Pas de méprise. Le minerai dont il s’agit ici n’a rien d’une roche contenant des minéraux utiles et en proportion suffisamment intéressante pour justifier une quelconque exploitation – chassez donc de vos pensées les images de terrils ou de puits à gisements profonds. Non, le minerai en question est métaphoriquement nommé ainsi car il est soumis à une spéculation digne de n’importe quels matériaux précieux, avec ses circuits de distribution, ses intermédiaires, ses traders et quelques actionnaires s’en mettant plein les poches au passage: la viande!
Déchets. Deux jours plus tard. Notre conseiller avait eu le temps de traquer l’information pour en savoir plus, faisant jouer ses relations interministérielles. Il était tellement écœuré par ce qu’il avait découvert qu’il commença par la conclusion: «C’est de nouveau le procès de la malbouffe qui doit être instruit. Je me doutais bien que la viande micro-ondée n’était pas aussi noble qu’annoncée. Mais là, c’est pire que tout ce que je pouvais imaginer...» Et l’homme nous interpella une fourchette à la main: «Quand tu manges du minerai de viande, ce qui nous arrive à tous, forcément, sais-tu ce que tu manges en réalité? Des déchets, rien que des déchets. Le minerai de viande, c’est un mélange à base de tendons, de nerfs, de tissus graisseux, d’os et de collagène. Écoute-moi bien, l’affaire n’est pas sanitaire, mais philosophique: veut-on un monde du profit pour quelques-uns et du coût bas pour tous les autres, ceux qu’on maintient dans la misère et qui ne peuvent pas faire autrement que de manger de la merde sans même le savoir?» Cette conscience de classes revisitée, comme un retour de flamme, nous fit sourire. Mais le sujet ne s’y prêtait décidément pas. Notre interlocuteur poursuivit: «Mais tu ne sais pas le pire. Ces blocs de déchets, qui représentent entre 10% et 18% de la masse d’un bœuf par exemple, n’ont pas toujours eu de la valeur.» Il ménagea un faux suspense. Puis: «Tu es bien assis? Jusque dans les années 1970, cette matière était considérée comme impropre à la consommation et partait directement à l’équarrissage pour être brûlée. Les industriels n’osaient même pas en faire de la bouffe pour les chiens et les chats ! Maintenant, avec l’apport de la chimie additionnelle, on met un beau logo Picard ou Findus, et ça a tellement belle allure que ça paraît presque bon.»
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 22 février 2013.]