Semainier (Du 18 février au 24 février 2013)

Publié le 25 février 2013 par Arsobispo

Amusé : à la lecture de « Vous étiez parfaite jusqu’à cette histoire de tampon qui coince. » que voici : Je me souviens de ce jour où, main dans la main avec l’homme qui partageait ma vie depuis quelques semaines à peine, je suis passée devant cette affiche vantant les mérites d’un tampon révolutionnaire qui ne se met jamais de travers. Il m’a regardée, a relu le slogan, m’a re-regardée… et à souri. Moi : « Mais j’te juuure que ça m’est jamais arrivé ! » il a eu l’air de me croire, mais voilà : il n’a pas pu s’empêcher d’imaginer la scène, l’enfoiré. Ça s’est vu. A ce moment, j’ai entendu dans mon crâne la phrase mythique : « c’est un truc de fille ! » qu’on claque au nez de ces messieurs pour mieux séquestrer, entre sœurs, les petites choses pas très romantiques qui ponctuent la vie de notre corps. Et j’ai compris qu’on ne séquestrait plus rien du tout. C’est dégueulasse de nous faire ça. Et si injuste. Imaginez un peu la tête de mon brun ténébreux si, alors qu’il était en train de me faire le coup du regard-braiseux-et-sourire-en-coin-coquin, devant un verre de whisky sec bien viril, la radio du bar lâchait sans prévenir : « gland malodorant ? Fini les scandales conjugaux, avec Puriglan ! » L’intimité, normalement, c’est ce qui reste quand tout le monde est parti. Le problème pour nous, c’est qu’entre l’avortement, le débat sur la PMA, la contraception, nos mille sécheresses et autres prétendus besoins de toilette « intime », l’intérieur du corps féminin est en permanence investigué par l’œil public. Et que l’inégalité est aussi là. Que le sort fait au corps des femmes soit un enjeu politique, ça, c’est pas un scoop, mais qu’on affiche mon intimité et ses petits soucis partout et tout le temps, j’en ai ras la serviette ! La solution ? Et si on revendiquait l’égalité par le bas ? Vive Puriglan ! Que les agences de com se mettent vite à identifier tout ce que les hommes cherchent à nous cacher et le balancent enfin à la télé et sur les bus ! Ejaculation précoce ? Ah ah ! Démangeaisons intimes ? Ah ah ah ! Voilà où ça me mène, ces indiscrétions répétées, je deviens vile. Mais, mon pauvre chouchou, c’est parce que je t’aime que je veux rire de tes petits secrets. Et un peu pour que tu saches ce que ça fait !

Ce texte est l’éditorial du dernier numéro (32) de Causette, une revue « qui ne prend pas les femmes pour des quiches », rareté de la presse française. On parle souvent d’un autre regard. En général c’est du pipeau. Ce n’est pas le cas pour ce magazine. Je ne sais qui est l’auteur de ces lignes, c’est simplement, humblement, signé Causette. Et c’est bien dit. L’humour reste un moyen efficace de faire passer le message. Et puis tout cela n’est pas bien méchant. Il y aurait pourtant de bonnes raisons de tout vouloir faire péter. Ainsi, hier soir, bien entendu à une heure tardive, ce reportage sur l’histoire des BMC (Bordel Militaire de Campagne) et donc de la politique proxénète institutionnalisée des armées.

Peu importe la nation, elles sont toutes concernées dès lors qu’elles concentrent de jeunes hommes dans des casernes, ou d’autres camps. Avec des dérives absolument incroyables, telles celles de troupes de l’ONU lors de la dernière guerre des Balkans. Si les soldats étaient engagés pour maintenir la paix et protéger les innocents de la barbarie guerrière, ils fermaient les yeux, quand ils ne facilitaient pas ou, pire, n’organisaient pas la traite des femmes, parfois même des mineures, main dans la main avec les mafias locales…

Subjugué : par les formidables images d’archives que Patrick Jeudy a recueillies pour utiliser dans son dernier documentaire « Aventure en Indochine 1946-1954 » que France 3 a diffusé le même jour, juste auparavant le reportage sur les BMC. Un documentaire mettant en scène l’expérience de l’écrivain Jean Hougron et de ses rencontres imaginaires avec quelques figures mythiques ayant vécu l’agonie de l’Indochine française.

