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Jour de carence

Publié le 22 février 2013 par Malesherbes

Je précise tout d’abord que je réprouve cette forme de racisme qui consiste à opposer les fonctionnaires aux autres salariés. S’il est des agents de l’État qui se dévouent totalement à leur tâche, on peut aussi trouver des employés du privé qui parviennent sans trop de mal à paresser impunément. J’ajouterai que l’on trouve souvent parmi les pourfendeurs des fonctionnaires ceux qui nous gouvernent, oubliant imprudemment qu’ils sont eux aussi des fonctionnaires et pas des plus misérables.

Ceci dit, j’en viens à l’essentiel de mon propos, la suppression du jour de carence lors de l’arrêt de travail de fonctionnaires. Le premier argument avancé pour justifier cette mesure est que leur taux d’absentéisme est voisin de celui des salariés du privé. Peut-être, et alors ? La mise en place de jours de carence est destinée à inciter le salarié à ne pas tenter d’obtenir un arrêt de travail par convenance personnelle ou lorsque son état n’est pas de nature à lui interdire toute activité professionnelle. Si l’on supprime ce délai de carence, fixé à trois jours dans le privé, on risque mécaniquement d’augmenter le taux d’absentéisme dans le secteur public.

Je fais aussi remarquer que j’ai de doutes sur la possibilité de calculer un taux d’absentéisme qui soit le reflet de la réalité. Pour le faire, il convient en premier lieu de déterminer le nombre de jours d’absence d’une population donnée. Il est des emplois où l’absence est obligatoirement saisie, en premier lieu lorsque le salarié est tenu de pointer. Lorsque ce n’est pas le cas, le chauffeur qui ne prend pas son bus, le professeur qui n’accueille pas ses élèves, l’hôtesse de caisse désertant sa caisse, le médecin ne se présentant pas à la consultation, et tant d’autres, sont immédiatement remarqués comme « absents ». Par contre, ceux qui ne sont pas en contact direct avec des clients, des passagers, des patients, voire des collègues, ont la possibilité de dissimuler leurs absences. Je pense tout particulièrement à certain philosophe plutôt médiatique, qui est parvenu des années durant à n’avoir aucune activité d’enseignement.

Plus près de moi, je songe aussi à tel professeur des universités qui se permet de laisser sa chaire vide sans en informer au préalable ni les étudiants ni, qui sait, l’administration. Ceci posé, il ne suffit pas de constater une absence, il est nécessaire qu’existent aussi des procédures permettant de saisir cette information. Lorsqu’elle a un impact sur la paye, on peut estimer que les canaux existent. Par contre, je ne suis pas certain que l’on soit en toute circonstance capable de remonter ces indications  à des niveaux supérieurs et de les y agréger.

Plus grave, on ne peut obtenir un pourcentage qu’en rapportant ces jours d’absences au nombre total théorique de jours travaillés. Comment peut-on rassembler, entreprise par entreprise, administration par administration, les jours de travail dus par chaque salarié, à employeur simple ou multiples, selon qu’il est à plein-temps, à mi-temps, à temps partiel, aux quatre-cinquièmes, et tutti-quanti ? Lorsque l’on sait que nombreuses sont les entités incapables d’indiquer le nombre exact de leurs collaborateurs, comment ose-t-on avancer une valeur certaine à accorder au dénominateur de ces taux si chers à nos ministres, souvent incapables de formuler (je ne parle pas de calculer) la moindre règle de trois.

Le deuxième argument, encore plus vide que le premier, est que les employés du privé voient leur perte de salaire compensée par l’entreprise. Cette affirmation est inexacte. Elle est peut-être vraie pour la majorité d’entre eux mais il est aussi des salariés qui supportent intégralement cette diminution de leur net. Mais surtout, ce dont il est question présentement, ce n’est pas l’efficacité d’une mesure destinée à inciter les salariés à n’user que modérément des arrêts de travail, mais plutôt de réduire notre déficit. Lorsqu’une entreprise protège ses salariés absents, cela affecte peut-être ses résultats mais seulement à la marge les comptes de la nation. Par contre, lorsque la Sécurité sociale indemnise le jour jusqu’ici de carence des fonctionnaires, l’effet est immédiat et va à l’encontre de toutes les mesures envisagées pour réduire le déficit de l’État.

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