Recherche de soi.
Devant l’océan, devant le néant, je cherche. Je cherche mon frère, mon père qui a insufflé la vie au
fond de mon cour. J’écoute la vie, le néant qui palpite, l’onde qui frémit dans mes veines. Il n’y a
rien, il y a tout, le silence est monotone, il apaise, il nourrit l’âme qui l’écoute. Est-il possible de
cerner le néant ? Non, il faut le sentir, le vivre comme une vague de vent qu’on sent sans la définir.
Devant l’océan, j’ai prié et j’ai senti des vagues qui remontent du fond de mon âme, elles me
rappellent les ondes du mirage quand elles se succèdent dans le désert, là où la vie est réelle.
Ô mon Dieu, toi l’éclaireur des ténèbres dévorantes apaise mon cour. Maître de l’Univers et de la
Terre nous chantons ta gloire et espérons ton secours le jour où nos actes pèsent lourd sur nos
épaules. Ton Nom est Un, l’un, du début à la fin, qui nous guide dans le chemin, qui ferme la
marche des pèlerins quand ils chantent l’hymne qui glorifie tous les souverains. J’ai cherché ta
présence dans le souffle qui rythme ma vie. Je te cherche dans le soleil quand il se lève en allant au
couchant. Je te compare à l’immense fond de l’horizon quand le ciel se fend et laisse apparaître le
néant étourdissant. Je te prends à témoin pour adoucir mon chagrin, devant l’océan devant le néant,
les images se succèdent pour laisser place au rêve….
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Qu’est-ce que la vie ?
Qu’est-ce que la vie? Rien par rapport à l’immensité du néant qui l’entoure. Ma vie à moi n’est pas
autre chose qu’un tourbillon qui tourne depuis le premier cri qui l’a engendré.
Qu’est-ce que la vie? Parfois une eau profonde sans fond dont j’étais le point du centre agitateur.
Elle me pèse, elle me coûte cher des fois, elle m’invite des fois, elle me jette des doutes et des fois,
elle m’envahit de bonheur, des fois, elle n’est qu’un remous d’enfer. Elle n’est rien qu’un fil blanc
dans l’horizon auquel il faut s’accrocher pour ne pas tomber dans la dérision. Dans le temps, la vie
était une jeune belle fille qui apparaissait et disparaissait pour attirer et aujourd’hui une vieille dame
aigrie et arrogante qui change de visage comme un caméléon dans les arbres. Nous l’aimons tous,
cette jeune fille, mais qui naît mourra un jour. La vieille dame arpente les sentiers avec des sacs
pleins de merveilles pour attirer les âmes non averties. La vie n’est rien qu’une escale entre deux
mondes bien différents, l’un qui nourrit l’espoir et l’autre qui le réduit. Des fois, la vie n’est qu’une
illusion ou un rêve qui tourne en cauchemar qui engloutit l’espérance avant même qu’elle ne surgisse
du fond du cour.
Qu’est-ce que la vie? Des fois au tréfonds du néant, elle agite les océans, des fois elle écarte la zone
ténébreuse de mon âme, des fois je suis à côté, elle n’est rien, soudain elle m’appelle pour faire un
effort soutenu. La vie est une grande poésie pleine de philosophie qu’on doit comprendre et éclaircir
avant de la laisser courir.
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La femme assise.
Écoute le chant, murmure du vent, la femme assise en face d’une dune attend le crépuscule pour
lancer son chant d’amour, chant de plaisir, la femme laisse couler la mélancolie de son cour, elle rit,
elle pleure sa joie, la peine, le désir de partager sa vie, elle cherche le chemin qui conduit à
l’inconscience, les ténèbres l’engloutissent et les deux opposés se rencontrent, l’inconscience et la
conscience, la femme cherche la lumière qui a nourri ses désirs, ses formes caressent l’espace vide,
d’où jaillit l’oubli, univers brumeux, univers paisible, les odeurs se multiplient, les odeurs que le
vent ramène, sa voix du cour lui parle d’amour, amour profond, énergie de vie qui passe par tous les
paysages. Paysages de joie, mélange des rires, paysages tristes comme mélancolies. La femme
plonge dans le noir de la nuit, comme seule amie, la dune et les grains de sable qui roulent comme
des petites billes, elle a peur de la nuit, peur de tout, elle entend son petit enfant qui pleure, c’est son
cour qui palpite.
