié, utilisé depuis très longtemps. C’est le format que je préfère et dans lequel je m’éclate. Parce qu’en trois minutes trente tu dois raconter plein de choses.
Shebam : Renoncer au français serait-il un casus belli ?
Arnaud : Renoncer au français ? Je ne pense pas qu’on le fera.
Romain : Faut pas être con, obtus et buté. Il ne faut pas s’interdire des trucs non plus. On peut aussi chanter en anglais.
Arnaud : Pas pour Aline.
Romain : Plus pour des projets particuliers, des duos, des collaborations.
Shebam : Comme pour vos chansons en italien.
Romain : Oui, c’est Alex Rossi qui a écrit les textes. Et puis, l’italien ce n’est pas l’anglais, tu vois. Les italiens sont plus proches des français que les français des anglais. Avec l’italien, tu as une compréhension instinctive de ce que le mec raconte. En revanche, c’était vraiment un exercice de style.
Romain : Tu peux jouer avec les codes de la variété pop italienne, des années 50 à l’Italo disco. Ce côté romantique, ensoleillé, très direct aussi.
Shebam : Tu parlais des arrangements : vous gardez la main dessus ? C’est un domaine qui vous intéresse ou vous espérez un Phil Spector ?
Romain : Nan, nan, nan. C’est notre domaine réservé. C’est assez difficile de déléguer. Quand on est arrivé en studio, on avait les idées, on savait ce que l’on voulait, comment les guitares devaient sonner, on savait le son de batterie que l’on désirait. Après, il fallait magnifier cela, le sublimer et le rendre aussi écoutable. On tient quand même à avoir une liberté artistique totale et surtout le final cut sinon ce n’est pas possible. On collaborerait avec un Phil Spector ou je ne sais pas, Martin Hannett, ça serait pareil. Jean-Louis Pierrot, on lui a laissé sa part de liberté.
Arnaud : De lui même, il n’a pas voulu modifier les arrangements qu’on avait trouvés malgré son background et tout ce qu’il a pu faire.
Shebam : Il vous a laissé relativement libre et autonome.
Arnaud : Non ce n’est même pas ça. Pour lui, les arrangements étaient déjà là et il a tout fait pour les magnifier. Il est parfois intervenu sur les structures mais très peu.
Romain : Il a joué des claviers car notre clavier était absent pendant les enregistrements.
Shebam : Quel avenir voyez-vous pour Aline ?
Arnaud : L’avenir qu’on voit ou l’avenir qu’on espère ?Shebam : Les deux mon capitaine !
Arnaud : On espère que l’album va quand même se vendre, on espère pouvoir faire des concerts puis un deuxième album. Continuer,continuer…
Romain : Trois ou quatre albums ça serait bien ! Et après, peut-être passer à autre chose.
Arnaud : On verra.
Romain : Développer d’autres projets.
Arnaud : Parallèlement à Aline on commence à faire d’autres choses.
Romain : Déjà si on faisait deux putains de bons albums, enfin pour aller plus loin, si on faisait un deuxième album bien meilleur que le premier, ça serait super. Imprimer un style, une patte, ancrer des chansons dans l’inconscient collectif, faire des tubes, des chansons qui resteront quoi !
Arnaud : C’est le but.
Romain : C’est ma vision des choses !
Shebam : Dans la mythologie du rock, il y a toujours cette idée du groupe qui n’arrête pas d’écrire : en tournée, dans les backstages, dans les chambres d’hôtel… Là, vous avez la matière d’un deuxième album ?
Romain : Clairement depuis un an on n’a pas eu le temps. Quand je dis qu’on n’a pas le temps, si on a quelques démos : on a des choses.
Arnaud : On s’oriente plus vers des side projects comme avec Alex Rossi ou le groupe Montréal. On a besoin déjà de développer cet album.
Romain : Ce qui est important c’était de le finir et de le sortir pour nous car ça a été long, assez pénible même.
Arnaud : Ça a été dur…
Romain : … Usant. Et donc c’est bien d’avoir mis un terme à ce premier album. On va commencer à y voir un peu plus clair, qu’il se vende ou non. Au moins, il sera là.
Arnaud : On a fait tout ce qu’il faut en terme de créativité artistique et de promo pour que cela se passe bien…
Romain : On n’aura pas de regret quoiqu’il arrive : on est fier de notre album. On voulait qu’il soit comme ça et il l’est ! Maintenant, le champ des possibles est ouvert. Je ne sais pas, on verra. Moi je n’aime pas faire des plans sur la comète. Je réfléchis à trois jours moi. Au-delà, ça m’angoisse, ça me fait très peur.
Shebam : Tu disais quatre albums… Dès qu’on a dépassé cette limite on est moins créatif ?
Romain : Quatre ou trois. Il faut avoir des choses à dire. Là, il se trouve que j’en avais. Il ne faut pas se forcer, faire un album pour faire un album. Je pense qu’il faut avoir la matière, vivre de nouvelles expériences. Il faut aimer, je ne sais pas, voyager…
Arnaud : Il faut vivre des trucs.
Shebam : Envisagez-vous la possibilité de concurrencer des formations anglo-saxonnes, même de vous imposer à l’international comme on a pu le voir avec la scène suédoise ?
Arnaud : Ils chantent en anglais. Je pense qu’on aura du mal. Les États-Unis, je n’imagine pas.
