Les années 2000 commencèrent en beauté d’un point de vue musical. Sans aller jusqu’à lister les albums essentiels voire fondamentaux sortis cette première année du 3ème millénaire, en voici l’un des représentants sans l’ombre d’une contestation possible : le duo anglais Goldfrapp, composé de Will Gregory et d’Alison Goldfrapp, qui signa avec son premier album une pierre angulaire de la musique électronique (et même pour certains, du trip-hop, alors déjà presque en voie de disparition).
L’artiste Pedro Almodóvar ira même jusqu’à les citer comme référence pour son film de 2002 Hable con ella (Parle avec elle en France). En effet, rien de surprenant à ce qu’un réalisateur soit touché par leur musique, puisqu’elle-même s’inspirait de celle de compositeurs de musiques de films tels Ennio Morricone ou John Barry (écoutez « Pilots » et son ambiance indubitablement à la James Bond) voire directement de films : ainsi, le barré « Oompa radar », tout droit sorti d’une fête foraine, tire son inspiration de Cul-de-sac de Roman Polanski.
Si chez beaucoup d’autres groupes la musique serait clairement le point fort tant celle-ci est originale et inspirée à la fois, c’est la voix d’Alison qui emporte tout sur son passage, forte, vibrante et emplie d’émotions.
La parfaite symbiose entre Will et Alison, entre la musique et le chant, a fait de Felt Mountain l’un des premiers albums les plus appréciés et dès lors de Goldfrapp l’un des grands espoirs des années 2000. Un espoir confirmé de suite tant les éloges furent légion. Néanmoins, Goldfrapp surprendra tout le monde dès leur deuxième opus, en publiant un album radicalement opposé à presque tous points de vue.
De mon côté, j’ai fini par apprécié la musique, non pas dès la première écoute (qui eut lieu sur une compilation concoctée par Almodóvar incluant « Lovely head », morceau assez difficile pour s’initier à l’ambiance si particulière de Goldfrapp), mais grâce à une écoute aléatoire des titres des trois premiers albums. Car, en effet, bien que jamais depuis lors le duo n’a voulu réitérer le phénomène que fut et reste Felt Mountain, il subsiste sur chacun des deux albums suivants, Black Cherry et Supernature, des compositions qui auraient pu intégrer leur première production.
De toutes façons, quelle que soit votre propension à accrocher ou décrocher à la suite de leur discographie, vous saurez dorénavant que Felt Mountain est une œuvre profondément sincère, ambitieuse, inattendue et, surtout, sans égale. La sensualité de sa chanteuse n’en est qu’une illustration parfaite.
Aujourd’hui, treize ans après sa sortie, et six ans après mes premiers émois avec eux, j’aimerais qu’ils essaient de donner une suite à ce disque, après la grosse déception qu’aura été pour moi le dernier, Head First, tellement facile qu’il en est naïf et à oublier très vite.
À l’inverse, il est difficile d’oublier ce sinueux Felt Mountain, dont « Utopia » en est le sommet enneigé que tout le monde admire, au loin, inaccessible, mais tellement attirant.