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François Fillon, l’élection présidentielle, le régime des partis et le syndrome Raymond Barre

Publié le 25 février 2013 par Sylvainrakotoarison

Après deux mois de retrait, François Fillon fait sa rentrée politique cette semaine. Loin de faire la même erreur que Raymond Barre en 1985, il sait qu’il a besoin de contrôler l’UMP pour arriver à ses fins.

yartiFillon2013022401Invité du journal de 20 heures sur TF1 le dimanche 24 février 2013, l’ancien Premier Ministre François Fillon a montré sa fermeté et « [sa] détermination est totale » dans sa démarche politique, celle de « construire un projet de redressement national en allant à la rencontre des Français ». Et ce projet aura trois axes : « Il faut une rénovation de notre pacte économique et social (…) ; il faut une rénovation de notre pacte européen avec une entente franco-allemande qui soit à toute épreuve ; et il faut une rénovation de notre pacte démocratique à travers une organisation du territoire qui soit simplifiée. ».

Aucun renoncement

Ne renonçant ni à la présidence de l’UMP dont la première élection directe, le 18 novembre 2012, a noyé l’UMP dans une catastrophe médiatique, ni à la candidature à l’élection présidentielle de 2017, via éventuellement une primaire en 2016, François Fillon n’a cependant pas affirmé beaucoup de choses concrètes ce dimanche soir sinon son désir de montrer qu’il existe toujours, qu’il faudra toujours compter avec lui (comprendre : qu’il faudra que son rival Jean-François Copé compte avec lui), et que son silence pendant deux mois n’était dû qu’à la nécessité de prendre du champ et d’apaiser les tensions à l’intérieur de son parti.

Même s’il n’y a aucune ambiguïté sur les intentions, les paroles de François Fillon ne sont pas aussi tranchantes et affirmatives que celles d’éventuels concurrents : « Si en l’occurrence, c’est moi qui suis à même de mieux porter [le projet], eh bien, je me lancerai dans cette aventure. En tout cas, je vais essayer de m’y préparer. ».

Le syndrome Raymond Barre ?

Avant sa prestation télévisée, François Fillon avait fait l’objet d’une dépêche de Reuters (datée de la veille) titrant : « Le syndrome Raymond Barre menacerait François Fillon ».

La dépêche reprenait en fait les propos du politologue Thomas Guénolé qui s’inquiétait de la faible combativité de François Fillon : « Dans ce contexte, s’il ne veut pas que la flamme filloniste s’éteigne ou se restreigne aux parlementaires et élus locaux qui le soutiennent, François Fillon doit cesser de n’être combatif que quand il joue défensif. (…) Il doit affirmer son ambition d’être dès maintenant le chef de la droite, donc être au plus vite candidat à la prochaine élection du président de l’UMP et sonner le rappel des troupes pour répondre au besoin culturel et traditionnel qu’ont les militants de l’UMP d’avoir un meneur charismatique. ».

Et de conclure : « S’il ne le fait pas, il sera l’équivalent pour l’UMP de feu Raymond Barre, un homme moralement et intellectuellement estimé, mais qui ne suscite pas l’envie de le suivre. ».
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Admirant l’ancien candidat à l’élection présidentielle de 1988 et ne doutant pas de la haute estime que François Fillon porte pour la personnalité de Raymond Barre, j’ai eu l’impression que ce papier était plus un compliment qu’autre chose, et finalement, il n’a pas expliqué grand chose sinon faire ressurgir la mémoire de l’ancien Premier Ministre de Valéry Giscard d’Estaing. D’ailleurs, ces deux anciens Premiers Ministres partagent avec Georges Pompidou et Lionel Jospin un exercice excessivement long et épuisant des responsabilités à Matignon, environ cinq ans.

Car quel est ce fameux "syndrome de Raymond Barre" ? C’est l’illusion de se croire encore sous un régime gaullien, à savoir, que seul compterait un homme (ou une femme) et le peuple, sans intermédiaire, avec un lien puissant qui pourrait les unir et permettre à l’un de représenter l’autre pour la durée d’un mandat présidentiel.

Le problème, c’est que cette idée originelle, fondement de la monarchie républicaine depuis 1958, n’est plus vraiment valable depuis au moins trente ans et l’élection de François Mitterrand. En effet, depuis cette date, jamais un candidat n’ayant à son service l’un des grands partis gouvernementaux n’a pu gagner une élection présidentielle.

