Bref, la grande arnaque continue. Les Etats font semblant de s’indigner alors qu’ils ont tous supprimé ou réduit à la portion congrue les contrôles sous prétexte de réductions des dépenses. Le bien commun passe avant le bien-être des intérêts privés, que voulez-vous.
« Après le scandale de la viande de cheval, celui du poisson ? C’est la question qui se pose, après la publication, jeudi 21 février, d’une étude menée par l’ONG américaine Oceana révélant une fraude de grande ampleur portant sur les produits de la mer aux Etats-Unis, où un tiers des poissons consommés n’appartiennent pas à l’espèce que les clients avaient cru acheter.
Pour son enquête, menée de 2010 à 2012, l’association a procédé à une analyse ADN de 1 215 échantillons de poisson collectés dans 674 points de vente – magasins d’alimentation et restaurants – dans 21 Etats américains.
LE THON ET LES VIVANEAUX, LES PLUS MAL ÉTIQUETÉS
Les résultats sont sans appel : 33 % des poissons étudiés ne correspondaient pas à l’espèce affichée et pâtissaient d’un étiquetage non conforme à la charte établie par l’Agence américaine des produits alimentaires et des médicaments(FDA).
Les poissons les plus pêchés, le thon et le vivaneau (« snapper »), sont aussi les plus mal étiquetés : ainsi, le vivaneau enregistre un taux d’erreur de 87 % (161 des 186 poissons vendus comme tel et collectés dans l’ensemble du pays n’en étaient finalement pas), tandis que le thon est mal étiqueté dans 59 % des cas (84 % des échantillons de thon blanc prélevés étaient en réalité de l’escolar, une espèce de poisson pouvant provoquer de graves troubles digestifs).
Entre 19 % et 38 % des morues, des flétans et des bars chiliens avaient aussi un étiquetage erroné, ajoute encore le rapport. Seul le saumon est mieux étiqueté, avec seulement 7 % de fraudes.
Cette vaste opération de substitution d’espèces prend plusieurs formes. On y retrouve des poissons d’élevage vendus comme des poissons sauvages, beaucoup plus coûteux (comme du pangasius vendu pour du mérou, de la sole ou de la morue). Des espèces surexploitées, vulnérables ou en péril vendues comme d’autres plus soutenables (par exemple du flétan de l’Atlantique à la place du flétan du Pacifique). Y figurent aussi des poissons déconseillés aux femmes enceintes et aux enfants par la FDA en raison de leur teneur élevée en mercure – comme le bar – commercialisés sous d’autres noms.
RESTAURANTS DE SUSHI ÉPINGLÉS
Au total, 44 % de tous les lieux de vente visités vendaient des poissons mal étiquetés. Dans le détail : les restaurants de sushi avaient le taux d’erreurs le plus élevé sur leur carte (74 %), suivi par d’autres restaurants (38 %) et les magasins d’alimentation (18 %).
« La chaîne mondiale d’approvisionnement des produits de la mer est des plus complexes et obscures, expliquent les chercheurs. Avec des inspections minimales du gouvernement fédéral, alors que les importations augmentent, et sans tests ADN tout au long de la chaîne d’approvisionnement, il est difficile de déterminer si la fraude s’est produite sur le bateau, pendant le traitement des poissons, au niveau du gros, lors de la vente au détail ou ailleurs. »
« JEU DE DEVINETTES POUR LES CONSOMMATEURS »
« Aux Etats-Unis, 90 % du poisson consommé est importé, ce qui rend plus difficile la traçabilité. Surtout, les contrôles de la FDA ne portent que sur 2 % de ces produits, explique Beth Lowell, directrice de campagne d’Oceana. Acheter du poisson est devenu un jeu de devinettes pour les consommateurs américains. Il faudrait traquer les poissons du bateau de pêche jusqu’à la table du consommateur pour pouvoir être sûrs qu’ils sont sans danger, légaux et portent une étiquette les décrivant de façon exacte. »
« Outre le fait d’être trompés et de payer plus cher que la valeur du produit acheté, un grand nombre de consommateurs se voient nier le droit de choisir un poisson pour des raisons de santé ou de préservation d’espèces menacées », déplore de son côté la Dr Kimberly Warner, scientifique d’Oceana et principale auteure de cette recherche.
« Nos résultats montrent qu’un système de traçabilité transparent et empirique – un système qui pourra suivre les poissons du bateau à l’assiette – doit être mis en place au niveau national, conclut le rapport. Conjointement, une inspection et des tests accrus sur nos produits de la mer, et en particulier pour les problèmes d’étiquetage, ainsi qu’une application plus stricte des lois fédérales et nationales qui combattent la fraude, doivent permettre de lutter contre cette tendance gênante. »
En Europe, la traçabilité est aussi en question. Si aucune enquête de grande envergure n’a jamais été menée à l’échelle de l’Union, une étude publiée dans la revue Fish and Fisheries en 2011 avait néanmoins révélé que respectivement 28 % et 7 % du cabillaud vendu en Irlande et au Royaume-Uni était mal étiqueté. L’espèce, la plus populaire parmi les poissons blancs consommés dans ces deux pays, était remplacée par d’autres poissons moins soutenables (comme le cabillaud de l’Atlantique, menacé) ou moins chers (tels que du merlan, du colin ou du lieu noir). »
Source: Le Monde
L’article d’Oceana rappelle aussi que: « Certes, une étude de cette envergure n’a pas été menée dans toute l’UE, mais dans plusieurs pays européens ont déjà eu lieu des « erreurs d’étiquetage » de fruits de mer. En 2011, une étude avait révélé que 28% des produits de cabillaud en Irlande étaient mal étiquetés et qu’il s’agissait soit une espèce moins durable comme la morue, ou d’une autre espèce de poissons, comme le merlan moins cher, la goberge et le lieu noir. Dans les pays méditerranéens, dont l’Espagne, l’Italie et Malte, l’espadon peut s’avérer être en fait du requin peau bleue , qui est similaire en goût et en apparence, mais beaucoup moins cher.
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