Depuis combien de temps n’ai-je pas acheté une nouvelle bande dessinée ?
Quand je dis nouvelle, c’est que ces derniers temps question nouveauté, je ressors de chez mon libraire davantage chargé de vieilleries (réédition, intégrale, édition d’un inédit…) que de l’album mis en tête de gondole de toutes les revues branchées (ou pas…).
L’intégrale Phil Perfect de Serge Clerc, la réédition du Cimetière des Eléphants d’Yves Chaland, La Foire aux Gangsters de Franquin, Will dans Spirou, un recueil du meilleur des 60s dans le journal Pilote, les Trésors de la Marvel… Je vous avais prévenu, que du vieux.
A pardon, j’oublie une "véritable" nouveauté, le dernier Tardi… mais dans le genre tendance, on fait mieux !
Par contre, en ce début d’année, hormis un troisième tome du polar classieux Parker, un peu plus faible que les deux premiers, tant scénaristiquement que graphiquement (mais la barre avait été mise si haut…), LA nouveauté en est une vraie : Souvenirs de l’Empire de l’Atome.
Aux commandes, un dessinateur, jeune, Alexandre Clérisse, dont c’est le troisième album chez Dargaud (après un Jazz Club fort apprécié), un scénariste, moins jeune, Thierry Smolderen, rare mais sûr.
Et un album ? Non, mieux. Un livre ? Encore mieux, un objet élégant, que l’on tourne et retourne tellement on le trouve beau. Un graphisme que l’on pourrait rapprocher d’un Sasek, style mi-atome, mi-ligne claire. Une fusée qui s’envole. Une station spatiale en orbite. Une demeure à la Frank L. Wright. On hésite à l’ouvrir tellement on repousse l’instant où l’on va enfin le déflorer (mais oui !)
On tourne enfin la couverture. De belles pages de garde bleues apparaissent : meubles, voitures et design 50s, voie lactée, carte du ciel et des étoiles, des galaxies, trois personnages énigmatiques.
Deux pages plus loin, l’histoire débute au Mexique en 1964. Paul et sa fille Anne se promènent sur les ruines d’un temple Aztèque. Un simple jeu de cartes avec sa fille renvoie Paul dans sa jeunesse à Shangaï en 1926.
La suite, en cinq chapitres (tous agrémentés de merveilleux culs-de-lampe et de titres subtils, tel ce Brain-storm dans le Vermont), nous entraîne à travers le temps et l’espace, les années cinquante et l’an 110985, New York et la planète Shayol, en compagnie de notre fameux Paul, spécialiste du monde asiatique au sein d’une agence américaine, en ce début de la Guerre Froide.
Il partage son temps entre son bureau et ses contacts télépathiques avec Zarth Arn, héros de la fameuse planète Shayol.
Je ne vous en dis pas plus au risque de trop en révéler et préfère vous laisser au plaisir d’une lecture dense, attentive, parfois déroutante mais en fin de compte terriblement jubilatoire.
Certes, mon inculture en matière de littérature SF est grande (j’en conviens honteusement !) et nombre de références me passent bien au dessus…
Mais cela est largement compensé par la mise en scène (pardon en image…) élégante de Clérisse, et son hommage à l’exposition universelle de 58 à Bruxelles, à l’Atomium, à Franquin, à Zorglub (et à sa DS), aux comics, à l’électroménager, à Batman, à North By Northwest, à Forbidden Planet…
Et comme aurait dit le Jeune Albert, cet album il est mince de chic.