Voir quelques extraits ici.

L’autre plaisir de ce documentaire fut de me rappeler le plaisir que je prenais à lire les aventures que concoctait Jean Hougron dans les années 60. De la littérature populaire comme je l’aime ; des histoires solidement ficelées, des personnages parfaitement campés, des intrigues prenantes, de l’exotisme savamment distillé et de l’aventure à l’époque de l’empereur Bao-Daï. C’est d’ailleurs cet ensemble de qualités qui, paradoxalement, reléguait les œuvres de Jean Hougron hors du sérail de la littérature, la grande, celle qui refuse de ce compromettre avec de tels artifices. Pourtant, Jean Hougron, savait de quoi il parlait. Il a vécu 4 ans en Indochine (Vietnam, Laos, Cambodge, Chine du sud et Thaïlande) et, probablement bien vécu, pour alimenter un imaginaire qui produira plusieurs dizaines de livres qui se lisent sans temps mort, sans redite et sans prise de tête. Des bouquins qui valent largement les gros succès de librairies de nos étés. Jean Hougron était enseignant avant de partir pour l'Indochine en juin 1947. Ce n’est que lorsqu’il rentrera en France, qu’il s’essaiera au roman, avec un certain succès d’ailleurs. « La Nuit indochinoise » (composée de plusieurs romans) obtiendra le prix du roman de l’Académie Française 1953. L’ «Histoire de Georges Guersant » recevra le prix du roman populiste en 1965. Il s’essaiera avec bonheur à la S.F. avec notamment « Le Naguen », Grand Prix de la Science-Fiction 1981. Son œuvre « Mort en Fraude » a été adaptée au cinéma en 1957 par le réalisateur Marcel Camus dont c’est le premier film.

Stupéfié : par le télescopage que cette émission provoquait avec ma dernière lecture, « Le massacre », la dernière BD de Simon Hureau, foisonnante et fantasque. L’histoire d’un trophée étrange, le massacre (c’est le terme employé pour un trophée de cornage) d’un « kouprey », une espèce de bœuf sauvage d’Indochine qui est d’ailleurs sans doute éteinte aujourd’hui. Cela pourrait être du Jean Hougron, mais non, Simon Hureau n’a besoin de personne pour écrire une fiction insolite parfaitement plausible[1] dans laquelle il revisite l’histoire, et notamment celle d’un autre massacre, atroce,  lié au Kampuchéa prétendument démocratique, avec des personnages attachants ou repoussants et un ton où la sensibilité le dispute à la fantaisie. On passe du cabinet des curiosités à la jungle laotienne, d’une salle des ventes à la découverte des temples d’Angkor. Je ne connaissais pas Simon Hureau, et je me dis qu’il pourrait bien être un des grands de la nouvelle génération des bédéistes.

« Le massacre, le musée insolite de Limul Goma », de Simon Hureau. Editions La Boîte à Bulles

Contemplé : avec plaisir, l’exposition « Agen vu par ses peintres ». J’ai notamment admiré Louis Lasbouygues, Gustave Böhm (surtout ses dessins aquarellés), Benjamin Rabu, Ferdinand David et Jean Torthe. Le lendemain, à Périgueux, en parlant de ces coups de cœur à notre beau-frère, celui eut brusquement le regard interrogateur. Puis il se leva et quitta la salle. Quelques instants plus tard, il revenait tenant aux mains, deux toiles d’un certain… Jean Torthe, précisément. Le monde est petit.

Consacré : quelques instants - quand même - à mon épouse sur son lit d’hôpital. Tout est bien qui finit bien...


[1] D’ailleurs, la plupart des faits qu’il relate sont véridiques. Voir ainsi l’extraordinaire histoire véridique du trophée, de la jungle à la salle des ventes à cette adresse