La rue Mapu (ou Mapou) est une petite rue de Tel Aviv, située dans le centre de la ville, près de la plage, entre Gordon et Frishman. Elle part à l'est de la rue Dov Hoz et croise la grande rue Ben Yehouda pour terminer au croisement de la rue Hayarkon.
La rue Mapu fait partie du quartier Frishman - Ben Yehouda, au nord de Bograshov, elle s'est développée à une époque où Tel Aviv était déjà une ville qui n'avait plus rien de la petite Ahouzat Bait.
Là encore le choix de la nomination de la rue est remarquable. Le nom de Mapu souligne la volonté de la municipalité de Tel Aviv et de l'Etat d'Israël de revendiquer une histoire plus profonde que celle du sionisme politique strico sensu. Et son emplacement, au croisement de la rue Ben Yehouda, incarne une matérialisation géographique de l'histoire.
Car si Eliezer Ben Yehouda fut le grand maître fondateur de l'hébreu moderne, en construisant la langue de la façon la plus concrète possible, Avraham Mapu fut une référence pour tous les hébraïsants de l'époque mais aussi un révolutionnaire de l'écrit en langue hébraïque (ou langue hébreue).
Né en 1808 dans l'actuelle Lituanie, il fut un grand écrivain et pédagogue juif lituanien, créateur du roman hébraïque moderne. Elevé dans un Heder où son père servit comme professeur, il devint lui-même enseignant dans une école publique pour des enfants juifs. Erudit il a étudié l'allemand, le français, et le russe. Dans sa jeunesse il s'intéressa également à la Kabbale et au mysticisme mais il rejoignit rapidement la Haskala, les lumières juives.
Par son travail il a apporté sa pierre à la formation de la nation juive, en commençant par sa langue, l'hébreu. Avraham Mapu apprit aussi le latin à partir d'une traduction de la Bible dans cette langue. Le latin était une langue morte et l'est restée, l'hébreu en revanche renaquit de ses cendres, en partie grâce à lui.
Influencé par le poète et dramaturge hébraïque italien Moshé Hayim Luzzatto (1707-1746) et par les romanciers français Eugène Sue et Alexandre Dumas père, en 1853 il publie son plus grand roman : Ahavat Sion, L'Amour de Sion, dont le nom même fut repris par le premier mouvement sioniste politique (celui de Pinsker et de Lilienblum).
Ahavat Tsion (L'Amour de Sion) constitue un tournant dans le développement de la littérature hébraïque moderne. C'est un roman historique qui raconte la vie dans l'Israël antique au temps du prophète Isaïe. Il est considéré comme le premier roman hébreu. Mapou aurait mis vingt ans à l'écrire. C'est aussi l'invention d'un nouveau genre en hébreu. Mapu se serait inspiré pour l'écrire des Mystères de Paris d'Eugène Sue.
Avraham Mapu est à l'origine, avec la Haskala, de la naissance d'une littérature hébraïque nouvelle. Selon Alain Dieckhoff, chercheur au CNRS et auteur de L'invention d'une nation, Israël et la modernité (Paris : Gallimard, 1993) : alors que s'éditaient déjà à l'est des ouvrages nombreux écrits dans un style " non-biblique, verbeux, boursouflé et inadapté, dans des ouvrages voulant diffuser les idées modernes, apparaissant aussi comme l'expression d'une culture nationale juive, originale et irréductible ", se développe également une littérature foisonnante utilisant cette fois l'hébreu biblique. En ce sens, explique encore Dieckhoff, la restauration littéraire - et donc culturelle - de la Haskala par la langue des Hébreux, apparaît déjà comme une forme de volonté nationale, ce à quoi s'ajoute bien souvent la reprise de certains thèmes bibliques. Est contenu dans la formation de l'hébreu des Maskilim et dans la littérature d'Avraham Mapu le noyau d'un nationalisme de type politique.
Aussi avec L'Amant de Sion, Mapu est non seulement l'inspirateur de Ben Yehouda, mais aussi, en somme, celui d'Herzl. Il coulait donc de source que Tel Aviv lui donne une rue à son nom, même si, mort en 1867 à Königsberg, il n'a jamais mis les pieds sur la terre d'Israël.