Dormez bien, bonnes gens

Publié le 20 février 2013 par Copeau @Contrepoints

Hermétiques aux changements géopolitiques comme aux lois économiques, les intellectuels français ne se renouvellent guère.
Par Marc Crapez.

Trop souvent, la blogosphère se contente de gloser sur les débats lancés par « l’ancêtre d’Internet ». Ce sont les éditorialistes de télévision et chroniqueurs radio qui donnent le la. Et trop souvent, le débat d’idées disparaît derrière de piètres querelles de personnes. « Triboulstin a taclé Tartemuche », voilà qui fait s’agiter le landerneau. Des réactions épidermiques d’indignation tiennent lieu de réflexion. Triboulstin et Tartemuche ont peu d’arguments à faire valoir.

En France, les sujets secondaires éclipsent l’essentiel. Dans 6 mois, expire le délai fixé par le Président de la République, le 9 septembre dernier, pour l’obtention de résultats sur un recul du chômage. Entend-on Louis Schweitzer, ex-patron de Renault, faire des propositions pour l’emploi ? Pas du tout. On l’entend affirmer que « refuser le mariage pour tous est indiscutablement une discrimination ». Et il s’y connaît, puisqu’avant de livrer la Halde aux communautarismes il avait été condamné pour discrimination syndicale.

Nicolas Sarkozy va-t-il se représenter, se demande le microcosme journalistique ? Non bien sûr. Il a fait son temps. Il a été débarqué. Il ne va pas courir le risque d’être rebattu. Il faudrait que les circonstances s’y prêtent. Qu’il soit rappelé en sauveur après une faillite. Mais notre pays peut très bien péricliter petit à petit.

Des économistes qui nient l’évidence sont pris au sérieux

Dans son discours sur l’état de l’Union, Barack Obama lance l’idée d’une zone de libre-échange euro-états-unienne. Les États-Unis qui viennent d’affûter leur glaive, en ajustant leur dollar, nous proposent d’abandonner les boucliers. Une semaine après, François Hollande en visite en Inde préconise du libre-échange à haute dose. Le libre-échangisme est ainsi transformé en sorcier chargé de faire pleuvoir la croissance.

Pendant ce temps, les faits marquants passent inaperçus. Telle la publication récente de travaux économétriques sur le krach de 2008. Ils confirment qu’une législation sur l’accès des ménages défavorisées à la propriété, votée en 1977, et assortie de contrôles tatillons à partir de 2004, a obligé les banques soumises à cette régulation étatique à multiplier les prêts et les risques. Cela donne tort à Joseph Stiglitz et Paul Krugman qui ont nié cet argument favorable au libéralisme. Mais ces deux économistes continuent d’être pris très au sérieux par les élites françaises (de Michel Rocard au journaliste Laurent Joffrin en passant par les souverainistes…).

Autre fait marquant, le chassé-croisé entre États-Unis et Europe du fait de leurs tâtonnements stratégiques face au djihadisme. Il y a quelques années, l’Europe s’employait à mettre des bâtons dans les roues du rouleau compresseur militaire américain. Désormais, l’Europe qui n’a pas les moyens de ses ambitions interventionnistes en est réduite à mendier constamment un appui logistique à l’Amérique.

La France vit dans sa bulle. Concernant la guerre au Mali, il faut s’informer auprès des agences de presse Nord-américaines. Dans le Herald Tribune du week-end dernier, Nasser Weddady considère que les européens ont créé le monstre AQMI en versant, depuis 2003, 130 millions de dollars pour la libération d’otages. Pas question d’ouvrir ce genre de débat en France. Contrepoints.org et Marianne.fr sont les seuls médias à ne pas acclamer le généralissime François Hollande. Le 8 février dernier, les chaînes d’informations en continu BFM-TV et i-télé avaient chacune leur scoop (interview d’une ex-diplomate américaine et caméra saisie par l’armée malienne suite aux tirs fratricides entre soldats maliens). Mais le soir, aux 20 heures de TF1 et France 2, motus et bouche cousue. Dormez bien, bonnes gens.

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