Une vision à trop court terme pénalise les fonds de placement

Publié le 23 février 2013 par Sylsol

On observe une hausse constante du taux de rotation des titres dans les portefeuilles avec un pic spectaculaire après la crise financière de 2008. Pourtant, moins les positions changent, plus la performance est intéressante.
Gérant actions de Janus Capital Group
Si le choix des gérants d’un positionnement à long terme sur le marché actions a systématiquement été récompensé par des bonnes performances, garder ses convictions dans un marché volatil est plus compliqué qu’il n’y paraît.
En analysant les tendances concernant les rotations des portefeuilles sur les trois décennies précédentes, on observe une hausse constante du taux, avec un pic spectaculaire après la crise financière de 2008, lorsque les gérants se sont retrouvés à faire évoluer leurs portefeuilles bien plus qu’ils ne le souhaitaient.
L’effet de corrélation entre rotation et surperformance a fait et continue de faire l’objet de nombreux débats et différentes études, mais selon notre approche, cette rotation plus élevée des dernières années a été contre-productive pour les investisseurs. Si nous reconnaissons qu’un gérant ne peut rester totalement inactif lorsque la volatilité du marché crée des opportunités d’achat, maintenir sa conviction sur le titre malgré les turbulences de marché présente, à notre avis, des avantages bien plus significatifs. Cela présuppose évidemment la parfaite connaissance de la société, en amont, qui justifie sa sélection dans le portefeuille du gérant.
Si les fonds affichant les taux de rotation les plus faibles se classent en tête en termes de performance au sein de leur catégorie respective, sur des périodes courtes et longues, comment expliquer cette hausse généralisée des taux de rotation?
Plusieurs statistiques confirment qu’une approche à court terme est souvent privilégiée dans un marché actions turbulent. Cette tendance est particulièrement visible lorsque l’on s’intéresse à la hausse du taux de rotation financière générale des marchés actions.
Si on analyse les données de Thomson Reuters Datastream, soit plus de 6500 sociétés cotées en bourse, toutes capitalisations confondues et couvrant les principales places financières du globe, on voit clairement qu’au cours de la dernière décennie, la valeur des titres échangés sur le marché est supérieure à la valeur totale de ces mêmes actions. Cette rotation plus élevée peut s’expliquer, en partie, par la hausse de la volatilité, la facilité pour les investisseurs privés à effectuer leurs opérations, ainsi que les stratégies de trading, à forte rotation, de certains gérants. Mais la rotation a touché également de nombreux portefeuilles gérés par des professionnels de la gestion d’actifs.
Une étude, réalisée en 2010 par le cabinet de conseil Mercer, a montré que de nombreux gérants de portefeuilles ont des difficultés à obtenir les taux de rotation faibles auxquels ils aspirent. En analysant les taux de rotation de gérants actifs, long only, sur la période de juin 2006 à juin 2009, l’étude a révélé que 65% des 822 stratégies comprises dans l’étude dépassent le niveau de rotation annoncé en amont par le gérant. En moyenne, la rotation réelle est supérieure de 26% aux prévisions. S’il est vrai que ces données incluent une période de volatilité extrême, ces chiffres soulignent néanmoins la rapidité avec laquelle les gérants peuvent perdre leur vision de long terme.
La hausse de la rotation sur les marchés actions, couplée à l’horizon de court terme des prévisions des analystes financiers, sont révélateurs d’un marché devenu court-termiste dans son approche. De nombreux gérants d’actifs professionnels ont été victimes de cette tendance, faisant tourner les portefeuilles trop rapidement pour leurs objectifs. Or, non seulement cette hausse de rotation a un impact sur les coûts de transaction, mais elle se traduit également par une gestion à plus court terme, qui génère souvent des performances inférieures.
Les données de performance historiques montrent que les gérants qui sont restés fidèles à une vision de long terme, et dont les taux de rotation sont moins élevés, ont considérablement surperformé leurs pairs sur des périodes d’un, trois, cinq et dix ans.
(Brian Demain - leTemps.ch - 11/02/13)