Air France-KLM cherche ŕ remonter la pente.
Bien sűr, il n’est pas indispensable d’appeler au secours le roi de Corinthe ou Albert Camus. Et il n’est pas obligatoire de se pencher sur le dossier Air France-KLM en témoignant d’un pessimisme noir. On se contentera donc d’exprimer un minimum de perplexité ŕ l’examen des résultats financiers 2012 du groupe franco-hollandais, soldés par une perte de 1,19 milliard d’euros. Y compris, il est vrai, 471 millions de provision de restructuration, le prix ŕ payer pour que de nouvelles économies deviennent réalité.
La question qui est posée, alors que le plan de redressement Perform 2015 est bien engagé, est évidemment de savoir si l’entreprise arrivera ŕ ses fins dans des délais acceptables. Ses fins ? L’équilibre financier, bien sűr. Certes, l’opération est compliquée par des circonstances défavorables, ŕ commencer par le prix élevé du pétrole et une conjoncture économique pour le moins maussade. Mais toutes les compagnies aériennes sont logées ŕ la męme enseigne et il serait vain de chercher lŕ des circonstances atténuantes. Air France-KLM se porte mal pour cause de mutation tardive et malgré un coefficient moyen d’occupation des sičges de 87,1% que l’on est tenté de qualifier d’exceptionnel.
La maîtrise de l’offre est indiscutable, tandis que la recette unitaire est, au minimum, convenable. Qui plus est, l’année derničre, 3.300 emplois ont été supprimés, ce qui n’est pas rien, tandis que les coűts, Ťquasiment stablesť, dit Philippe Calavia, directeur financier, n’ont toujours pas reculé, alors que les salaires sont gelés. Serait-il prématuré de porter un jugement, y aurait-il de l’impatience dans l’analyse, faut-il donner du temps au temps, accepter que Ť2013 sera une année de mise en œuvreť, pour reprendre l’expression de Jean-Cyril Spinetta, président du groupe, qui évoque par ailleurs la mise en œuvre d’une nouvelle gouvernance ? Oui, visiblement, il faut apprendre la patience et s’efforcer d’oublier Sisyphe.
Les raisons de perplexité n’en demeurent pas moins entičres, les mesures annoncées n’étant peut-ętre pas suffisantes. Une remarque qui a traversé l’esprit de tous les spécialistes avertis, la veille de l’annonce des résultats 2012 d’Air France-KLM, en prenant connaissance d’un communiqué trčs bref, sibyllin, de l’Elfaa, European Low-Fare Airlines Association, annonçant que ses adhérents ont franchi l’année derničre le cap symbolique des 200 millions de passagers transportés. Il n’en faut pas davantage pour expliquer les souffrances du réseau court-courrier d’Air France, ŕ l’origine de pertes spectaculaires, les résultats apparemment mitigés des Ťbasesť et les questions qui entourent la mise en place prochaine de Hop! Le court-courrier est Ťsous pressionť, reconnaît Jean-Cyril Spinetta. C’est évidemment un euphémisme.
Tout cela est trčs ennuyeux : on voudrait qu’Air France-KLM trouve les moyens de grandes ambitions, au moment oů le transport aérien tout entier se retrouve ŕ la croisée des chemins. On rejoint ainsi, bien involontairement, un mal français qui, toutes disciplines confondues, est ŕ l’origine de grandes déceptions : les capacités d’analyse sont remarquables, les causes du mal identifiées avec une absolue précision mais le bât blesse dčs qu’il est question de formuler des recommandations, d’élaborer des mesures concrčtes et, ensuite, de les appliquer. En termes de tous les jours, il est difficile, voire impossible, de passer de la théorie ŕ la pratique.
Jean-Cyril Spinetta vient de la répéter : Ťdix ŕ quinze trčs grand groupes vont dominer [le transport aérien] ŕ l’échelle mondiale, les Européens doivent se regrouperť. Les faits lui donnent raison et c’est maintenant qu’Air France-KLM devrait passer ŕ l’action avant que les bonnes places encore vacantes ne soient prises. Encore, pour ce faire, devrait-elle en avoir les moyens. Et, pour l’instant, ce n’est évidemment pas le cas.
Pierre Sparaco - AeroMorning