…quand elle partie en claquant la porte, sa dernière phrase avant qu’elle ne disparaisse à jamais fut: « …de toutes façons t’es aussi moche qu’un Redfish »… la voiture de Bob, qui était venu la chercher, a démarré dans un nuage de poussière mais j’ai quand même aperçu son bras à la portière qui pointait vers le ciel avec son majeur droit comme un i. Je suis resté là, sur la véranda, comme un idiot, quelques secondes, interdit, partagé entre la tristesse d’être abandonné et la joie de m’être enfin débarrassé d’elle et d’avoir retrouvé ma liberté. À peine ressaisi, j’appelais Flèche pour lui dire que je passait le chercher dans la demi-heure et que nous partions pour la journée, pêcher le redfish. Dans la bagnole, sa phrase résonnait encore dans ma tête: « …de toutes façons t’es aussi moche qu’un Redfish… » alors que je jetais par la fenêtre les deux ou trois trucs qu’elle avait oublié dans la bagnole, un bidule pour attacher les cheveux, un tampon, un tube de rouge à lêvres… j’enfilais les lunettes qui trainait sur le siège, elles étaient un peu trop étroites mais en même temps avec des verres énormes, j’avais l’air d’un fourmi et décidais de les garder. j’ai aussi déballé un des chewing gum qu’elle mastiquait tout le temps, mais je l’ai recraché illico, le goût de canelle me débectait. je jetais le paquet par la fenêtre. Quand je suis arrivé chez Fléche il était déjà prêt sur le trottoir avec ses cannes et son barda. Quand il est monté dans la voiture, je n’ai pu m’empêcher de lui demander « Tu trouves ça moche les redfish ? » »Oui » me dit-il « c’est moche mais en même temps tellement beau »… j’ai immédiatement senti un sentiment de joie m’envahir et je me suis dit que Flèche était vraiment mon meilleur ami.