Issam, nizzar, fadwa et quelques autres…….(2/x)

Par Citoyenhmida

Il y a quelques jours, je mettais en ligne un texte qui aurait dû être une “nouvelle”

mais j’ai dû me résoudre à constater mon incapacité à mener à terme mon projet.

J’ai fait appel à ceux qui passent par ce blog pour m’aider et à travers un échange avec Salavadorali, je crois que j’ai fini par trouver un fil conducteur à mon histoire.

Je en vous livre la suite, en attendant que je trouve une chute honorable.

ISSAM, NIZZAR, FADWA et  QUELQUES AUTRES

(suite mais pas encore fin)

Il fallait bien qu’il ait un lien quelconque entre cette petite bande, si atypique et tellement disparate!

J’ai commencé donc à essayer  de capter les bribes de conversation entre eux, de tenter de recoller les morceaux de leurs confidences, de construire ma propre histoire à  partir des fragments de leurs histoires personnelles que je pouvais retenir.

En fait, rien de bien précis, ni de bien passionnant : des jeunes complètement bouffés par leur travail et par leurs carrières, qui ne parlaient de rien d’autre que de leurs affaires professionnelles, de leurs aspirations à réaliser ce que leurs camarades de promotion avaient pu réaliser, de leurs prochaines vacances à Marina Smir, de leurs voitures qu’ils voulaient changer une fois le crédit en cours remboursé, de leurs directeurs qui allait être nommé P.D.G. d’une autre boite! Et bien sûr, ils parlaient de football et même les filles se passionnaient pour Messi et Cristiano Rnaldo!

Bien vite, j’ai renoncé à suivre leurs discussions, déçu par la vacuité de leurs préoccupations.

J’aurais espéré que cette poignée de jeunes gens se serait intéressés à la politique, que leurs discussions tournent autour des films qu’ils auraient pu voir ou des livres qu’ils auraient dû lire! J’aurais voulu intercepter un début  sur ce qui se passe dans le pays et sur ces partis politiques amorphes et léthargiques, sur la place laissée dans la société aux mouvements islamistes.

Pourtant,  les premières cibles de ces mouvements sont cette bande de privilégiés qui viennent tous les soirs se détendre à mon comptoir, après une une journée épuisante où la spiritualité et le mysticisme sont les dernières préoccupations. Mais ni Issam ni aucun de ses amis ne semblaient intéressés par le phénomène.

Un soir, comme par enchantement, l’ambiance du groupe changea complètement! Et c’est Fadwa qui a causé ce changement.

A peine arrivée, elle lança sa bombe :

- Oh putain, les gars, on va l’avoir, la révolution, comme les Twansa,  les descendants des esclaves des pharaons! Comme ces bédouins de libyens! Sauf que nous, ce sera plus classe!

Et elle se lança dans un long exposé où elle expliquait à ses amis que ca u est, la révolution était décrétée, qu’elle aurait lieu dans quelques jours et qu’il fallait déjà commencé à réécrire les livres d’histoire du pays en remplaçant la date du Maroc nouveau par une nouvelle date, dont elle n’était pas sûre si c’était le 27 du mois prochain ou peut-être le 20.

Nizar réagit le premier à cette nouvelle.

- En effet, les élèves des terminales sont bien excités depuis quelques jours. Ils n’arrêtent pas de parler entre eux d’une page FaceBook  où il est question d’une manifestation. Mais je n’ai pas pu avoir plus de détail.

Les autres  se sentirent comme libérés car ils se mirent à parler tous en même  temps. Les mêmes mots revenaient dans la bouche des uns et des autres : liberté, constitution, corruption, partis politiques, crise, marche, changement!

Jamais depuis qu’ils fréquentaient cet endroit, je n’avais entendu cette petite bande de jeunes blasés discuter  avec  autant d’enthousiasme.

Depuis ce soir-là, la même scène se répétait. Fadwa avait toujours quelque chose à annoncer, Nizar confirmait l’information, les autres la reprenaient, la commentaient!

Chacun y allait de son grain de sel : Doctora était le plus enthousiaste, elle se voyait déjà en égérie de ce changement qui lui paraissait inéluctable.  Pourtant, elle n”avait jamais  rien de bien spécial pour provoquer le changement de quoi que ce soit autour d’elle.

Ba Arrob, malgré son air débonnaire un peu dépassé par les événements, trouvait que “il était temps que cela change” : c’était la phrase qui revenait dans toutes ses interventions!

En tous cas, ce qui avait changé dans mon petit groupe depuis ces derniers jours, c’était le temps qu’ils passait devant mon comptoir!

De cette semaine assez bizarre, je n’oublierai pas ces quelques phrases que j’ai entendues dans le brouhaha d’un début de soirée de vendredi assez mouvementée;

La bande était là au grand complet. Même ceux qui ne venaient que de temps en temps. Ils étaient tous excités, comme des gosses à qui ont auraient promis les jouets les plus fous.

Doctora n’arrêtait de répéter que elle tenait enfin sa revanche, que son “vieux” ne pouvait plus lui reprocher de n’avoir pas suivi la voie qu’il avait emprunté. Il ne pourra plus  lui rappeler  les manifs auxquelles ils avaient participé quand il était étudiant. Elle allait enfin manifester elle aussi, elle allait sortir dans la rue, crier sa colère et sa rage!

Je souriais en l’écoutant : Doctora était donc en colère? Mais contre quoi? Elle avait la rage? Mais la rage de quoi?

Maitre Issam, oubliant son sens de la mesure habituel, retrouvait ses réflexes d’avocat et se lançait dans des discours sans fin contre les tares de la justice, les lacunes du systèmes judiciaire, l’incompétence des juges et forcément son corolaire leur corruption.

Je souriais en l’écoutant : il était avocat depuis bientôt quinze ans, il s’en sortait plutôt, et je ne l’avais jamais entendu se plaindre; Bien au contraire, il semblait parfaitement à l’aise dans sa peau d’avocat!

Mais ce fut encore Fadwa, avec son franc-parler, qui sortit la phrase la plus inattendue, qui lui valu beaucoup de succès;

- Vous savez les mecs, cette manif de dimanche va nous changer un peu de notre grasse matinée hebdomadaire! Enfin, on aura un dimanche utile!

Je souriais en constatant l’enthousiasme unanime  de la bande : enfin, ils allaient se rendre utiles! Ils allaient enfin s’occuper d’autre chose que de leur petite personne!

Je souriais mais au fond le cœur n’y était pas.  Ma petite bande de bobos était en train de jouer aux révolutionnaires de salon! Mais cela leur allait si mal : ils manquaient cruellement de conviction, leurs propos sonnaient creux et leurs convictions n’étaient que des postures.

Je souriais en me demandant à quoi tout ce cirque allait aboutir!

A SUIVRE………peut-être……..peut-être pas…….