Auteur : Anne-Marie Garat
Editeur : Actes Sud
Nombre de pages : 254
Date de parution : février 2013
Auteur :
Anne-Marie Garat, née en 1946 à Bordeaux, est une romancière française. Elle a obtenu le Prix Fémina pour son roman Aden en 1992. De juin 2007 à juin 2009, elle est présidente de la Maison des écrivains et de la Littérature. Elle a aussi enseigné le cinéma et la photographie à Paris.
Présentation de l'éditeur :
Dans un deux-pièces de la banlieue parisienne ignoré du GPS et de Google Earth, un homme qui a déjà vécu plusieurs vies entretient un dialogue obsédant avec son ordinateur dont l écran liquide semble receler de vivantes images de son passé refoulé dans une forêt nordique d Estonie, vingt ans avant la chute du mur de Berlin. Et affronte, sur fond de drame des sans-papiers, de rafle des camps "Roms", de réchauffement climatique et de tragédie de Fukushima, il affronte cette rémanence qui revêt les couleurs d un conte originel, dont les ogres désormais numérisés, percutant inlassablement son inconscient et sa mémoire archaïques, l obligent à se réinventer dans la "vraie" vie.
Mon avis :
J'avais très envie de découvrir cette auteure et son dernier roman publié chez Actes Sud m'en donne l'occasion. Je ne regrette
pas de l'avoir inscrite dans mon challenge
"13 Auteurs " car Anne-Marie Garat a un style assez particulier. Si, de prime abord, il m'a un peu déstabilisée, j'ai fini par le maîtriser et y prendre goût.
C'est un style ample avec de très longues phrases qui peuvent faire plus d'une page. L'auteur joue avec les mots et une simple allusion peut embarquer le narrateur dans un flot ininterrompu sur
le champ lexical donné. Ce qui ne facilite pas la lecture car Jason, récemment divorcé et reclus dans un quartier d'immigrés, tente de reconstruire sa mémoire d'enfance. Né dans un kolkhoze en
Estonie, il se souvient surtout des forêts sombres et d'une vieille femme près d'une carriole, d'un frère plus âgé, d'une famille étrange. C'est surtout Tante Dee, la demi-soeur de son père qui
l'a accompagné en France et qui finit sa vie en démente dans une institution, qui lui livre des bribes du passé.
" J'ai le sentiment d'un doute. Au sujet de cette famille, du temps reculé où a pu se passer mon enfance, de cet endroit peuplé d'ombres convulsives auxquels la cogitation, la pensée, la spéculation ni même le rêve ne me donnent accès, sauf en ces instants subits où, face à la trouée de mon écran, j'entrevois des séquences de temps long qui se succèdent et se raccordent, pleines de grésillements, d'étincelles, de crépitements proches, des poches d'effroi s'ouvrent une à une sur des noirs plus profonds."
C'est un passé qu'il recherche sur son ordinateur en consultant Google Earth, un lien moderne qui lui permet aussi d'avoir l'aide de sa fille et qu'il utilise pour son métier de traducteur. L'auteur a utilisé ce domaine informatique pour définir le champ lexical de son roman et son titre par la même occasion. Tout au long du récit, le programme de recherche dans le passé du narrateur se mêle au langage informatique.
" Son téléchargement est pénible, bas débit du flux de mémoire."
Mais ceci n'est qu'un subterfuge pour guider une enquête sur un passé oublié et incertain et pour définir le narrateur dans son présent face aux manifestations des Indignés, à son divorce, au problème de l'immigration, à l'émancipation de sa fille, à sa crainte des catastrophes mondiales. Passé et modernité se rejoignent donc dans ce travail de mémoire.
Ce roman n'est pas une lecture facile car il est aisé de se perdre dans les mots et les errements du narrateur. Même si la fin
dévoile le passé obscur de Jason, mon impression est restée floue comme perdue dans cette sombre forêt de l'enfance.
Toutefois, j'ai découvert un style particulier et différent de mes lectures habituelles. L'auteur a parfaitement réussi à jouer jusqu'au bout son parrallèle informatique. Mais je tiens à rassurer
les lecteurs, c'est juste un jeu, un fil conducteur subtil qui donne une ossature à un récit humain.
Je remercie Actes Sud pour cette lecture.