Romain : Il faut un succès de masse. On a séduit pas mal de gens autour du monde. Mais l’internationale indie pop c’est une niche. Après au-delà, avoir un succès beaucoup plus massif, je ne crois pas que cela soit possible en chantant en français.
Arnaud : Faut pas rêver non plus.
Shebam : Plus globalement, comment voyez-vous le futur de la pop ? Doit-il passer par une quête permanente de modernité ?Le rétro peut-il tuer la créativité ?
Arnaud : Je pense que le rétro peut alimenter le modernisme même si c’est un mot que l’on n’aime pas trop. Après se tourner complètement, à 100%, vers le rétro, je ne pense pas que cela soit une solution.
Romain : Ce n’est surtout pas quelque chose dans lequel tu peux nous mettre. Le rétro, le vintage, le revivalisme, ce n’est pas du tout notre propos. Encore un fois, c’est de faire des choses intemporelles. Si c’est une belle chanson bien écrite et qui touche les gens, on s’en fout de l’époque à laquelle elle a été écrite…Arnaud : … De comment elle a été arrangée. Rétro ou pas, il faut qu’elle touche, qu’elle marche.
Shebam : Et tu parlais d’avant-garde. On pourrait imager dans un deuxième ou troisième futur album une démarche, une inspiration, j’allais dire progressive… Je sais que le mot est parfois mal perçu mais…
Arnaud : Ça fait peur le mot « progressif »…
Romain : Non. Dans le cadre d’Aline, ça ne sera probablement jamais le cas. Je viens de là et c’est ce que je ferai toute ma vie : je recherche la chanson parfaite. Je crèverai avec ça : cette putain de quête de la chanson parfaite. Et à côté d’Aline, on pourra essayer d’autres choses, s’amuser avec des sons, essayer de réfléchir à des formes nouvelles mais ce sera différent. Non, la recherche de la chanson parfaite, c’est le graal.
Shebam : Quelle île déserte emporteriez-vous dans un disque ?
Arnaud & Romain : C’est pas mal ça !
Arnaud : Comment répondre à ça ?
Romain : Ile déserte ? Il faut vraiment qu’elle soit déserte ?
Shebam : C’est une question farfelue donc, par définition, ouverte : toute réponse sera acceptée.
Romain : Alors moi, j’emporterai un livre qui s’appelle Il déserte écrit par un camarade à moi, Régis Maynard. Il déserte, c’est le prénom du héros : Ilian. Donc je l’emmènerai dans un livre. Un livre dans un livre…
Arnaud : Qu’est-ce que je vais répondre à ça ? Toi tu avais une réponse bien. Quelle île déserte j’emporte avec moi ?
Romain : Frioul ?
Arnaud : Oh la vache ! Marseille, ouais, je ne peux répondre que ça en même temps : Frioul !
Shebam : On inverse les rôles. Posez-moi une question.
Arnaud : T’as quel âge ?
Shebam : 37.
Romain : Tu es venu pour quel groupe ce soir ?
Shebam : Nan, je suis venu pour vous rencontrer ! Mais tout peut arriver : la vie est pleine de surprises. En fait, j’attends un coup de fil : une proposition de soirée.
Romain : D’accord. Quel genre de soirée ?
Shebam : Soirée privée.
Romain : privée ou privée ?
Shebam : Privée mais tout à fait décente !
Arnaud : Oh nan, ce n’est pas drôle.
Shebam : Je ne peux pas répondre, car ma femme n’est pas là. Et si je lui disais que je vais dans une soirée privée, elle risquerait de mal le prendre !
Romain : Donc, tu triches !
Shebam : Elle va me dire « dans quels sales draps tu t’es fourré ? ».
Romain : Ben écoute, ça change un peu des questions… euh…
Shebam : Merci !
Romain : Je te le piquerai ça, « quelle île déserte emporterais-tu… ». Je te citerai ! Je ferai un copyright ! Tu avais fait une chronique de l’album : elle était super bien !
Shebam : Je le disais tout à l’heure : cet aspect féminin m’avait vraiment frappé, cette douceur, cette préciosité et à la fois dans le cadre d’une chanson simple, formellement très aboutie, parfois très rythmé, quasi crescendo…
Romain : C’est une intention graphique.
Shebam : Exactement !
Romain : On parlait des années 80 : pendant ces années-là, la musique était très graphique. Tout était très graphique, très contrasté, sur le fil du rasoir. Contrairement aux années 70 qui étaient très échevelées, dans les fringues, la musique avec des morceaux qui duraient douze minutes.
Shebam : Ouais c’est ça.
Romain : Puis après, on est arrivé à une espèce de concision qui vient du rock des années 50, quelque chose de viscéral, de séminal en fait. Et pour Aline, je voulais produire quelque chose de séminal : retrouver une essence comme ça. Quelle heure est-il ?...
C’est sur cette interrogation temporelle, coincée entre deux analyses passionnantes sur les décennies passées, que nous nous quittons. L’interview est dans la boîte. Plein de bonnes choses à graver, imprimer, chérir même. Du vrai, de l’authenticité, une vision de la musique simple mais réelle, têtue dans son aspect quasi obsessionnel : La chan-son, mec ! Une rencontre entre exégèse et transfiguration. Tout bonnement. Maintenant et pour paraphraser Romain, « Rien à faire il faut choisir, moi je sais qu’il faut partir, loin. » Au revoir Aline, welcome ma soirée privée ! Allo, chérie ? Une soirée privée ? Mais quelle soirée privée ?