Une jeune femme (Sophie Marceau) entre dans un commissariat. Dix années plus tôt, elle a poussé son mari violent par la fenêtre. Elle culpabilise. Veut aller en prison. En face d’elle, ce soir-là, un lieutenant de permanence (Miou-Miou). A mesure qu’elle entend le récit de la coupable, elle ne désire plus la mettre derrière les barreaux. De ce point de départ, et d’un chiffre odieux (une femme tous les trois jours meurt sous les coups de son conjoint), le réalisateur Jean-Paul Lilienfeld, friand des problématiques politiquement incorrectes (La Journée de la jupe), livre un huis clos féminin qui retravaille les notions de victimes, de bourreaux, de morale et de culpabilité. L’impératif-titre, plus qu’un ordre désespéré ou une possibilité de s’extraire d’une culpabilité insupportable, devient vite le seul moyen possible pour la victime (des coups de son mari) et bourreau (elle est, dans les faits, une meurtrière) d’asseoir socialement, humainement, sa condition même de victime. Par une arrestation, elle ne serait plus soumise, ni sous l’emprise d’un fantôme invisible, enfin maîtresse de ses actions après avoir perdu tout contrôle. Une situation complexe qui permet au film de Jean-Paul Lilienfeld plusieurs bonnes choses : briser les tabous français autour du calvaire- à la fois psychologique et physique- vécu par les femmes battues, offrir un duo/duel de comédiennes plein d’intensité et nourri au texte de Jean Teulé (il s’agit d’une adaptation du livre Les lois de la gravité), et, insuffler du cinéma à une atmosphère de théâtre filmé.
Dans ses meilleurs moments, Arrêtez-moi a des postures cyniques et tranchantes à la Blier. Dans ses moments de faiblesse, il surligne un peu trop ses enjeux et s’englue dans une redondance anti scénaristique (les entêtements respectifs des deux femmes notamment). L’ensemble est toutefois sauvé par une singularité hors norme et des compositions d’actrices réjouissantes. Arrêtez-moi, cri d’insoumission et non de résignation, des mots greffés dans des bouches encore trop silencieuses, est surtout un film courageux, et dans le fond (qui se souvient d’un film français abordant ce fléau contemporain que sont les violences conjugales ?) et dans la forme (caméra subjective lors des passages à l’acte de l’homme violent, flashbacks, soin porté à la photographie ou à la bande son). Tout du long, Lilienfeld jongle avec plusieurs éléments : ton comico-acerbe d’un côté, gravité de circonstance de l’autre ; apparent sur-place anxiogène et vraie mobilité du texte et des outils cinématographiques. Arrêtez-moi, ou une paradoxale et métaphorique libération.