Il n’y a pas de recours sauf de prendre courage dans les profondeurs de son âme, elle caresse le sable
doux, mais peine perdue, il n’y a ni coussin ni lit au loin. Tout d’un coup, une lumière surgit et
éclaire tout, c’est la lune qui vient lui tenir compagnie, la dune devient grande comme une tente, qui
a abrité toute la tribu, la femme respire à fond et prononce quelques paroles, tu es ma copine et un
nouveau souffle naît, une vie, un espoir de survie, le voile noir se brise, la peur se dissout et le cour
reprend son rythme tout doux, la femme assise attend le pilon que brise l’aurore du matin et se dit
que la vie ne tient qu’à un fil, quand le cour s’ouvre, il comprend tout.
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Qui je suis ?
Peut-être serez-vous déçu si je vous dis qui je suis.
Je suis un targui en manque d’habits qui lui donnent son allure. Mon ‘tagoulmousté’, je l’ai perdu le
jour de la bataille de la survie. Mon pantalon j’en ai fait des sacs à provision, on l’appelait
‘indjalagané’ Mon grand boubou, j’en ai fait une tente comme abri.
C’était le ‘tekatkaté’ de ma vie. Ne souriez pas mes amis, ça peut arriver ici.
J’ai entendu parler des indiens d’Amérique, des pygmées de l’Amazonie et ici les hommes du voyage
qui sont traqués comme des souris : savez-vous qu’ils ont tous du sang qui coule dans leurs veines et
un cour qui palpite dans leur cage thoracique ?
Le temps est fini où le targui était fier de son allure : un beau chameau blanc avec tous ses bagages,
son sabre et son javelot mérité.
Maintenant il est devenu un ‘achamauré’, le chômeur ou un ‘échekér’.
Corde usée à la portée de tous : il ne rêve plus de la princesse assise sous le palmier dans l’attente de
son amour, ni de la bataille de bravoure sous les éloges de tous.
Le beau temps d’hier est fini, mais on peut toujours espérer qu’il reviendra un jour.
La vie sans espoir est comme l’amour sans projet d’avenir.
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Je suis enfant de sable, enfant de nuit
Je suis sombre et nu, comme toi la nuit, je navigue au-delà de tes chemins diurnes, je cherche les
sentiers flamboyants qui rythment la vie. Je suis silencieux et profond comme toi la nuit, comme le
désert à l’approche de ta venue.
Je suis enfant de sable, enfant de nuit, mes yeux volent dans le noir qui t’a nourri. Mes oreilles
bourdonnent de peur quand tes ondes frémissent, la brume et les ténèbres sont le fruit de ton travail
assidu. A l’approche de la nuit les guerriers qui luttent pour les nations perdues crient leur
désespoir. Comme les cris des loups qui se rassemblent pour la fête de minuit, sauvages et terribles,
ils sont quand même dans l’oubli. Enfant, j’ai grandi dans le sable loin des villes en écoutant les
berceuses des nomades qui évoluent vers les frontières de l’oubli, avec comme seul repère, le clair
de lune et ses rayons d’argent éclairant les terres qui ont contenu la misère de l’enfant sans patrie,
sable mouvant étendu comme une page sans écriture. La trace des chercheurs reste inscrite comme
un graffiti que fait le poète en commençant sa poésie. Enfant, le jouais à cache-cache dans la nuit
avec mes amis. Le souvenir reste encore soutenu dans la part innocente de ma vie.
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Je décris une pensée
J’écris sur la face plane d’un étang.
Je parle une langue ancienne, celle que Bukowski
A chanté dans la corne du temps par la cuite de sa nausée.
Je gratte, je gramine l’aurore d’une nuit paisible qui
Rotte dans le néant assombri par la pénombre de sa
Propre langueur, et le meli-mélo de mon esprit trébuche
A la porte d’un palais abandonné agité par le vent des saisons
Empreint des mots personnels qui se bousculent dans le
Gosier d’une gorge étouffée, un cri inaudible gémit
Au fond de la grotte contenant la vie.
Eperdument je cherche appui sur le fil de l’horizon
Qui défile vers l’entrelacement d’un temps déjà anéanti.
D’une terrasse verdie aux fleurs miroitant ses cristaux.
Les oiseaux, mésanges et rossignols effleurent les coquelicots.
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A travers ses poèmes, Souéloum Diagho nous livre le chant de son cœur.
Il vient du Nord du Mali, de Tessalit plus précisément.
Son histoire prend racine dans l’histoire de son peuple et dans un exil non désiré.
Il nous invite à découvrir sa parole, miroir d’une vie consentie à la quête de l’Amour et de la Paix. Souéloum Diagho raconte le désert, espace grouillant de vie, palpitant comme le cœur de la planète, il dit la richesse du silence et la force de son peuple, il livre ses pensées et son regard sur notre monde occidental et sur nos peurs, il explore tous les continents de la vie, de l’amour à la tristesse, en passant par le parfum du musc et le souffledu vent dans les dunes.
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D’autres poèmes de Souéloum Diagho, ici