Anthony Dablé est peut-être le joueur français dont le talent naturel est le plus évident. Tous ceux qui suivent un peu le football français se souviennent du premier match où ils ont vu Tony jouer. Sa présence, ses fulgurances ne s’oublient pas. Pourtant le receveur de l’équipe de France n’a pas encore réussi à « percer », à atteindre le potentiel que tous voient en lui. Avec une grande franchise il a voulu revenir avec nous sur son parcours. Un parcours qui explique comment et pourquoi il est arrivé là où il est aujourd’hui. Comme il le dit lui-même : « J'aimerais que les plus jeunes lisent cet article pour comprendre plus vite que moi (le fonctionnement du football national et international), qu'ils perdent moins de temps et ne perdent pas de vue le réel objectif. »
1-Un début en trombe et la malchance
Le Football était ma passion avant même d'avoir débuté en novembre 2007 avec les Centaures de Grenoble. Pour un kid passionné, participer tout juste un an après mes débuts, au combine organisé par Richard Tardits et y remporter un " full scolarship " c'était incroyable! Mais les organisateurs du combine ont réalisé que c'était plus difficile qu’autrefois de rejoindre une université américaine. Notamment du point de vue administratif. J'ai dû alors passer le Toefl et le SAT pour être admissible. Il fallait aussi traduire les diplômes et remplir des questionnaires en ligne pour certifier mon amateurisme auprès de la NCAA. Certaines de ces démarches étaient payantes et ont été, à ma surprise, à mes frais ... Mais au bout il devait y avoir cette bourse. L'obtention de cette bourse pour Louisiana Tech University était facilitée par le fait que le Head Coach de l'équipe, Mr Dooley, était le fils de l’ancien coach de Richard Tardits à Georgia, devenu depuis un ami de l’ancien joueur français. C’est là que j’ai manqué de chance: Pendant que l’on faisait les démarches, Mr Dooley a été recruté pour devenir le Head Coach à l'Université du Tennessee. Une fac d’un tout autre niveau que celui de Louisiana Tech. Il devenait alors plus difficile pour lui de me faire entrer dans son université. J’ai donc dû renoncer à ce rêve NCAA.
2- Rendez-vous manqué au Championnat d’Europe
Pendant ce temps je continuais mon parcours aux Centaures et dans le football français. J'ai fait ainsi plusieurs camps de l’Equipe de France jusqu'à celui de 2010 préparatoire au championnat d’Europe, compétition à laquelle je n'ai pas participé. J'ai été coupé pour des raisons obscures et politiques qui sont depuis devenues plus claires mais que je n’ai pas comprises à l’époque. Aux vues de mon camp il n’y avait pas vraiment de justification alors ils ont "brodé". Le moment le plus difficile fut quand mon coach m’a dit après le dernier scrimmage de préparation que " ce n'est pas parce que tu marques que tu es un bon joueur !..". Le même coach qui dira à l’ouverture d’un camp quelques années plus tard en commençant son meeting: "J'aimerais que mon équipe soit composée uniquement de playmakers ! " Les contradictions d’un staff qui n’avait pas forcément le pouvoir de choisir vraiment… Un vrai regret pour moi ce championnat d’Europe.
3- La mauvaise image des français et le protectionnisme canadien
En parallèle de tout ça, pendant que je faisais les démarches pour les Etats Unis, le Coach de l'équipe de France, Larry Legault, ne me connaissant pas, a voulu me rencontrer. Il m'a alors convaincu d'avoir sous la main un plan B et m'a donc mis en contact avec Marc Santerre, alors Head Coach du programme de Football des Carabins de Montréal et Coach Glen Constantin de l'université de Laval. J’ai donc commencé à faire les démarches. Pour se rendre en université chez nos " Cousins " outre-Atlantique, il faut disposer d'un Certificat d'acceptation au Québec ainsi que d'un permis d'études qui s'obtient lorsqu'on dispose d'une lettre d'admission de l'Université visée. J'avais en ma possession tous ces papiers en janvier 2011 et j’étais prêt à partir à Laval avec pour objectif la saison 2011.
Le jour où l'université de Laval devait m'envoyer le billet d'avion, je reçois en toute fin d'après-midi un mail expliquant qui leur été impossible de me faire venir parce que quelqu'un devait se porter garant pour mes cours et que ce devait être Coach Glen Constantin mais qu'il ne pouvait se le permettre car il ne me connaissait pas assez. Incompréhensible… J’avais déjà ma lettre d'admission ! Mon départ fut ainsi repoussé d’un an. Pour rien. En effet quand je suis finalement parti en août 2012 je n’avais pas plus de garant qu’un an plus tôt ! Je sais maintenant que c'est parce que certains français, alors déjà au Québec, ne faisaient pas une excellente publicité aux autres français par leur comportement là-bas que Laval a subitement fait machine arrière en 2011. Il me semble que l'on est tous différents et qu'un moyen simple d'éviter ce genre de problèmes et d'apprendre à connaître personnellement chaque personne que l'on recrute au préalable ...Il est difficile d'entendre par la suite que c'est de ma faute si les choses ne se sont pas faites à ce moment-là ...
