Vous vous souvenez de Ma Junren ? Mais si, l'entraîneur de l'équipe chinoise féminine de demi-fond
qui battait tous les records au début des années 1990. Dans un curieux retournement de la fable de La Fontaine, ses athlètes couraient comme des lièvres car, disait-il, il leur
faisait ingurgiter un breuvage à base de sang de tortue. Évidemment, les rumeurs de dopage allaient bon train et les observateurs doutaient que la drôle de potion bio du mystérieux coach
soit la seule en cause dans les performances de ses pouliches…
Eh bien, j'en connais qui doivent rire jaune aujourd'hui ! En début de semaine, le journal Le Monde révélait dans ses
colonnes qu'un groupe de chercheurs de Louisianne travaillait activement sur le sang d'alligator, dont certaines protéines pourraient bien à l'avenir fournir les principes actifs de nouveaux
antibiotiques. Paisible le ventre plein, le reptile, qui ne déteste pas la castagne, aurait développé pour panser ses plaies un système immunitaire à faire friser la barbe de Pasteur. À en croire
les scientifiques américains, le sang d'alligator est la terreur des bactéries et champignons pathogènes (staphylocoques dorés, candidas albicans…) qui pourrissent, parfois au sens
propre, nos vies de bipèdes…
"See you later Alligator !", aurait conclu Bill Halley. "Minute jeune homme !", aurait rétorqué Ma Junren.
Avant de poursuivre : "Si vos savants impérialistes trouvent des vertus médicales au sang d'alligator, pourquoi m'avoir suspecté, moi, avec mon extrait de sang de tortue. Notre civilisation
plusieurs fois millénaires, notre science ancestrale, vaudraient-elle moins pour vous, occidentaux, qu'un pet de caniche ?" Retors le pépère et aussi aimable qu'un commerçant pékinois.
N'empêche, vous l'auriez bien cherché et le bonhomme aurait mille fois raison de vous clouer le bec.
Morale de cette digression animalière ? Les perspectives que nous ouvre la connaissance du monde animal en matière d'amélioration de la
performance sportive sont infinies. Imaginez deux minutes. Un peu d'ADN de requin et voilà nos boxeurs ou nos rugbymen dotés d'une mâchoire où les dents cassées repoussent à
peine la souris passée. Finis les portes cochères et les coups de mistral entre les chicots ! Pensez au profit que pourraient tirer les golfeurs, dont la vue serait améliorée par des
cellules extraites d'yeux d'oiseaux de proie. Un regard d'aigle pour enfiler les birdies, le rêve ! Et de l'extrait de moelle de kangourou… Les records du monde de sauts
prendraient une méchante claque. Evidemment, les stades risqueraient vite de se transformer en arche de Noé. Ça aurait au moins le mérite de varier les plaisirs, surtout dans les tribunes de
foot, où l'on ne croise encore trop souvent que des bœufs…