Requiem

Par Vertuchou

Anno Domini 1923
Nous avons réussi à nous séparer,
À éteindre un feu dont nous étions las.
Ennemi de toujours, il est temps pour vous
D'apprendre à aimer quelqu'un en vérité.
Moi, je suis libre.
Tout me distrait,
La Muse vient la nuit me consoler,
Et au matin la gloire s'approche
Et fait résonner son hochet à mes oreilles.
Il n'est pas besoin de prier pour moi
Ni de se retourner en partant.
Un vent noir m'apaise,
L'or d'octobre me réjouit.
En cadeau je recevrai la rupture,
Et l'oubli, comme un don du Ciel.
Mais dis-moi, oseras-tu pousser
Sur ce chemin de croix une autre ?
Que gronde encore la voix de l'orgue,
Comme un premier orage du printemps!
Derrière les épaules de ta fiancée
Brillent mes yeux à demi fermés. ,
Adieu, sois heureux, mon bel ami,
Je te rends ta douce promesse,
Mais prends garde ; ne dis rien à ton amie
De mon délire inimitable.
Car il pénétrerait d'un poison dévorant
Votre union bénie, pleine de joie ;
Moi je vais m'emparer d'un jardin merveilleux
Où l'herbe chante, où les muses m'appellent

Anna Akhmatova