Parait qu’être une femme libérée c’est pas si facile

Publié le 24 février 2013 par Juval @valerieCG

J’ai du avoir affaire à un exhibitionniste 5 ou 6 fois dans ma vie. La plupart du temps, soit il s’exhibait, soit il se masturbait en plus. J’avais 9 ans la première fois.
Même si juridiquement ce ne sont pas, je crois, des agressions sexuelles, c’est bien ainsi que je les ai vécues.

Dans le texte « Tu seras violée ma fille« , j’avais expliqué combien les injonctions sociales conditionnaient les femmes à avoir peur alors que les hommes courent également des risques dans l’espace public, risques d’ordre différent – ils sont beaucoup plus agressés physiquement mais beaucoup moins sexuellement – .

Cette éducation, ce formatage à la peur conduit à plusieurs choses :

- beaucoup de femmes ont peur. Parfois la peur est même irrationnelle. Germaine Greer explique qu’une étude a montré que les femmes victimes d’exhibitionnistes avaient eu comme tout premier sentiment, l’idée qu’elles allaient mourir. Rationnellement, un homme la bite à l’air est particulièrement vulnérable. Pourtant l’on a tellement accordé de pouvoir à ces quelques cm de chair, que, même lorsqu’il est le plus vulnérable il reste dangereux.

- Beaucoup de femmes ne se défendent pas. Despentes explique que lors de son viol, elle n’a pas tenté de se défendre alors qu’elle l’aurait sans doute fait s’il s’était agi de la voler. Il ne s’agit evidemment pas ici de culpabiliser qui que ce soit à ce sujet mais de comprendre pourquoi une femme peut être parfaitement apte à se défendre lors d’agressions graves et beaucoup moins lorsque la possibilité d’une agression sexuelle existe.

- les violeurs et agresseurs sexuels vivent une totale impunité. A partir du moment où il est clair pour tout le monde qu’une femme doit se protéger face au viol, alors il devient clair pour tout le monde qu’on ne peut « rien faire contre ça » et que les agressions sexuelles et viols sont des phénomènes naturels, logiques, permanents et immuables comme le rythme des saisons. Par se protéger on entend bien sûr restreindre leur liberté de mouvement. Il ne viendrait à l’idée de personne de dire à un homme « écoutez tu ne sors pas car potentiellement tu pourrais violer quelqu’un ; tu fais partie d’une groupe social à risques après tout » alors qu’il ne gêne à personne de dire à une femme « ne sors pas car tu pourrais être violée ». Le rôle de victime est visiblement très normal à endosser pour une femme. De la même façon on enjoindra aux femmes de ne pas se tenir seule dans un lieu isolé, ni de boire dans une soirée, ni de consommer des substances diverses etc.

- beaucoup d’hommes sont dans l’impossibilité d’exprimer leurs peurs. Il sera très difficile à un homme de dire qu’il a peur de rentrer chez lui le soir, qu’il ne se sent pas à l’aise face à des groupes d’hommes. On attend de lui qu’il se défende en toute occasion, voire même parfois qu’il agresse (je ne parle pas ici à un niveau sexuel mais il n’est pas mal vu qu’un jeune adolescent soit parfois poussé, sinon absolument pas découragé, à avoir une conduite dite virile qui peut passer par la violence.

- l’agression sexuelle et le viol sont à la fois maximisés et minimisés. Les femmes victimes ont donc des conduites à adopter totalement schizophréniques. A la fois l’on tend à considérer que le viol est la pire chose qui peut arriver à une femme, de l’autre on tend à dire qu’après tout cela ne devait pas être si terrible que cela « sinon elle se serait débattue » « sinon elle ne serait pas sortie à cette heure là » « sinon elle aurait porté plainte de suite » « sinon elle n’aurait pas repris de petit copain après ». etc.
C’est bien évidemment pire pour les agressions sexuelles ; l’exhibitionnisme devient par exemple un simple impondérable contre lequel il n’y a pas grand chose à faire et certainement pas à en être traumatisée. Au fond ca arrive tellement souvent (j’ai envie de dire que c’est bien là le seul et unique problème).

Car c’est bien là que se situe le problème non ? Les agressions sexuelles et viols sont en nombre extrêmement important. J’en viens à ne plus donner de chiffres puisqu’ils sont systématiquement contestés et minimisés ; je pense que c’est parce que beaucoup ne veulent absolument pas admettre la gravité du phénomène tant il faudrait s’interroger sur nos propres comportements collectifs et notre façon de nous éduquer car après tout un violeur est bien produit d’une société donné. A partir du moment où tout le monde a bien intégré que c’est aux femmes de s’en protéger – mais que cela reste tout de même un peu inévitable – pourquoi diantre faudrait il mener une réflexion globale ? Sur le genre par exemple.