Dans ma cabane une platine # 14

Dans ma cabane une platine # 14

Quand je serai grand, je serai musicien. Genre star. J'écrirai des chansons inoubliables que tout le monde sifflera sous la douche. J'aurai la classe de Dylan, le détachement feint de Gainsbourg, la verve de James Brown. Les critiques m'encenseront, et ceux qui ne m'aimeront pas me respecteront quand même. Tim Buckley, Robert Plant, le Moz et le Macca diront le plus grand bien de moi. Je donnerai le la de la musique du futur, j'enchaînerai les duos prestigieux avec la Franklin, la Joplin, la Simone. J'aurai une vie dissolue faite de drogues, d'orgies, de nuits blanches. Mais jamais je ne mourrai.

Quand je serai grand, je serai artiste maudit. J'écrirai deux albums confidentiels et l'on me rangera aux côtés de Nick Drake, Sexto Rodriguez, Donny Hathaway. Ma maison de disque me lâchera et je sombrerai dans la dépression. Ruiné, je mourrai dans l'indifférence générale. Et vingt ans après, Tom Yorke, Sufjan Stevens, Michka Assayas, Nick Kent se souviendront de moi. Dj Shadow me samplera, C2C me pillera. On écrira ma bio et Scorsese en achètera les droits d'adaptation. La gloire post-mortem.

Quand je serai grand, je serai DJ. Ou disquaire. Ou les deux. Je consacrerai ma vie à la musique des autres. Je serai intarissable sur plein d'anecdotes. Les sessions d'enregistrement d'Exile on main street, les dernières années de Marvin Gaye. On viendra me voir, m'écouter, pour découvrir, pour acheter. Je serai de toutes les soirées, de tous les sets influents. On m'invitera sur les plateaux télé, j'aurai peut-être le droit à deux lignes Wikipédia à la fin de ma vie par procuration.

Aujourd'hui je suis grand, et je ne suis rien de tout cela. J'ai un métier ordinaire, je ne signe pas d'autographes. Je tiens un blog et ça me va très bien comme ça. Et j'aime toujours la musique.  

Bonne écoute. Et vraiment désolé à nouveau pour les non abonnés Spotify. Grooveshark ne permettait pas une fois de plus de rendre compte de mon mois de février...