Le 15 février 2013 un site Internet révèle qu'aux termes de cette clause de non-concurrence Daniel Vasella touchera 12 millions de francs suisses pendant six ans.
Cette révélation suscite une levée de boucliers de la part des médias et de la classe politique, qui, en toute malhonnêteté intellectuelle, présente la chose comme le versement de 72 millions de francs, sans trop parler de son étalement dans le temps.
Cette indignation politico-médiatique, qui est un véritable lynchage, serait même partagée par les "simples" citoyens... Cette unanime jalousie, nourrie par l'envie, ne devrait pourtant que susciter le dégoût et la réprobation en Suisse, qui prend décidément le mauvais
chemin tracé par la France en matière de populisme dirigé contre les riches.
En fait cette révélation tombe mal, selon eux, pour les opposants à l'initiative liberticide Minder qui défendent un contre-projet tout aussi liberticide (voir mon article du 5 février 2013 Votations du 3 mars 2013: trois nouveaux pas en avant pour l'Etat nounou) et qui s'appliquera automatiquement en cas de rejet de l'initiative: par ce dispositif c'est en fait le populisme qui se fout de la démocratie...
Ce lynchage politico-médiatique est tel que Daniel Vasella, incrédule, est contraint de demander au Conseil d'administration de Novartis que cette clause de non-concurrence ne s'applique pas et qu'elle soit annulée d'un commun accord:
"J'ai compris", dit-il avant-hier dans un communiqué "que nombreux sont ceux, en Suisse, qui jugent ce montant exagéré en dépit du fait que j'avais annoncé mon intention de le verser à des oeuvres caritatives."
Ce qui est grave dans cette affaire est qu'un contrat privé ait été rompu sous la pression de la rue pour les uns, des milieux économiques pour les autres.
L'initiative Minder, comme le contre-projet, veut tout simplement interdire les indemnités de départ (comme les indemnités d'arrivées). Une clause de non-concurrence avec une contrepartie élevée ne sera-t-elle pas alors assimilée à une indemnité de départ?
L'initiative Minder prévoit des sanctions pénales pour les contrevenants, le contre-projet non, mais il prévoit la restitution des rémunérations indûment perçues, ce qui est suffisamment vague pour inclure n'importe quoi... Bref la Suisse, dans un cas comme dans l'autre, se soviétise...
On s'effraie des rémunérations perçues, pendant ses 17 ans chez Novartis, par Daniel Vasella, qui auraient contribué au lancement de cette chasse aux rémunérations abusives initiée par Thomas Minder. Il est pourtant impossible, sauf à tomber dans l'arbitraire, de définir précisément ce qu'est une rémunération abusive...
Alors on se livre à des comparaisons populistes, qui n'ont rien d'économiques. Pour ma part je remarque que Novartis fait peut-être partie du capitalisme de connivence (puisque son activité est pharmaceutique et que les ventes de médicaments sont réglementées), mais au moins Novartis n'a jamais demandé le sauvetage de l'Etat, comme UBS.
Au cours des cinq dernières années le chiffre d'affaires du groupe pharma, dont l'effectif dans le monde est de 128'000 personnes plein temps, a connu une croissance de près de 80% pour s'établir à plus de 58 milliards USD. En USD son bénéfice net a été de 6,5 milliards en 2007, de 8,2 milliards en 2008, de 8,4 milliards en 2009, de 10 milliards en 2010, de 9,2 milliards en 2011 et de 9,6 milliards en 2012.
Au regard de ces performances que pèsent les 30 millions de francs suisses perçus en 2007 par Daniel Vasella, ses 20 millions perçus en 2008 et ses 20,5 millions perçus en 2009, alors qu'il était à la fois directeur et président du Conseil d'administration? Ses 10,6 millions perçus en 2010, ses 13,5 millions perçus en 2011 et ses 13,1 millions perçus en 2012 alors qu'il n'était "plus que" président du Conseil d'administration et que Joseph Jimenez était devenu directeur?
Comme il y a de grandes chances que l'initiative Minder passe le 3 mars prochain, affaire Vasella ou pas, et qu'à défaut ce sera le contre-projet tout aussi détestable, contre lequel aucun référendum ne sera vraisemblablement lancé par quiconque, la Suisse attirera de moins en moins de managers de haute volée pour diriger ses grandes entreprises.
Au final, ces dispositifs liberticides se retourneront contre la population helvétique, dont la tête aura été tournée par des sirènes populistes de tous bords et qui ne pourra s'en prendre qu'à elle-même.
Francis Richard
La photo qui illustre cet article provient d'ici.