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« Er ist wieder da » fait Fürher

Publié le 22 février 2013 par Wtfru @romain_wtfru

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Pierre Desproges aurait pu très bien signer la préface de Er ist wieder da, le nouveau roman de l’écrivain allemand Timur Vermes, avec sa célébrissime citation : « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». Cet artiste met en scène le retour du dictateur dans le Berlin de l’été 2011 : livre caracole en tête des ventes depuis l’automne dernier mais fait aussi grincer bien des dents.

Voici pour vous le pitch inspiré directement du Süddeutsche Zeitung : un homme rongé par le temps ouvre les yeux sur un terrain vague berlinois. Allongé sur le sol, il voit au dessus de sa tête un ciel d’un bleu immaculé et le chant des oiseaux est synonyme de pause dans les combats.

L’homme a mal à la tête, et ne comprend pas où il se trouve ni comment il a pu arriver là. Il tente de se souvenir de ce qu’il a fait la veille : son amnésie ne peut s’expliquer par l’alcool : le Führer ne boit pas ! En vain il cherche à ses côtés le fidèle Bormann. Hitler se lève difficilement et se dirige vers les voix de trois garçons des Jeunesses hitlériennes, sans doute en congé puisqu’ils n’ont pas leur uniforme et jouent au ballon. « Eh, vieux, r’garde ça ! C’est quoi ce vieux ? » Je dois vraiment avoir l’air mal en point, pense le Führer en notant l’absence de salut réglementaire. « Où est Bormann ? », s’inquiète-t-il de nouveau. « C’est qui ça ? » « Bormann ! Martin Bormann ! » « Connais pas, y ressemble à quoi ? » « A un chef de file du Reich, tonnerre ! » Hitler regarde de nouveau les trois jeunes garçons. Ils portent des maillots colorés. « Jeune hitlérien Ronaldo ! Où est la rue la plus proche ? » Aucune réaction. Il se tourne alors vers le plus jeune des trois, qui désigne un angle du terrain.

Au kiosque à journaux, Hitler cherche le bon vieux quotidien Völkischer Beobachter [L’Observateur populaire, organe de presse officiel du parti nazi]. Il ne voit que des titres turcs… « Etrange, le Turc était pourtant resté hors du conflit, malgré nos nombreuses tentatives de le rallier à notre cause. » Il perd connaissance lorsqu’il lit la date du jour, 30 août 2011, en une de journaux qu’il ne connaît pas. Le propriétaire du kiosque pense avoir affaire à un acteur tout droit sorti d’une série télévisée. Hitler peut rester quelques jours avec lui. « Mais vous piquez rien, hein ? » Hitler est outré. « J’ai l’air d’un criminel ? » « Vous avez l’air de Hitler », répond le kiosquier. « Justement ! », répond le Führer… 

Devenu marchand de journaux, le dictateur est « découvert » par une société de production télévisée qui voit en lui un « énorme potentiel ». Il est engagé… Le succès de l’émission est foudroyant. Désemparé, Hitler a mis pied dans une société où la réussite se mesure en termes d’audience, en « j’aime » sur Facebook. Il est devenu un acteur comique reconnu. « Vous valez de l’or, mon cher ! On n’en est qu’au début, croyez-moi ! », le félicite son producteur.

La génération allemande qui n’a pas connu le conflit de la seconde guerre mondiale entend bien se débarrasser des stéréotypes nazis que les esprits simples veulent bien continuer à entretenir. Pour Timur Vermes, les mêmes arguments justifient son roman. Dans Er ist wieder da, il décrit un Hitler apeuré, inquiet lorsque le public qui ne le craint pas lui résiste. « Nous n’avons pas trop de Hitler », estime Timur Vermes. « Nous avons trop d’un stéréotype de Hitler, toujours le même : celui du Monstre qui nous permet de nous rassurer. Moi aussi, pendant longtemps, j’ai accepté cette vision de Hitler. 

 Mais cette vision ne suffit pas. Hitler exerçait une véritable fascination. Si tant de gens l’ont aidé à commettre ses crimes, c’est qu’il leur plaisait. Les gens n’élisent pas un fou. Ils élisent quelqu’un qui les attire ou qu’ils trouvent admirable. Le présenter comme un monstre revient à faire de ses électeurs des idiots. Et ça nous rassure. On se dit qu’aujourd’hui on est plus malins. On n’élirait jamais un monstre ni un clown. Mais à l’époque, les gens étaient aussi malins que nous ! C’est ça qui est douloureux… Souvent, on se dit que si un nouveau Hitler revenait, ce serait facile de le contrer. J’ai essayé de montrer au contraire que même aujourd’hui, Hitler aurait une chance de connaître le succès. Simplement autrement.»

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=05fFKGG5GOA


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