"Vis ma vie de Hollandiste inquiet"

Publié le 24 février 2013 par Juan
C'était un jour de manque d'inspiration comme un autre. Puis le conseil est venu du patron-fondateur de Ragemag. Tu veux que je t'aide à trouver un sujet ? Pourquoi pas. Tiens, en voilà un: "Vis ma vie de Hollandiste inquiet".
Inquiet ? Il y avait de quoi. Hollandiste ? Sans doute.

Il est très difficile de tenir la chronique d'une présidence. Cela n'a de sens que dans deux cas de figures: l'opposition ou le soutien. La simple chronique distanciée et sans parti pris est quelque chose de profondément ennuyeux, ou que l'on réserve aux historiens. Même ces derniers défendent un agenda implicite. L'histoire n'est jamais neutre. Il faut, pour intéresser et s'intéresser, une intensité dans l'argument et la rage qui se prête mal à la chronique positive. A l'inverse, l'opposition se prête mieux à l'exercice. Mais, idéalement, elle doit être systématique. C'est plus simple et plus cinglant.
Le soutien peut être critique, mais il lui faut un surcroît d'inside intelligence, comme disent certains Américains, du renseignement d'initiés qui n'est pas donné à tout le monde. Votre serviteur, Hollandiste par nécessité, en dispose parfois, comme ces autres blogueuses et blogueurs qui ont conservé des liens confraternels avec des camarades de campagne. Mais c'est largement insuffisant et excessivement risqué. Le story-telling permanent épuise lecteurs et contributeurs.
Batave
  1. (Histoire) Relatif à la région ou à la population germanique de Batavie, région de la Germanie inférieure située au nord du Rhin à l'époque romaine.
  2. Relatif aux Pays-Bas et à ses habitants.
  3. Par extension, le blogueur batave désigne un soutien du président Hollande (autrement appelé blogueur du gouvernement).
source: Wiktionary

Le blogueur batave doit avoir de la mémoire.
Hollande part en guerre au Mali, et vous vous sentez pacifiste. Damned ! Il faut alors relire ce qu'on écrivait quand l'Elysée était prise en otage par le clan sarkofrançais. On se souvient que la guerre en Libye nous avait semblé nécessaire et horripilante. Nécessaire car pourquoi faire la fine bouche quand une troupe de gangsters corrompus et sanguinaires se prend une raclée à Benghazi ? Les incantations pacifistes contre la guerre forcément sale, nos alliés forcément gris, nos intérêts forcément bien compris, sont d'une tristesse amnésique ou inculte qui fait peine. Cette guerre libyenne était horripilante puisque l'ancien Monarque, notre adversaire politique de toujours en était le leader. Il jouait sa partition bushiste, et pouvait taper du pied avec ses talons trop grands.
Quand Hollande prend la grave décision de secourir un régime malien chancelant, il part en guerre contre une menace évidente, l'établissement définitif d'un Etat islamiste, géré par des preneurs d'otages occidentaux et français, à trois de vol de la France. Et donc, on applaudit même si d'aucuns soulignent - encore - les intérêts économiques en jeu. Le blogueur batave aurait aimé qu'on rappelle assez vite combien la zone est aussi gangrénée par le trafic de coke.
Le blogueur batave est un chirurgien.
Parfois, on se croirait dans une mauvaise séquence des Experts Miami. Le cadavre - une promesse trahie ou une mesure présentée comme telle - est souvent encore chaud. Les entrailles sont fumantes. Il faut rapidement disséquer pour comprendre. Sinon, le buzz énervé prend le dessus, l'hystérie maladive nous emporte.
Prenez cet accord sur la flexi-sécurité signé par la MEDEF et trois syndicats. On a failli louper le sujet: quand le dialogue social produit de mauvais compromis, doit-on aimer le dialogue social ? Personne ne s'est posé cette question, la seule qui vaille. Le blogueur batave vous répondra par l'affirmative. Il préfère le dialogue social aux référendums, il aime les corps intermédiaires. Rien ne servait d'accuser Hollande d'endosser un accord social qu'il n'avait pas négocié. Il fallait aussi lire le texte, entendre les arguments des uns et des autres pour comprendre combien il pouvait être mauvais ou bon. Car il y avait du bon dans cet accord, mais trop peu. Et il y avait du mauvais, parfois caché: il fallait attendre quelques semaines pour découvrir que Laurence Parisot ne voulait même pas que la loi intègre la généralisation des mutuelles complémentaires santé ni la création des droits rechargeables d'indemnisation chômage.
Qui à gauche a encore une quelconque illusion sur le Medef ?
Bref, l'autopsie est parfois douloureuse. 
Le blogueur batave doit être schizophrène.
L'exercice du pouvoir de son mentor contraint à supporter la chose. Prenez Manuel Valls. Quelle réjouissance depuis mai dernier ! Le jeune ministre a l'allure fière, le discours droit et sans complaisance. A gauche, certains couinent, ou souffrent. Le blogueur batave voit bien qu'il s'agit de retirer un à un les arguments sécuritaires de la droite. Il se réjouit à l'avance que la lutte contre la délinquance ou l'immigration ne soit plus l'objet central du débat politique. Mais cette médaille, provisoire, a son revers, définitif. Manuel Valls expulse plus et mieux qu'Hortefeux ou Guéant. Les anecdotes de drames humanitaires sont encore là, moins nombreuses, certes, mais toujours là. C'est détestable.
Combien de temps encore le blogueur batave devra-t-il encore travailler ? Sans doute cinq ans, peut être moins.
Tout est question de rapport de forces.
Lire aussi:
  • Sur les blogueurs de gouvernement
  • Sur Manuel Valls, vu par Edwy Plenel
  • Sur l'accord sur l'emploi de janvier 2013.

Billet publié chez RageMag