Caméra au poing (de guerre lasse…)

Par Borokoff

A propos de 5 caméras brisées d’Emad Burnat et Guy Davidi ★★★★☆

5 caméras brisées d'Emad Burnat et Guy Davidi - Borokoff / Blog de critique cinéma

A Bil’in, petit village de 1700 habitants situé en Cisjordanie, Emad, un agriculteur et père de famille, décide un jour de 2008 de prendre une caméra pour filmer l’invasion et l’expropriation dont lui et les siens sont victimes. Depuis cinq ans, les colons juifs de Modiin Illit s’approprient chaque jour illégalement des terres appartenant aux Cisjordaniens pour y construire de nouveaux buildings. Pour chasser les villageois de Bil’in, les soldats israéliens n’hésitent pas à recourir à la force, à la violence, à l’intimidation voire parfois au meurtre de sang-froid…

Le titre du film emprunte directement au parcours d’Emad qui a perdu quatre caméras en autant d’années de filmage. Deux d’entre elles ont été touchées par des balles. Emad lui-même a failli se faire tuer plusieurs fois mais s’en est sorti miraculeusement à chaque fois. A la place des oliviers appartenant aux habitants de Bil’in ont poussé peu à peu des immeubles en béton construits pour abriter les colons juifs.

5 caméras brisées d'Emad Burnat et Guy Davidi - Borokoff / Blog de critique cinéma

Emad le dit au début du film. Il s’est emparé d’une caméra, un jour de 2008, « par instinct » et pour contenir toute la rage et la colère qu’il avait accumulées en lui. C’est d’abord « pacifiquement » qu’il a voulu se battre contre l’injustice et témoigner des méthodes brutales utilisées par les soldats israéliens pour l’exclure un peu plus chaque jour, lui et les siens, des terres sur lesquelles leurs ancêtres vivaient pourtant déjà, depuis le plan complexe de partage de la Palestine, ratifié par l’ONU le 29 novembre 1947. C’est dans cette histoire récente que la Palestine s’est créée. Et que sont nés tous ces maux.

5 caméras brisées d'Emad Burnat et Guy Davidi - Borokoff / Blog de critique cinéma

5 caméras brisées est un film foisonnant et passionnant, un documentaire en forme de journal de bord militant et autobiographique, ce qui ne l’empêche pas d’avoir du recul. C’est un témoignage poignant, narré à la première personne, dans lequel Emad filme tantôt ses amis, ses quatre enfants, sa femme inquiète tantôt les brutalités des soldats israéliens qu’il commente en direct et en voix-off, au péril de sa vie qu’Emad a failli perdre au moins à deux reprises. Filmé sur le vif, 5 caméras brisées témoigne du quotidien tragique et chaotique des habitants de Bil’in à qui on a confisqué leurs terres, ces terres ancestrales, peuplées d’oliviers qui sont leur gagne-pain. La plupart des villageois de Bil’in, agriculteurs de père en fils, se sont peu à peu retrouvés au chômage, sans pouvoir faire respecter ni exercer leur droit du sol. Cette situation hallucinante et bouleversante, Emad la raconte au jour le jour, dans un documentaire brut qui n’empêche pas l’agriculteur-cinéaste de filmer les choses avec distance et nuance, en essayant de rester le plus objectif possible, de ne pas tomber dans le fanatisme ni un parti-pris trop partial. Emad n’hésite pas par exemple à montrer la bonne volonté de certains colons juifs. Des colons juifs de bonne foi et qui comme lui, comme le documentariste Guy Davidi qui l’a aidé à construire son récit, cherchent un terrain d’entente pour la paix, un juste milieu dans ce partage devenu impossible des terres. Mais n’est-ce pas la haine malgré tout qui semble gagner le plus de terrain entre les deux communautés ?…

http://www.youtube.com/watch?v=pi8ZaEZZMVs

Film documentaire palestinien d’Emad Burnat et Guy Davidi (1 h 30)

Scénario de Guy Davidi : 

Mise en scène : 

Compositions de Samir Jubran et Yousef Hbeisch :