Ce vendredi 22 février, je suis allée voir le ballet La Lanterne Rouge à la Place des Arts. Une perspective pleine de surprises, puisque mon amie m’avait seulement dit de garder ma soirée il y a de ça un mois, sans grande précision, donc pas d’expectative !
Avec notre mode de vie d’étudiantes, nous avions nos places, là où les escalateurs ne montent pas, dans le milieu du balcon C de la Salle Wilfried Pelletier. Entre hispters réchappés d’une pub denim et fiers représentants de la diaspora chinoise, nous avions une vue parfaite sur la société montréalaise. Malheureusement pour moi, je n’ai pas immigré avec les jumelles binoculaires que mon frère utilise pour contempler le vol des aigles des Alpes. Aussi, pour les expressions des danseurs et les effets de maquillage, on repassera, mais, pour une vue parfaite des tableaux d’ensemble, la place est idéale. Si vous êtes plus « grande échelle » que « micro-détails », le balcon C est pour vous.
La Lanterne rouge, entre épouses et concubines
Voir un ballet, c’est comme regarder un film allemand, on a tellement peur de pas comprendre qu’on hésite à se lancer dans l’aventure. Pour autant, il est assez facile de saisir l’histoire sans lire le feuillet, les gestes, les tableaux sont suffisament explicites.
Il était une fois une frêle jeune fille qui se fait enlever – les Sabines ne sont pas loin – par un seigneur déjà marié et ayant déjà une concubine. Tous les ingrédients du machisme féodal sont réunis. Amies féministes, c’est un ballet qui vous fera bondir et bondir vos détracteurs qui reprocheront votre anachronisme. Dans la Chine des années 20, il est tout à fait normal d’être marié, d’avoir une concubine et d’en vouloir une autre.
Je vous passerai le viol de la frêle oie blanche par le tout puissant seigneur, cela ne ferait qu’aggraver votre courou. À cette scène où la danse se fait combat perdu d’avance, s’ensuit un autre exemple de l’usage – presque maladif- de la symbolique légère dans la création chinoise contemporaine (lire mon article sur l’ expo 惊雷 / Coup de foudre chinois / Like Thunder out of China at L’Arsenal). L’issue de ce combat se matérialise en un drap rouge écarlate, recouvrant pendant plusieurs minutes l’intégralité de l’espace de scène. Symbolique légère, donc.
Comme dans tout ballet classique qui se respecte, il y a une histoire d’amour, généralement impossible dont l’issue est la mort libératrice et fataliste. Cet amour se crée bien souvent entre deux personnes d’une même condition : la jeune fille enlevée devenue concubine royale tombe amoureuse du laveur de carreaux qu’elle aperçoit à son affaire dans la grande salle du Palais où elle est confinée. Bien entendu, l’ex concubine favorite devenue concubine bafouée découvre l’amour coupable et fait découvrir le pot aux roses au puissant seigneur.
En réalité, le laveur de carreaux est membre de la troupe de l’Opéra, et c’est un interprète expert en arts martiaux. on dira que c’est un détail… Finalement, tout le monde meurt mêlant neige et sang, sauf le puissant seigneur. La féodalité l’emporte au détriment de l’amour.
Entre possession et jalousie, ce drame passionel a fait l’objet d’un film réalisé par Zhang Yimou et sorti en 1991, « Épouses et concubines« .
Le mot de la fin
La seconde partie, à mon sens, valait grandement ma position au balcon C. Les danseurs jouant la garde du signeur étaient à couper le souffle, avec une mise en scène minimaliste (mon gout personnel étant à des lustres des chinoiseries, sans mauvais jeu de mot cette fois).Soudain, je voyais sous mes yeux l’armée de terre cuite de Xi’an s’animer et évoluer…