Suppression des devoirs scolaires : de la sorcellerie idéologique à la manipulation

Publié le 15 mars 2012 par Cambronne @CambronneLondon

La réflexion a beaucoup d’ennemis : la rhétorique, qui lui substitue des figures de style ; l’idéologie, qui l’écrase d’idées préfabriquées ; l’émotion, qui lui grille souvent la priorité.
Libération a publié un article le 14 mars 2012 intitulé « Ce soir, pas de devoirs ! », une campagne lancée par des parents et enseignants, où l’on peut voir que la FCPE, association de parents d’élèves, et l’Icem-Pédagogie Freinet (Institut coopératif de l’école moderne) s’apprêtent à lancer une campagne contre les devoirs scolaires. Je cite :

"Nous dénonçons depuis longtemps la persistance des devoirs à la maison, dont personne n'a jamais prouvé l'utilité", écrivent-ils en rappelant que les devoirs écrits sont interdits dans le primaire depuis 1956.


Les devoirs à la maison sont "cause d'inégalités pour les enfants qui n'ont ni le temps ni les moyens d'être aidés", a dit à l'AFP Catherine Chabun, responsable nationale à l'Icem, partisan de la pédagogie Freinet fondée sur l'expression libre des enfants.


Sans entrer dans une polémique partisane, c’est le raisonnement qui m’intéresse. Décortiquons-le :
Le premier paragraphe peut être schématisé ainsi :
 Pourtant, si comme ils le disent, « personne n’a jamais prouvé l’utilité » [des devoirs], ils ne disent pas que leur non-utilité l’a été. On a donc :
Ainsi une étude sérieuse, par exemple qui analyserait la réussite scolaire de deux échantillons comparables d’élèves, l’un ayant des devoirs, l’autre n‘en ayant pas, pourrait théoriquement en arriver à la conclusion suivante :Auquel cas :Et leur campagne n’aurait pas de sens. Si l’utilité des devoirs était encore un point d'interrogation, il faudrait déjà la prouver ou la réfuter avant d'en tirer des conclusions.
Le second raisonnement de l’extrait pourrait être résumé ainsi :Ce qui implique une contradiction avec le raisonnement du premier paragraphe car il n’est pas possible que

et en même temps déterminer que
En effet, cette dernière proposition impliquerait un lien de cause à effet entre devoirs et réussite dans certains cas, ce que la première proposition réfute faute de preuves.
Cela implique aussi un raisonnement erroné étant donné que le facteur qui détermine l’inégalité n’est non pas la présence de devoirs mais la présence d’une aide aux devoirs, qui permet de bien faire les devoirs. Or, d’après ce raisonnement, les devoirs bien faits sont une source de réussite scolaire, il serait donc déraisonnable de les supprimer (à moins de souhaiter que les élèves ne réussissent pas) :
Ceux-là même qui se battent contre les devoirs nous apportent donc la clé pour comprendre que le débat doit moins porter sur les devoirs en tant que tels mais sur l’aide aux devoirs, c'est-à-dire la possibilité pour les élèves de bien les faire.
Bref, deux raisonnements erronés de la part de gens qui ont beaucoup d’influence pour décider de l’avenir des enfants en France, ce qui m’amène à la conclusion suivante :