Février touche à sa fin et c’est le moment de dépouiller les contributions du 1er samedi du mois. Ce mois-ci était consacré à la Retraite Pour Tous, alors même que la réforme sur la retraite par répartition actuelle ne cesse de faire des remous, lointains et étouffés par une presse précautionneuse de ne pas faire exploser le sujet trop fort dans les pattes de son gouvernement chouchou.
J’ai donc reçu plusieurs contributions, je vais en partager une avec vous ici, mettre d’autres d’intérêt en lien (à décharger). Il y a deux gagnants : l’un pour le texte suivant (qui gagne 120€) et l’autre pour l’image insérée (qui retire 30€ de son idée, heureux homme !). Les gagnants se connaissent, ils peuvent me renvoyer leur adresse (ou coordonnées bancaires) pour que je leur fasse parvenir le montant du gain.
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On aurait pu…
On aurait pu laisser faire. Laisser les gens s’organiser comme ils le souhaitent pour leur retraite. Épargner ou pas, beaucoup ou pas. Adhérer ou pas à une société de secours mutuel. Et laisser la solidarité, la vraie, celle qui est volontaire, traiter les exceptions, les malchanceux. Les familles, les amis auraient pris soin de leurs vieux. Et les organismes caritatifs, religieux ou non, pour les exceptions des exceptions, ceux qui n’ont pas d’enfant, pas d’ami.
On aurait pu créer un filet de sécurité. Un minimum vieillesse. Un revenu minimal financé par l’impôt. Ça aurait coûté moins d’un point de PIB et aurait suffit à garantir qu’aucun vieillard, même malchanceux, imprévoyant ou odieux, ne meure de faim dans notre pays. Ça aurait couvert les exceptions des exceptions des exceptions.
On aurait pu forcer les gens à épargner, 2%, 5%, 10% de leur salaire. On les aurait laissé choisir leur épargne : immobilier, actions, obligations, métaux précieux, bons du trésor… Bien sûr ça aurait pesé sur la consommation, sur l’investissement sans doute aussi, car les citoyens auraient perdu le contrôle de leur épargne. Et ça aurait créé des coûts administratifs. Mais on aurait forcé une épargne longue, ça peut être utile.
On aurait pu choisir la destination de l’épargne à la place des gens. Comme l’ont fait plusieurs de nos voisins : ils forcent les citoyens à investir dans des fonds qu’ils forcent par ailleurs à prêter à l’État. Ça commence à ne plus trop ressembler à de l’épargne et à ressembler de plus en plus à de l’impôt. Le principal attrait de l’épargne forcée disparaît : on n’a plus une épargne qui s’oriente là où elle rentable, c’est-à-dire productive, elle va à l’État.
On aurait pu forcer les gens à mettre en commun leur épargne. Au lieu d’envoyer aux gens tous les 3 mois un papelard récapitulant ce qu’ils ont épargné et combien ça vaut, on leur envoie un papelard récapitulant le nombre de points qu’ils détiennent. Les mécanismes déterminant le nombre de points auxquels on a droit et ce que vaut un point sont incompréhensibles pour un être humain et dépendent du métier, du secteur d’activité, du revenu, du lobbying… Et peuvent être changés arbitrairement par le pouvoir. Là on entre de plain-pied dans le pervers. On commence à accumuler les effets indésirables : défiance généralisée à mesure que transparaissent les privilèges catégoriels et autres passe-droits et insécurité chronique à mesure qu’on réalise qu’on n’a pas la moindre idée de ce qu’on a épargné.
On aurait pu faire toutes ces choses, mais on a fait pire, on a fait le pire. On a choisi un système qui n’a aucun des avantages de l’épargne et tous les inconvénients de la contrainte, plus d’autres.
Résumons-nous :
- C’est un Ponzi : on paie les sortants avec l’argent des entrants. Du Madoff, mais en 100 fois plus gros.
- Ce n’est pas de l’épargne : l’argent versé n’a pas été investi dans des usines, des infrastructures, des actifs qui auront de la valeur demain ; il a été consommé par les retraités actuels. La valeur est partie.