Le régime des partis

Grands partis, cela exclut évidemment les petits (comme le MoDem de François Bayrou mais aussi les micropartis de Nicolas Dupont-Aignan, de Christine Boutin, de Jean-Pierre Chevènement, de Dominique de Villepin) et gouvernementaux, ce qui exclut le Front national de Marine Le Pen, le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon (le PCF fut autrefois un parti de gouvernemental, mais petit)…
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À son service, cela peut signifier le diriger directement, ce fut le cas de François Mitterrand (entre 1971 et 1981), de Jacques Chirac (entre 1974 et 1995), de Nicolas Sarkozy (entre 2004 et 2007), ou d’avoir son parti complètement impliqué à son service, ce qui fut le cas de François Hollande qui a dirigé son parti de 1997 à 2008 (un record après Guy Mollet).

L’erreur stratégique de Raymond Barre dans sa démarche présidentielle, c’est d’avoir négligé le rôle des partis. Et il faut bien admettre qu’à droite et au centre droit, les partis sont créés surtout dans la perspective d’un candidat à l’élection présidentielle. Le RPR était totalement consacré à l’ambition de Jacques Chirac, l’UDF à celle de Valéry Giscard d’Estaing (et plus tard, le MoDem à François Bayrou etc.).

Retour à la période du barrisme triomphant

Pendant la première législature à majorité socialiste de la Ve République (1981-1986), celui qui avait été l’un des Premiers Ministres les plus impopulaires de l’histoire était devenu l’une des personnalités les plus appréciées des Français (la popularité est toujours du côté des opposants en France, à quelques exceptions près qui n’ont pas suscité malgré tout une attraction électorale : Édouard Balladur et Lionel Jospin).

Dès 1983, il était clair que Raymond Barre, dont le sérieux et la stature étaient indiscutables, serait candidat à l’élection présidentielle de 1988. Des réseaux barristes s’activaient d’ailleurs discrètement sur tout le territoire pour tenir prêtes d’éventuelles troupes même avant la date prévue (réseaux REEL sous la direction de Charles Millon).
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Le problème était qu’entre temps, il y avait des élections législatives (en mars 1986) que l’alliance UDF-RPR aurait de grandes chances de gagner et qu’il y aurait cette situation institutionnelle inédite d’un Président de la République et d’une majorité parlementaire de bords opposés (la cohabitation). Raymond Barre, partisan de l’application stricte de l’esprit gaullien, s’opposait fermement à la cohabitation, considérant qu’une défaite aux législatives désavouerait le Président de la République et que ce dernier devrait alors remettre son mandat en jeu d’une manière ou d’une autre pour rafraîchir sa légitimité.

Or, à partir de 1985, il devenait clair qu’il existait des tensions au sein même de l’UDF sur cette question essentielle : les uns souhaitant gouverner le plus tôt possible, les autres considérant que la fermeté porterait ses fruits à la présidentielle. Le problème, c’est qu’il n’existait pas de parti barriste à proprement parler et certains lui ont même proposé d’en créer pour avoir un appareil consacré à sa future campagne présidentielle. C’était d’autant plus décisif que les élections législatives avaient lieu avant et devaient donc influer sur 1988.

Minimisant l’importance des partis et confiant dans sa popularité, Raymond Barre a refusé de créer son propre parti en 1985, et a même renoncé à conquérir une UDF qui n’était d’ailleurs pas vraiment un parti mais un conglomérat de partis (essentiellement le PR de François Léotard et le CDS de Pierre Méhaignerie) qu’il n’avait même pas tenté de contrôler, lui-même ou ses proches. Il pouvait certes compter sur la fidélité du CDS mais au PR, François Léotard, lui aussi très populaire, avait toutes les raisons (médiatiques plus que politiques) pour "rouler" à son propre compte.

Ni parti ni groupe parlementaire

Concrètement, Raymond Barre a très mal négocié avec Jacques Chirac les investitures des candidats aux législatives de 1986, négociations bien plus importantes avec un scrutin proportionnel à listes départementales qu’avec un scrutin majoritaire où les partis ont moins d’influence sur l’identité des élus. À ma connaissance, Raymond Barre avait imposé l’éligibilité de seulement trois candidats : François Bayrou, Christine Boutin et Bruno Durieux (qui fut nommé en 1988 ministre d’ouverture rocardienne).

Lorsque Jacques Chirac fut nommé Premier Ministre le 20 mars 1986 pour diriger le premier gouvernement de la cohabitation, Raymond Barre a vu certains de ses proches "aller à la soupe" : Pierre Méhaignerie, Bernard Bosson, Adrien Zeller, Jean Arthuis etc. avec cette argumentation : fallait-il refuser de gouverner alors que les électeurs les avaient élus ? et cette précision : la majorité était si faible (à quelques sièges) qu’il fallait une totale solidarité au gouvernement.

