"Skoda" d'Olivier Sillig

Publié le 19 février 2013 par Francisrichard @francisrichard

Les guerres sont absurdes. Quelles qu'elles soient. La guerre moderne a ajouté un degré de plus à son absurdité. Elle se fait de plus en plus à distance...

Par exemple, un avion lâche une bombe, se trompe ou pas de cible, provoque des dégâts tout autour, atteignant civils et militaires, indistinctement. Ce n'est qu'un incident...

Le livre d'Olivier Sillig se passe dans un pays sans nom, mais qui  pourrait bien être un pays balkanique, ne serait-ce qu'au lu des prénoms des personnages.

Un incident s'est produit. C'est une litote pour dire que quatre soldats ont été tués, Dragan, Milivoj, Ivan et Ljubo, et qu'un cinquième, Stjepan, a été épargné.

Un peu plus loin, lors du même incident, les occupants d'une voiture, une Skoda, ont également été tués, un homme et deux femmes, dont la plus jeune donnait le sein à un bébé, qui seul parmi eux a survécu.

Après avoir tergiversé, Stjepan s'en va avec ce bébé de deux, trois semaines, à qui il donne le prénom de Skoda:

"La voiture qu'ils ont abandonnée, ça lui revient tout à coup, c'était une Skoda. Stjepan n'est pas très certain que Skoda soit un vrai prénom, mais ça sonne comme. Et ça peut aller aussi bien pour un garçon que pour une fille."

Le périple du jeune homme - il a vingt ans - et du petit bout de chou, pour lequel il s'est pris d'affection et dont il devient le père, leur fait faire des rencontres comme on en fait dans les pays en guerre.

Certains êtres vils abusent de leur petit pouvoir et en violent d'autres en leur promettant une contrepartie, qu'ils respectent. C'est pour mieux salir leurs victimes en les rendant complices de leur forfait et de leur plaisir.

D'autres êtres pressentent leur fin prochaine et la petite mort, puisqu'il ne peut plus leur arriver grand-chose, leur fait du bien: elle est pour eux comme une répétition dérobée à la grande.

Car le temps, en temps de guerre, est compté. Les liens se nouent au gré des événements qui se déroulent en accéléré. Ces liens sont ténus et peuvent être rompus à tout instant. Les êtres subissent ou réagissent alors, plus qu'ils n'agissent:

"La guerre touche tout le monde, mais chacun y répond comme il peut."

Olivier Sillig raconte beaucoup de choses, en peu de pages, avec une grande économie de mots, dans ce roman, qui apparaît comme un reportage de guerre où se côtoient tendresse et cruauté, rires et larmes et qui, mieux que de longs discours, décrit l'humaine condition en situation extrême.

A l'issue de toute guerre, il y a des survivants, même s'ils ne sont pas nombreux. Ce sont bien souvent les tout vieux et les tout jeunes:

"Le lait n'est pas coupé. Mais le bébé lape. La vie continue."

Francis Richard

Skoda, Olivier Sillig, 112 pages, Buchet-Chastel

Olivier Sillig est au programme des rencontres littéraires de l'association Tulalu, et sera le 4 mars 2013 à Lausanne.