Une pièce de Colette et Anita LoosMise en scène par Richard GuedjDécor de Stéphanie JarreCostumes de Bruno FatalotMusique d’Hervé DevolderAvec Pascale Roberts (Madame Alvarez, la grand-mère), Coline D’Inca (Gigi), Axelle Abbadie (Alicia, la grand-tante), Yannick Debain (Gaston), Sophie de La Rochefoucault (Andrée, la mère), Xavier Delambre (Victor)
L’histoire : Gigi a 16 ans. Sa grand-tante Alicia, sa grand-mère et Andrée, sa mère, petite chanteuse à l’Opéra Bouffe, l’élèvent avec tous leurs soins…Mais l’éducation prodiguée par ces trois femmes, pour être sévère n’en est que plus spéciale. La petite Gilberte est destinée à une société où les hommes peuvent donner et où les femmes savent exiger…Ici on bannit l’amour tranquille des gens ordinaires dans le mariage. On prépare Gigi à la vie excitante des belles qu’on convoite dans les salons et qu’on admire dans les gazettes à scandales.
Coline D’Inca. Avec le rôle titre, la jeune fille porte une sacrée responsabilité sur les épaules. De prestigieuses comédiennes ont incarné Gigi avant elle, Audrey Hepburn, Leslie Caron, Françoise Dorléac… Le challenge était d’autant plus délicat à relever que c’est la première fois qu’elle se produit sur scène. Et bien, impliquée dans presque toutes les scènes, elle est bluffante de présence et de naturel. Malgré son grand âge - 21 ans ! – elle se glisse aisément dans la peau d’une gamine de 16 ans. Elle en a toute la pétulance, la fraîcheur, la joie de vivre. Elle incarne l’insouciance même… Jusqu’au moment où des sentiments inconnus entrent dans sa vie et dans son cœur. La métamorphose est spectaculaire, démontrant ainsi un formidable éventail de jeu. Soudain, elle devient grave, indignée, révoltée. Elle ne supporte pas qu’on lui dicte sa conduite, qu’on choisisse son destin pour elle. Elle interprète la perte de l’innocence avec un profond réalisme. Coline D’Inca contribue largement au ton moderne impulsé par le metteur en scène. C’est vraiment une sacrée découverte !
Axelle Abbadie campe avec un entrain jubilatoire cette grande cocotte qu’est tante Alexia. Elle, elle badine avec l’amour. Ses élans sont à l’aune de la fortune du parti convoité. Plus il est riche, plus elle éprouve de sentiments. Elle ne s’embarrasse jamais de périphrases. Elle va droit au but. Calculatrice, un tantinet vénale, frisant le cynisme, autoritaire, sûre d’elle et de son pouvoir de séduction, elle adore tirer les ficelles. C’est une maîtresse femme doublée d’une maîtresse professionnelle. A travers elle, on voit que Colette les connaissait bien, ces demi-mondaines… Une grande composition que nous offre là Axelle Abbadie. A l’instar de Monsieur Plus, chacune de ses apparitions apporte une valeur ajoutée à la pièce.
Yannick Debain, c’est Gaston-le-tonton. Tontaine et tonton. C’est l’archétype du séducteur. Ce dandy richissime collectionne les conquêtes. Ses liaisons, souvent tumultueuses, font le bonheur des journaux à scandales. Quand c’est à son tout d’être trompé, il affecte d’en être chagriné, éveillant ainsi la compassion de madame Alvarez. Visiblement, c’est un grand enfant gâté qui aime à se faire dorloter… Yannick Debain est parfait dans ce rôle de bellâtre somme toute sympathique. Il lui apporte son élégance, sa belle voix grave et un grand sens de l’autodérision.
Xavier Delambre est Victor, l’homme « à tout faire » d’Alexia. Son pantalon moulant nous fait discrètement comprendre la raison de l’attrait qu’il exerce sur sa patronne. Ses quelques apparitions, marquées à chaque fois du sceau du double sens, sont absolument savoureuses.
Gigi est parfaitement à sa place dans ce charmant écrin qu’est le théâtre Daunou (qui gagnerait toutefois à être rafraîchi pour retrouver ses ors d’antan). C’est une pièce agréable, maline, écrite par deux femmes pour les femmes, qui se déguste comme un délicieux bonbon aux saveurs d’autrefois.