Tu n'y croyais pas, à ce genre de rencontres, ce sont tes amies qui t'ont convaincue : « 'toute façon, t'as rien à perdre, au pire on rigolera quand tu nous raconteras, au mieux on bavera quand tu nous l'présent'ras ».
Rasé, Robinson Crusoé, sobre, moins sobre, propre sur lui mais sale en dedans, cadre sup et moins que rien, ça défilait, sans intérêt, jusqu'à ce qu'il s'assoit, en face de toi. Physiquement, plutôt banal, il n'était ni ce que tu préfères, ni ce que tu détestes au sein du règne ani-mâle. Dans la rue il t'aurait laissé indifférente. Jusqu'à ce qu'il parle. Quand il a eu fini de se présenter, tu es restée silencieuse, secrètement interloquée. « cette femme inconnue et qu'il aime et qui l'aime et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre », tu t'es demandé, quand même, si c'était un homme à femmes, ou juste un homme affable. S'il pensait vraiment t'emmener dans son lit avec de sa pseudo-poésie. Ou si c'était juste une tentative désespérée de romantisme avant un autre genre de tentative.
Tu te cherchais des raisons de ne pas succomber, tu voulais te prouver que tu pouvais résister. Mais tu lui as donné ton numéro.
Et là, rentrant d'une journée potin-shopping au cours de laquelle tu ne livras qu'un vague « oh, non, rien d'bien palpitant » aux copines assoiffées d'amours naissantes, tu découvres un message sur ton répondeur :
Hier, on parlait de choses et d'autres,
Et mes yeux allaient recherchant les vôtres ;
Et votre regard recherchait le mien
Tandis que courait toujours l'entretien.
Sous le banal des phrases pesées
Mon amour errait après vos pensées ;
Et quand vous parliez, à dessein distrait,
Je prêtait l'oreille à votre secret :
Car la voix, ainsi que les yeux de Celle
Qui vous fait joyeux et triste, décèle,
Malgré tout effort morose ou rieur,
Et met au plein jour l'être intérieur.
Or, hier je suis parti plein d'ivresse :
Est-ce un espoir vain que mon coeur caresse,
Un vain espoir, faux et doux compagnon ?
Oh ! non ! n'est-ce pas ? n'est-ce pas que non ?