Près de quinze ans après avoir créé le spectacle à Avignon, Didier Brice reprend le "Journal d'un Poilu", à Paris d'abord puis en tournée l'an prochain, afin de commémorer le centenaire de la Guerre de 1914-1918. Un témoignage authentique rédigé par un certain Henri Laporte à son retour du front, simple, sans emphase, percutant, poignant, sur le calvaire vécu par les soldats de l'époque mais aussi un récit empli d'humanité qui nous démontre que face aux pires horreurs, à la souffrance la plus extrême, il est encore possible de croire en la vie et de retrouver sa beauté, sa douceur, son essence...
En 1914, alors qu'il est enrôlé, l'auteur n'a que 19 ans et la candeur qui va avec ses jeunes années. Il raconte d'abord son départ pour l'armée, presque enjoué, puis le terrible quotidien des tranchées. L'ennemi à quelques mètres, l'attente, l'ennui, le froid, la faim, la boue, la boucherie... Les collègues qui meurent sous ses yeux, parfois démembrés, éventrés, déchiquetés qu'il faut porter sur ses épaules... Les moments où il manqua d'être enterré vivant, son accident à Verdun, un éclat d'obus reçu dans l'oreille, qui lui valut d'être définitivement classé inapte au combat et de voir la guerre s'achever aux côtés de ses proches.
Cette histoire, Didier Brice la fait sienne avec pudeur, humilité, sincérité, vérité, et surtout un respect profond pour son auteur, jamais dans le numéro d'acteur, soucieux de transmettre sans trahir, cherchant la symbiose avec le narrateur, Poilu parmi tant d'autres qui revint, à son grand étonnement, vivant de l'enfer. La mise en scène signée Stéphane Cabel et Didier Brice se révèle aussi belle qu'inventive. Au lever du rideau, l'acteur est un soldat statufié sur un monument érigé en hommage aux combattants. Petit à petit celui-ci s'anime, raconte, donne chair à des faits possiblement abstraits, avant de redevenir pierre pour l'éternité en fin de spectacle.
Très fort.
A ne pas manquer.
Photo : Fabienne Rappeneau