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Chronique ontarienne, par Jean-François Tremblay…

Publié le 24 février 2013 par Chatquilouche @chatquilouche

Selon Wikipédia, Thomas Patrick Keating est né le 1er mars 1917.  Cet Anglais de petite fortune s’est lancé dans la restauration d’œuvres d’art après la Seconde Guerre mondiale.  Pour boucler les fins de mois, Keating a également été peintre en bâtiment.

L’artiste a tenté d’exposer ses propres œuvres, mais sans succès.  Convaincu que le système des galeries d’art était corrompu, Keating s’est alors lancé dans la contrefaçon de peintures célèbres.  Souhaitant ridiculiser les experts, il décida de laisser des « indices » dans les œuvres.  Des défauts, des anachronismes, de courtes phrases sous la peinture (qui seraient détectables aux rayons X), etc.  En tout, il falsifia plus de 2000 œuvres de 100 différents artistes.

C’est en 1970 que la supercherie fut mise à jour.  Keating fut formellement arrêté en 1977 et accusé de complot dans le but de frauder.  La même année, il publia son autobiographie.  Son cas judiciaire fut abandonné éventuellement pour des raisons de mauvaise santé.  Son accoutumance à la cigarette, ainsi que l’exposition prolongée aux vapeurs des produits chimiques utilisés pour la restauration des œuvres avaient fait de sérieux ravages.

Malgré cela, en 1982 et 1983, il eut sa propre émission de télévision où il présentait les différentes techniques des grands maîtres de la peinture.

Keating mourut le 12 février 1984, à l’âge de 66 ans.

Après sa mort, ses contrefaçons ont commencé à prendre énormément de valeur et sont aujourd’hui des objets de collection très prisés.  Et ironiquement, les « œuvres » de Keating sont elles-mêmes victimes d’escroquerie.

Si je vous raconte cette histoire, c’est qu’elle sert de prétexte à la chanson Judas Unrepentant du groupe anglais Big Big Train.  (Cliquez ici pour écouter la pièce.)  Ce titre fait référence à la peinture de Rembrandt Judas Repentant, Returning the Pieces of Silver  (Judas rend les trente deniers), l’une des nombreuses œuvres recréées par Tom Keating.

J’aime beaucoup ce récit.  Je souris à la pensée de cet homme impénitent qui se moquait du système et qui a toujours refusé d’indiquer quelles étaient ses contrefaçons, laissant aux experts l’honneur – et l’effort – de les découvrir.

La chanson, quant à elle, me donne des frissons à chaque écoute.  J’adore la mélodie, le refrain qui m’emporte ailleurs, l’intensité et l’émotion dans le chant.  Le genre de pièce musicale que j’écoute dans le noir, mon casque d’écoute sur la tête et le volume élevé.

Ce morceau d’histoire de l’Angleterre n’en est qu’un parmi plusieurs autres que l’on retrouve sur l’album English Electric Part One de Big Big Train.

J’ai découvert ce groupe il y a quelques années, mais ce n’est vraiment qu’avec cet album que j’ai adhéré totalement à leur proposition.  On y trouve quelque chose de particulier que je ne saurais définir.  Est-ce l’attitude positive qu’il provoque chez moi ?  La chaleur des voix ?  La beauté séduisante des mélodies ?  Un peu de tout cela, je dirais.

Le magazine anglais Prog a classé l’album en 16e place des meilleurs albums de rock progressif de 2012 (sur un palmarès de 20).  Les lecteurs du magazine, quant à eux, lui ont décerné la deuxième place.

La musique de Big Big Train ne réinvente rien, au contraire.  Elle s’inscrit plutôt dans une sorte de mouvance nostalgique et référentielle.  En effet, la plupart des groupes actuels de rock progressif ne font que redistribuer et mélanger à nouveau les divers ingrédients qui ont fait le succès de leurs prédécesseurs, tels que les Yes, Genesis, King Crimson et autres.

Mais permettez-moi de vous présenter le groupe.

Big Big Train est une formation rock originaire de l’Angleterre et fondée en 1990.  Pensez à Phil Collins et Genesis dans le temps de A Trick of the Tail, et vous aurez une idée du genre de musique qu’ils font.

En fait, la filiation avec Phil Collins ne commence qu’en 2009, quand le chanteur David Longdon devient membre du groupe.  Sa voix, très semblable à celle du célèbre interprète de Follow You, Follow Me, ajoutée aux guitares acoustiques, aux claviers et à la section rythmique dynamique, rappelle la belle époque du rock progressif.   Fait à souligner, Longdon a auditionné pour faire partie de Genesis après le départ de Phil Collins en 1996, et il a même travaillé sur des démos avec Tony Banks et Mike Rutherford.  Éventuellement, c’est l’Écossais Ray Wilson qui obtint le poste, mais Longdon n’a jamais abandonné et cet homme posé et lettré a eu une carrière très remplie.

Depuis son arrivée dans le groupe, la musique de Big Big Train  – qui fut à certaines époques un peu plus hard – a pris une tangente que certains critiques qualifient de « pastorale », de Georgienne et même de bucolique[1].  Sur leur plus récente offrande, English Electric Part One, le sextuor propose une série de tableaux marquants de la vie anglaise.  Des vignettes parfois d’ordre personnel, parfois inspirées de faits réels, historiques.  Les chansons nous font visiter l’Angleterre du point de vue de ses habitants.  Voici l’explication que l’on retrouve dans le livret : « English Electric is a celebration of the people that work on, and under, the land and who made the hedges and the fields, the docks, the towns and the cities. »

David Longdon

David Longdon

Sur son blogue personnel, David Longdon, auteur de la plupart des chansons, explique en détail la genèse de ses textes (dont celui de Judas Unrepentant).  (Si ça vous intéresse, cliquez ici.) Il s’adonne au même exercice pour certaines des chansons qui constitueront la suite du projet, English Electric Part Two, qui sera lancé au mois de mars prochain.  J’ai extrêmement hâte d’entendre ce prolongement d’une œuvre qui ne cesse de me charmer à chaque nouvelle écoute.

La flûte, les guitares, le chant sensible et passionné de Longdon…  – autant d’éléments, à mes yeux, qui font de ce disque une réussite.

(Pour écouter l’entièreté de l’album et lire les paroles, cliquez ici.)


[1] Source : A Beginner’s Guide to Big Big Train

Notice biographique

Jean-François Tremblay est un passionné de musique et de cinéma.  Il a fait ses études collégiales en Lettres,

Chronique ontarienne, par Jean-François Tremblay…
pour se diriger par la suite vers lesArts à l’université, premièrement en théâtre (en tant que comédien), et plus tard en cinéma.  Au cours de son Bac. en cinéma, Il découvre la photographie de plateau et le montage, deux occupations qui le passionnent.  Blogueur à ses heures, il devient en 2010 critique pour Sorstu.ca, un jeune et dynamique site web consacré à l’actualité musicale montréalaise.  Jean-François habite maintenant Peterborough.   Il tient une chronique bimensuelle au Chat Qui Louche.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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