La mésaventure canadienne se poursuit lors de la saison universitaire 2012 au Canada quand juste avant le premier match de préparation j'apprends que je ne serai pas éligible toute la saison parce qu'ils ont changé plusieurs règles concernant le statut des étrangers souhaitant rejoindre la ligue universitaire canadienne. La déception s’accompagne d’amertume car nous avions tiré la sonnette d’alarme plus tôt. En effet mon coéquipier d'alors aux Centaures de Grenoble Paul Braisaz, lui-même en partance pour le Canada pour les études et le football à l'Université de Sherbrooke, avait été prévenu de l'existence de cette règle au printemps 2012 et m'en avait fait part. Je me suis alors empressé d’en faire part au Coach à Laval surtout que pour moi une autre règle, toute aussi gênante s'appliquait : Lorsque que tu termines ton lycée en dehors du Canada, tu n'as pas 8 ans mais 7 ans pour faire tes 5 années d'éligibilité de football universitaire en CIS. Cela signifiait pour moi que cette saison 2012 serait ma dernière année d'éligibilité et que je risquais de devoir la passer sur le banc ! J'ai envoyé le 19 juin 2012 un mail à un responsable du programme de football de l'Université, parlant de la nouvelle règle, mais personne n'a pris la peine de vérifier mes dires. Je suis donc parti au Québec en août alors que s’ils avaient fait les vérifications, j’aurais su dès le printemps que je ne pourrai pas jouer… Je n'en veux à personne, même si cette règle est critiquable, si ce n'est que je prends cela pour un manque de respect vis à vis de notre investissement et de ce que ça représente de partir si loin pour accomplir ce qui est notre rêve.
4- Un nouveau départ en Allemagne. Loin d’une France du football égoïste ?
Aujourd’hui je suis en Allemagne avec les Cougars de Lubeck en GFL2. Je ne peux m'empêcher d'observer les différences qui existent avec le football français et qui expliquent surement pourquoi ils réussissent à envoyer beaucoup plus de joueurs outre Atlantique. Les gens qui gravitent autour de l'équipe sont tellement impliqués concernant le bien-être des imports et des joueurs en général… Ce qu’ils mettent en oeuvre pour nous est réellement incroyable ! Ils nous montrent un amour inédit, inconditionnel et ce depuis le premier jour et mon arrivée alors qu'ils nous connaissent à peine. Je ne pense pas qu'ils seront du genre à laisser un joueur derrière eux comme ça a pu être le cas de Giovanni Nanguy blessé à l’hôpital à Thonon après un match du championnat de France… Ou à essayer de rabaisser un joueur comme je me suis fait dire dans mon club lors d'un entraînement après mes premiers stages équipe de France, tentant de partager ce que j'y avais appris : " Si tu veux coacher, passe ta licence Coach ! ". Ils ont plus de respect ici à Lubeck pour mon parcours que certaines personnes de mon propre club. Pourtant ici aussi les gens sont amateurs et travaillent en dehors de l'équipe, souvent et pour la plupart à plein temps. Ce n'est pas plus professionnel ici qu'en France et ça demeure un système d'association sportive. Le monde ne demande pas à être payé des millions pour pratiquer sa passion! Mais en dehors du sportif les gens s’entraident, sont solidaires. Nous sommes des hommes après tout... Il s'agit simplement d'une mentalité différente qui habite nos voisins, et il serait peut-être temps que cela s'exporte vers la France. C'est peut-être le premier pas qui entraînerait la pérennisation de nos associations en France et de notre sport en général.
J'apprécie donc tout particulièrement ma nouvelle expérience allemande et ça fait du bien de vivre ça après tant de désillusions et de déprimes qui sont ici résumées en quelques paragraphes mais qui en réalité s'étalent sur plus de 4 années ...Je remercie du fond de mon coeur Coach Willie Robinson pour l'opportunité qu’il me donne. Il ne faut pas perdre de vue que le football est un moyen d'obtenir une éducation et pour les plus talentueux et chanceux de vivre le rêve universitaire voire professionnel, mais cela s'arrête un jour. En résumé " Football is a Way », un chemin, pas un but en soi. J'ajouterai un petit conseil sportif avant de finir pour tous les petits jeunes qui débutent et/ou rêvent de partir : "Ce n'est pas parce que tu es né sur le continent américain que tu es seras un meilleur joueur que Moi » . Sportivement
Anthony Dablé