Il y a quelques temps, j’ai rencontré un entrepreneur débutant
issu de la banlieue (de la même que la mienne, mais ça n’a plus la même signification !).
Une rencontre qui m’a plongé dans un abîme de perplexité.
Rencontrer des gens comme lui est une bouffée d’oxygène. Il
montre à quel point moi et ceux qui m’entourent sont des paresseux privilégiés.
Il est partout, il fait le travail de toute une équipe, et pour rien. Tout est
système D. Tout est extraordinairement optimisé. Parce qu’il est sympathique,
dynamique, qu’il rend beaucoup de services, on l’aide. Sa mère joue les
commerciales, des stagiaires travaillent gratuitement, ses clients vendent ses
produits. Il vit de petits boulots. Sa motivation. Surtout pas l’argent ! Il a eu une idée,
il la met en œuvre. Elle lui assurera un modeste salaire, s’il réussit. C’est
tout. A le voir, on comprend pourquoi la France n’a pas de grandes entreprises !
Son mode de pensée est totalement différent du mien. Il est
une forme de rationalisation de décisions non réfléchies. D’où de curieuses
contradictions. Contrairement à moi, qui pense tellement que cela me décourage
d’agir, il ne calcule pas. Tout est intuition. Parfois géniale. Génie qui
masque de grosses erreurs, inattendues par conséquent. J’ai cependant constaté,
avec soulagement, que ma rationalité avait aussi ses avantages. Car il dépense
une énergie colossale dans des tâches secondaires. D’où épuisement. Finalement
son médecin est le meilleur des consultants. En le poussant à se ménager, il
lui a fait faire l’équivalent de mes raisonnements abstraits. Il n’apprend pas
par le concept mais par l’expérience.