Dès lors, Raymond Barre ne pouvait plus s’appuyer sur une base parlementaire homogène. Le refus, entre 1986 et 1988, de constituer un parti barriste l’a ensuite empêché de faire une campagne efficace. Début 1988, les réseaux barristes étaient systématiquement en concurrence avec les fédérations départementales de l’UDF et des partis membres, si bien que la campagne de Raymond Barre suscita avant tout une série de rivalités à enjeux purement locaux. Malgré son impopularité (comme gouvernant), Jacques Chirac n’a eu aucun mal à dépasser Raymond Barre au premier tour du 24 avril 1988 grâce à la très redoutable mécanique du RPR, rouleau compresseur du "vote utile" et de "l’union". C’est cette déplorable expérience qui a convaincu François Bayrou dès 1998 qu’il fallait transformer l’UDF en véritable parti à vocation présidentielle.

Fillon sur les traces barristes ?

Si on revient maintenant à 2013 et à la perspective de 2017, François Fillon met-il ses pas sur les traces de Raymond Barre ? C’est clair que l’élection présidentielle de 2012 a eu un petit air de 1981, par l’élection d’un socialiste (assez rare historiquement) et par l’échec après un seul mandat d’un Président élu jeune, se représentant quinquagénaire, et discrédité par une crise économique internationale majeure.
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François Fillon a semble-t-il une popularité proche de celle de Raymond Barre, celle d’un homme qui ne fait pas rêver les foules mais qui a courageusement voulu dire la vérité aux Français. François Fillon bénéficie en plus d’un complément de popularité par la simple comparaison avec Nicolas Sarkozy dont le comportement avait beaucoup agacé même dans son électorat.

En revanche, François Fillon s’est délibérément éloigné de la stratégie gaullienne de Raymond Barre en voulant prendre d’assaut l’appareil de l’UMP dès juin 2012. Jean-François Copé, qui est à la tête de l’appareil depuis novembre 2010, se voyait très bien devenir le Chirac d’après 1981, à savoir, le leader qui deviendrait incontestable au fil des années d’opposition.
Pour François Fillon, il était donc nécessaire et urgent d’éviter cette évolution-là d’autant plus que, contrairement à la rivalité entre Jacques Chirac et Raymond Barre, il paraît totalement inconcevable qu’en 2017, François Fillon et Jean-François Copé puissent être tous les deux candidats à l’élection présidentielle (ce qui s’était passé malgré tout au sein du RPR entre Jacques Chirac et Édouard Balladur en 1995).

En se présentant à la présidence de l’UMP le 18 novembre 2012, puis, lors de la crise interne, en créant son propre groupe UMP bis à l’Assemblée Nationale, réunissant plus de 70 députés fidèles, François Fillon a créé un effet de loupe sur une démarche collective et pas solitaire (Raymond Barre se plaisait à se montrer seul, extraterrestre dans le microcosme parisien).

Et l’avenir ?

La logique voudrait donc que François Fillon soit de nouveau candidat en septembre 2013 pour la présidence de l’UMP. Il sait que Jean-François Copé voudra poursuivre sa propre présidence et il sait aussi qu’il n’y aura que lui pour le battre dans une élection interne, qu’aucun élu filloniste (comme François Baroin ou Valérie Pécresse) ne serait en mesure de l’emporter sur Jean-François Copé. La seule hypothèse qui pourrait entraîner son abandon serait le cas où Jean-François Copé lui aussi renoncerait à la présidence pour nommer une direction neutre (avec un Bruno Le Maire ou une personnalité "non alignée" comme lui).
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Ne pas avoir à son service l’appareil d’un parti, c’est être sûr d’échouer à l’élection présidentielle. Ségolène Royal, qui fut choisie candidate socialiste à l’encontre de tous les éléphants du PS, a eu cette malheureuse expérience de ne pas avoir un parti loyal ni fiable et malgré sa forte popularité et l’enthousiasme qu’elle a su susciter, elle n’a pas pu gagner.
Le temps fort de sa rentrée politique sera le meeting à la Mutualité, 24 rue Saint-Victor à Paris, mardi 26 février 2013 à 18h30.

La détermination de François Fillon est, selon lui, certes totale.
Mais pour l’instant, c’est bien Jean-François Copé et pas lui qui préside l’UMP !

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 février 2013)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
François Fillon n’est-il qu’un collaborateur ?
François Fillon, le sauveur de l’UMP ?
François Fillon à Matignon.
François Fillon, rigueur et vérité.
François Fillon candidat à la présidence de l’UMP.
L’UMP réconciliée ?
Jean-François Copé.
Nicolas Sarkozy.
Jacques Chirac.
Raymond Barre.
Pourquoi les plus ambitieux gagnent-ils toujours ?
L’élection présidentielle.
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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-fillon-l-election-131354




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