Une pièce de Ronald HarwoodTraduite par Dominique HollierMise en scène par Odile RoireDécors de Stéphanie JarreLumières de Jérôme AlmerasCostumes de Sylvie PensaAvec Jean-Pol Dubois (Wilhelm Furtwängler), Francis Lombrail (Steve Arnold), Thomas Cousseau (Helmut Rode), Odile Roire (Tamara Sachs), Guillaume Bienvenu (David Wills), Jeanne Cremer (Emmi Straube)
L’histoire : Berlin, février 1946. En zone américaine, le commandant Steve Arnold attend Wilhelm Furtwängler, le chef d’orchestre favori d’Hitler. Il est chargé de l’interroger. Il a « la question » à laquelle Furtwängler n’a jamais su répondre clairement. Malgré tous les témoignages qui se succèdent et qui innocentent le grand artiste, le commandant Arnold est bien décidé à mettre à jour sa culpabilité, guidé par une voix plus forte que les ordres qu’il reçoit…
Mon avis : Une grande partie de l’œuvre de Ronald Harwood a été consacrée à deux de ses thèmes favoris, la musique et la Seconde guerre mondiale. Très souvent d’ailleurs, il traite du Nazisme à travers l’expérience vécue par des musiciens. C’est ainsi le cas pour Le Pianiste, dont il a écrit le scénario, et pour ses deux pièces de théâtre, Collaboration, qui met en scène le compositeur Richard Strauss, et A tort et à raison, qui traite du procès en dénazification de Wilhelm Furtwängler, un des plus grands chefs d’orchestre allemands de tous les temps. Dans ces deux derniers cas, le dramaturge s’interroge sur le degré d’implication de ces deux musiciens dans le régime nazi. Etaient-ils sympathisants, étaient-ils manipulés, ou bien se sentaient-ils au-delà de toute responsabilité en raison de leur statut d’artiste reconnu et adulé.
Autour d’eux, voué à la portion congrue, il est difficile d’exister. Pourtant Jeanne Cremer, dans le rôle de la scripte Emmi Straube, Guillaume Bienvenu, dans celui de l’assesseur David Wills et Thomas Cousseau dans celui du second violon Helmut Rode, ont ça et là l’occasion de faire valoir un bien joli talent. Guillaume Bienvenu a un joli personnage. On sent en lui un être épris de justice, de tolérance. Il a du mérite à ne pas cacher son admiration pour cet artiste qu’est Wilhelm Furtwängler face à son supérieur hiérarchique et à rester impassible devant ses intimidations. Et il n’a pas peur de lui tenir tête... Thomas Cousseau nous offre en une scène une grande dimension émotionnelle. C’est sans doute le personnage le plus proche de nous. C’est un humble, un frustré. Il a peur pour son job et pour sa vie s’il ne rentre pas dans le moule du Nazisme. Les choix qu’ils faits sont visiblement contraints et forcés. Je pense que la majorité des gens auraient agi comme lui… Quant à Jeanne Cremer, elle apporte la seule note de féminité dans ces affrontements virils. Elle est prise ne tenaille entre la brutalité de l’officier et la sensibilité du musicien. Elle estime les deux hommes et les comprend.
Basée sur des faits historiques réels, A tort et à raison est une pièce forte en ce sens qu’elle fait appel à notre conscience et à notre discernement. Nous pouvons sans difficulté nous mettre dans la peau et de Steve Arnold et de Wilhelm Furtwängler. Comme nous pouvons tout autant nous approprier les personnages de David Wills, d’Helmut Rode et d’Emmi Straube.