Enseigne hôtelière en Ville-Close

Dans un rapport relatif à l'histoire maritime du port de Concarneau, une précision a interpelé notre enquêteur dévoué Sieur JM Robert: la Ville Close aurait abrité au XVIIIe siècle un hôtel...des gens de mer (?), à l'heure où celui de la rue du Port doit fermer. On imagine bien quelques pressoirs à sardines rue Théophile Louarn et de sombres estaminets rue Vauban, mais où pourrait bien se situer l'hôtel en question...L'anecdote maritime vaut en tout cas son pesant de sucre.

"Nuit du 14 au 15 février 1778 le brick de 100 tonneaux Benjamin du port de la Rochelle entré au port de Concarneau s’échoue sur les rochers du Passage derrière le château.

Interrogatoire et rapport du Capitaine :

Vaqué* par Messire Charles de Haffond Conseiller du Roy son Lieutenant Général et Premier Magistrat  le 23 Février 1778.

S’est présenté un homme de moyenne stature vêtu de bleu à la française portant perruque blanche un chapeau à la main profession  Capitaine du Benjamin du port de la Rochelle.

Déclare être  sorti de la Rochelle le 3 Février du présent mois par un vent E.S.E. pour se rendre à Brugges lieu de destination,  il a été contrarié par les vents qui l’ont obligé à relâcher au port de Concarneau le 8 ou il fit sa déclaration de relâche, que les vents ayant passé à la partie de L’E.S.E.. le 13 il prit la mer pour poursuivre sa destination,mais que dans la nuit du13 au 14 environ minuit les vents ayant tout à coup sauté au N.W.,tourmentant avec violence,il se vit forcé de faire vent arrière pour éviter les dangers dont il s’assurait être entourés,s’estimant être alors entre Pen-March’ et la pointe du Raz,et craignant une perte totale de son navire et de sa cargaison,il a gagné le susdit port de Concarneau à force de voile pour profiter du jour.

Dans un grain terrible qu’il a essuyé il a perdu son grand foc et enfin il est entré dans ledit port vers 4h00 de l’après-midi.

A mouillé son navire derrière le château ayant sa grande ancre dehors ainsi que sa seconde.

Dans la nuit du 14 au 15 les vents étant toujours au Nord par grains et tourmente le navire chassa sur ses ancres et malgré les précautions et soins du Capitaine et le travail de son équipage il fût jeté avec force sur les rochers qui sont dans la partie S.E. du côté du Passage ou il talonna. La mer perdant il resta au sec sur lesdits rochers ce qui ne permit pas de le relever de suite.

S’étant aperçu que son navire avait largué au point de faire beaucoup d’eau il s’est toujours occupé ainsi que son équipage et autres marins qu’ils avait appelés à faire les appareils nécessaires pour relever son navire que la mer l’ayant regagné au point de faire flotter. Il est parvenu à le relever par le secours des Gens employés à la pompe qui a toujours été servie  exactement et l’a conduit sur la vase afin de faire faire au plus tôt le déchargement de la cargaison et le radoub du navire qui se trouve par cet accident hors d’état de continuer son voyage. Au moyen dudit radoub il s’engage à reprendre la marchandise et à la conduire à destination  

Il déclare que le bâtiment appartient à Sieur Toussaint Brard son Père pour une moitié et que l’autre moitié appartient aux héritiers de la Dame Veuve Gachette qu’il allait à destination du Sieur Pierre Van Oudipienes  de  Brugges. Les chargeurs et ses propriétaires ont été prévenus et sa déclaration faite au greffe de Concarneau accompagné de Sieur Grooters  son Courtier.

Sa cargaison consiste en sucre brut café et sirops dont il nous a présenté manifeste.

Une Commission de l’Amirauté de Cornouaille se rendit sur les lieux. Ils vérifièrent les marchandises (effets) déjà débarquées et mises à l’abri dans des magasins fournis par le Sieur de Montbrun  comme Greffier au port de Concarneau. Le déchargement continua jusqu’à la nuit close. Nous nous sommes retirés alors à notre hôtel que nous avons choisi en ville close.

Le 21 février au soir le déchargement fût terminé. Des tonneliers furent appelés pour le lendemain ainsi que des journaliers pour prévoir au bénéficiement des sucres avariés qui ont paru en très mauvais état.

Le lendemain 22 février ,nous nous sommes en corps de commission précédé de notre Huissier vers O7h00 du matin  rendus en l’église de St Sauveur de cette ville ou nous avons assisté à la Ste messe qui a été célébrée par le Sieur Coustic Curé de Trêve de Beuzec- Conq.

Nous nous sommes ensuite transportés au magasin des experts qui vérifieront les avaries du bâtiment

Furent nommés experts ; Guillaume André- Jean -Louis Dubois, Maîtres Charpentiers à Concarneau. Ils déclareront qu’un bon carénage remettrait le navire en mesure de reprendre son voyage.

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*Vaqué  par: Terme appliqué généralement  par les tribunaux dans ce cas, se livrer à l’interrogatoire de …   "

(Recherche Jean-Michel Robert)

L'iconographie (les gravures d'Ozanne) provient d'un blog richement documenté sur l'histoire maritime de Bretagne nord, extraite de 1787-1792 Les comptes du brick « Jean-Marie » de l’île de Batz par le capitaine François Guéguen.

La carte: BELLIN, J. N.  Carte réduite des Passages de l' Iroise du Four et du Raz. . . N°27. .. Paris, 1764. Col. 568x870mm. ¤  carte marine du Finistère finement aquarellée, dressée par Jacques Nicolas Bellin, le père, nommé "hydrographe du roy" (1703-1772), et décorée d'un très beau cartouche de titre. Avec le timbre du Dépôt de la Marine . Titre complet : "Carte réduite des passages de l’Iroise du Four et du Raz pour servir aux vaisseaux du Roy dressée au depost des cartes, plans et journaux de la Marine par ordre de M. le Duc de Choiseul Colonel-Général des Suisses et Grisons Ministre de la Guerre et de la Marine par le S. Bellin Ingenieur de la Marine, 1764". Librairie Loeb-Larocque spécialiste en cartes géographiques, atlas et livres de voyages du XVIe au XIXe siècle.