Brunschwig – Ricci © Futuropolis – 2013
Monplaisir, 2059.
Le plus grand parc d’attraction de la galaxie est dédié au Jeu sous toutes ses formes. Il a été conçu pour accueillir les populations qui sont, pour la plupart, installées dans des stations. Elles y vivent et s’y cassent l’échine au travail. Pendant cinquante semaines par an, des hommes et des femmes économisent pour que leur deux semaines de congés annuels – qu’ils iront passer à Monplaisir – soient à la hauteur de leurs attentes.
Et pour que le dépaysement soit total, chacun doit se costumer à son arrivée. Les rues de Monplaisir voient donc défiler une foule de badauds des plus festives : Blanche-Neige, super-héros, lord de l’ère victorienne… Tout est pensé pour que le séjour soit ludique, festif et surtout, pour que le touriste dépense autant d’argent que possible dans les établissements de la ville…
… une ville qui a pour particularité d’être un état indépendant. Un territoire avec ses propres lois, ses propres codes et sa police totalement dévouée aux ordres de son dirigeant : Springy Fool.
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Je ne reviendrais pas sur la genèse de cette série que j’avais présentée à l’occasion de ma chronique que le premier tome d’Urban. De même, je vous avais déjà dépeint le contexte social sur lequel se construit l’intrigue (et je vous renvoie encore à ma chronique du tome 1).
Ce second opus est, pour le lecteur, l’occasion de s’immerger un peu plus dans cette ville dédiée au vice et à la corruption. « Une vision cauchemardesque d’une société de consommation et de ses dérives » disais-je.
« Allez-y mes amis… Faites vos jeux… Il vous reste encore quelques minutes, le temps que notre Interceptor Zachary Buzz rejoigne son adversaire ! », « Nous vous rappelons que des bornes de paris sont à votre disposition dans toutes les rues de la ville. Découvrez les différentes cotes… faites vos pronostics… Et dépensez sans attendre le montant de vos mises !! ».
Peu orthodoxe…
… mais ludique.
Le second tome déchire peu à peu le voile de l’apparat et fait entendre les premiers échos dissonants. On se doutait que la façade commerciale de Monplaisir cachait des secrets peu avouables.
« Tu veux ma théorie ? Je crois que le Lapin et sa copine cherchent à nous rendre dingos… En nous privant de sommeil, en nous stressant sans arrêt !!! Pose-toi la question, Petit : à part un tueur à gages… qui est assez cinglé pour trucider quelqu’un sous l’œil de dix millions de caméras… ? »
Aussi fictive soit-elle, on se représente assez bien l’ambiance qui se dégage d’une telle ville. Luc Brunschwig anticipe avec ce récit une possible évolution de la transhumance estivale où une population abrutie par le travail d’une année, par une télé réalité ayant atteint son paroxysme, est invitée à s’encanailler, à se vautrer dans la luxure. Une image vient à l’esprit : la fusion victorieuse de Disneyland, de la Française des Jeux et de TF1… où le client, aveuglé par la promesse de l’assouvisement de tous ses désirs, ne se rend pas compte qu’il est le seul perdant de l’histoire.
L’auteur anticipe et imagine les dérives capitalistes de ces systèmes aliénants. En tout cas, c’est bien ce qu’ambitionne Springy Fool. Sous la plume du scénariste, le Lapin tombe peu à peu le masque. On contemple l’imposante fortification financière qu’il a érigée autour de lui, on entraperçoit quelques rouages politico-économiques de son système sans encore parvenir à déceler lequel pourrait gripper en premier. A.L.I.C.E. ? Ou peut-être son bras armé qu’est la Police ? Y a-t-il réellement un moyen de faire trembler les fondations pour que le système s’écroule comme un immense château… de cartes ?
Luc Brunschwig malaxe les ingrédients déjà utilisés, affine ses personnages, peaufine son ambiance et injecte lentement les nouvelles pièces du puzzle narratif, comme s’il le faisait à dose homéopathique… Tic Tac… l’heure avance sur la montre à gousset du Lapin Blanc ! Moins rythmé que dans le précédent opus, cet album fait donc la part belle à la ville de Monplaisir. Ce nouvel album est aussi l’occasion de nous pencher sur le jeune Niels qui avait fugué de chez lui à quelques pages de la fin du tome 1. Ce garçon d’une dizaine d’années succède donc à Zach (tome 1) et endosse à son tour le rôle de guide afin de nous faire découvrir les rues de Monplaisir. Sa candeur et sa fragilité sont l’occasion, pour nous lecteurs, d’appréhender la ville différemment et de mesurer l’ampleur du piège qui guette le joueur qui se montrerait trop vorace. Délation, tolérance zéro et individualisme sont des concepts forts à Monplaisir. Enfin, on apprécie également le contraste entre ces pratiques coercitives et le regard naïf que l’enfant porte sur la ville. Toutes ces facettes du scénario s’imbriquent de manière fluide, ce qui accroît d’autant le plaisir de lecture.
Brunschwig – Ricci © Futuropolis – 2013
Roberto Ricci quant à lui livre de nouveau un dessin impeccable et donne une âme à cette ville et à tout ce qu’elle contient. Il propose un univers plus sombre que le premier tome et en parfaite adéquation avec les propos de Brunschwig. Il truffe ce monde de moult références et clins d’œil ; pour les dénicher, il faudra éplucher soigneusement chaque recoin de case ce qui a pour effet de mettre le lecteur aux abois (tu joues, tu trouves, tu gagnes !!^^). Déjà investit dans la réalisation du tome 3, le dessinateur a récemment lancé un nouvel appel aux lecteurs qui voudraient apparaître costumés dans Urban. A bon entendeur…
Allez, vivement l’année prochaine et son tome 3 que j’aille me perdre quelques heures dans les rues de Monplaisir !!
La chronique d’Yvan. La rétrospective de La croisée des mondes.
Du côté des challenges :
Lieux imaginaires : Monplaisir, ville du vice et du Jeu
Tour du monde en 8 ans : Italie
Urban
Tome 2 : Ceux qui vont mourir
Série en cours
Editeur : Futuropolis
Dessinateur : Roberto RICCI
Scénariste : Luc BRUNSCHWIG
Dépôt légal : février 2013
ISBN : 978-2-7548-0319-9
Bulles bulles bulles…
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