Qu’est-ce que la définition du complexe de la couleur ? Peut-être est-ce une fixation sur la couleur de sa peau, qui nous fait en venir à en détester sa teinte, et même, quelques fois, à en détester les nôtres.
Yaba Blay est professeur d’études africaines à l’Université de Drexel (Etats-Unis). Elle mène depuis des années des recherches sur le sujet.
En 2003, elle a mené une enquête dans la communauté créole, donc métisse, de la Nouvelle Orléans. Elle y a interrogé plusieurs femmes de classe moyenne, de carnations différentes, qui ont toujours vécu dans cette région. Les résultats sont assez éloquents et marquent la signification, au sein de la communauté noire, de ce qu’est la beauté, l’identité.
Mais parlons aussi de ses études au Ghana. Là-bas, d’après elle, le blanchiment de la peau est un phénomène qui touche dorénavant 30% de la population. Les recherches sociologiques ont démontré que ce pays, peut-être comme tous les noirs à travers le monde, a été fortement marqué par le colonialisme, encore présent dans la vie des gens. Yaba Blay appelle le phénomène de blanchiment « yellow fever ».
Ci-dessus, la professeur d’études africaines, à l’Université de Drexel, Yaba Blay.
Yaba Blay, dans sa récente interview avec le magazine Ebony, suggérait des moyens à entreprendre pour cesser d’avoir honte de soi. Un extrait de l’interview :
Ebony
Quelles sont les discours que vous tenez aux jeunes dans vos salles de classe et en dehors, pour leur permettre de mieux se connaître, et connaître tout ce que le blanchiment implique ?
Yaba Blay
En tant qu’éducatrice, ce qui est important pour moi, c’est d’arriver à faciliter la compréhension en la matière, et je le fais essentiellement en ressituant les choses de manière historique. Avant que nous puissions parler du contexte actuel, on doit savoir d’où vient cette mode, afin de donner un sens à ce phénomène, si il est possible de lui donner un sens.
Il faut repartir dans le contexte de l’esclavage, du comment la peau blanche a depuis toujours été mise avant dans la société, et je leurs donne ces fondations, ainsi ils peuvent y réfléchir. Une fois que j’ai fait ça, ils peuvent en arriver à me poser des questions, et on s’aide mutuellement. Par exemple, quand je met une vidéo, je pose la question ‘Pourquoi pensez-vous que la femme à la peau claire est celle qui provoque le plus d’interêt ?’. De cette façon ils en arrivent à percevoir un tableau plus complexe de la chose, parce que la plupart des étudiants au prime abord répondront juste ‘Oh je ne vois pas de souci, c’est juste la préférence des uns et des autres’. Mais ça leur permet de voir qu’il y a une ligne très mince entre la préférence et la pathologie. Alors je demande, comment en êtes-vous à arriver à ce que la couleur blanche soit une préférence ?
D’un côté on parle de ce vieux cliché que la beauté est dans les yeux de celui qui regarde, mais qui a entrainé ces yeux ? Vous tenez ça de quelque part. J’en arrive aussi à leur faire comprendre que nous, descendants des africains, avons une culture qui est très connectée à la leur. Je leur montre des photos de ce qu’était la beauté africaine originelle, la peau noire, les cheveux très crépus et naturels. Rappelons que Malcolm X disait « Qui vous a dit de vous haïr ? Qui vous a enseigné à détester la couleur de votre peau, votre nez, vos cheveux, etc’. Mes étudiants en arrivent donc à comprendre qu’on leur a inculqué toutes ces idées. Ils ont été bombardés par les médias, même ceux dits « blacks », mettant en avant des personnes à la peau claire. Tout ça n’est qu’un début, mais on apprend petit à petit…
La connaissance de sa culture et en particulier de l’histoire, sont la réponse à la liberté. Autrefois, nos ancêtres étaient enchaînés contre leur gré. Aujourd’hui, nous nous mettons des chaînes nous-même. Qu’attendons-nous pour réagir ? Qu’attendons-nous, pour nous cultiver et ôter ces chaînes ?