- Issu des pires idéologies : mis en place par un ancien dirigeant de la CGT devenu ministre du travail de Pétain.
- On en a confié la gestion à des organisations proto-mafieuses. Des gens à qui personne ne confierait volontairement 1000€ voient passer entre leurs mains 250 milliards par an.
- Il est injuste verticalement : selon la génération à laquelle vous appartenez, le système de retraite vous aura été très avantageux ou très désavantageux.
- Il est injuste horizontalement : des myriades de régimes spéciaux vivent sur le dos du régime général. Si vous faites partie des privilégiés, vous payez moins et touchez plus que le vulgum pecus.
- Il pèse lourdement sur l’activité économique : quand un employeur paie 100€, 20€ partent en cotisation retraite. L’impact sur le chômage est effroyable.
- Il est trompeur et mensonger. Les cotisants croient qu’ils ont acquis des droits. Mais des droits auprès de qui ? Qui reconnaît avoir un engagement envers les cotisants ? Les caisses de retraite ? L’État ? Perdu ! Aucune de ces organisations ne comptabilise la moindre dette vis-à-vis des cotisants. Zéro, zilch, nada. La raison ? Vous allez rire : ce sont des « dettes contingentes ». Comme c’est l’État qui décide s’il va payer et combien pour votre retraite, il ne vous doit pas vraiment quelque chose et se dispense donc de le comptabiliser.
Comment sortir de ce cauchemar ? Comme toujours, pour résoudre un problème il faut d’abord le nommer. Nous sommes dans un Ponzi. Il faut l’arrêter au plus vite, c’est-à-dire maintenant. Abroger la retraite par répartition et se limiter par exemple au minimum vieillesse. Fastoche. Ce qui est difficile, c’est de traiter le problème des gens qui ont cotisé. On en revient à mon point 8 ci-dessus. Bien qu’il se refuse à la comptabiliser, l’État a une dette envers les citoyens : les cotisations qu’ils ont versées et contre lesquelles ils espèrent toucher une pension. Cette dette est colossale. Elle n’est pas comptabilisée mais divers organismes en font des estimations. Tenez vous bien : ca fait entre 300% et 400% du PIB. 7000 milliards pour prendre le milieu de la fourchette. À titre de comparaison, la dette publique « officielle », celle qui oublie que les Français espèrent toucher une retraite, celle qui est déjà un problème quasi-insoluble représente 1800 milliards.
Mais il ne faut pas désespérer.
S’il y a un domaine dans lequel notre État a une expérience certaine, c’est bien la gestion de la dette. Il n’y a pas 40 façons de traiter un problème de dette. On peut payer, rééchelonner ou faire défaut. Dans notre cas, payer ça veut dire lever des impôts. Ils sont déjà très élevés en France, même si l’abrogation des cotisations retraite donnerait du mou. L’Etat peut aussi vendre des actifs, privatiser. Rééchelonner n’a pas beaucoup de sens ici car c’est déjà une dette à très long terme, jusqu’à la mort des bénéficiaires.
Reste le défaut. Le coté rigolo de l’histoire, c’est que ceux à qui on va dire qu’ils se sont fait baiser ne sont pas des banquiers, ce sont les électeurs. Mais on ne coupera pas à des réductions drastiques de prestations : des baisses de pensions, des prolongations de l’âge de la retraite.
Ah, j’oubliais, l’inflation, le rêve humide des keynésiens. Mais l‘inflation est un mélange entre l’impôt et le défaut qui ajoute quelques effets pervers. Ce n’est donc pas une voie alternative.
Face à un système pervers qui a créé un problème aussi tragique, l’honnête homme se dit qu’il faut arrêter tout de suite et se mettre à réparer. Le politique s’empresse de tout planquer sous le tapis en se disant que ça tiendra bien encore quelques années. Ca dure depuis des décennies. C’est pour ça que la situation est si grave. Plus on tardera, plus ça s’aggravera.
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D’autres contributions d’intérêt pourront être lues ici :
- La retraite « partouze »
- La fin des retraites
- La retraite à point pour tous
- Euthanasie pour tous
- La retraite pour tous
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Rendez-vous samedi prochain pour le Sujet Du Mois De Mars !