Restaurant Antoine par Patrick Faus
: cuisine banale
: cuisine d’un bon niveau
: cuisine intéressante et gourmande
: cuisine de haut niveau… à tous les niveaux
: cuisine exceptionnelle
… Thibault Sombardier, le poisson c’est sa passion…
Les grands restaurants de poissons se comptent sur les doigts des deux mains à Paris. Depuis son ouverture, Antoine a très vite fait partie des meilleurs grâce au talent du chef Michaël Féval et à une exigence des arrivages et des produits totalement remarquable. La clientèle des amateurs de produits de la mer et une étoile Michelin sont venues couronner ce travail. Puis, une mauvaise ambiance interne et quelques frictions sur les objectifs, avec en prime un propriétaire plutôt irascible, ont mis fin à l’aventure. Michaël Féval était prévu pour diriger les cuisines du nouveau restaurant d’Enrico Bernardo « Goust » mais cela ne s’est pas fait au dernier moment. Il rebondira n’en doutons pas. Fin de la première partie.Tout nouveau, tout beau, Antoine repart vers les sommets. Salle légèrement relookée mais toujours une vue imprenable sur la Tour Eiffel. Une nouvelle équipe totalement remarquable dans sa partition et surtout un nouveau chef, Thibault Sombardier, pétri d’envie d’iode et d’embruns mais surtout doté d’un talent éblouissant pour cuisiner les poissons. Le poisson, c’est sa passion !
Il le dit, l’affirme, en a toujours rêvé même quand il faisait des confits de canard au Trou Gascon d’Alain Dutournier. Quand un rêve se réalise, la puissance et l’inspiration sont décuplées. C’est le cas et Antoine en est tout ébouriffé…La carte est le reflet marin des vagues d’arrivages quotidiens : fraîcheur fascinante de ces poissons encore luisants et brillants qui inspirent un mélange de respect, de fascination et d’envie. La viande ne donne pas ce genre d’émotion, ou différemment. Le chef regarde, tâte, réfléchit, trouve l’inspiration pour mettre en valeur ces merveilles. Chaque poisson a sa cuisson, chaque approche son accompagnement. Thibaut Sombardier possède une connaissance et une sensibilité presque intuitive envers les poissons et il trouve toujours la meilleure manière de les apprêter. Tourteau et langoustines bretonnes justes saisies, nage glacée citron/mélisse, quenelle d’avocat, pomme Granny : remarquable plat, superbe saisie des langoustines qui du coup se réveillent de leur torpeur de carpaccio habituel, de plus le bouillon est grandiose. La bonne idée du Maquereau de ligne de Saint-Jean-de-Luz en pétales mariné, c’est le Pain soufflé à la moutarde qui l’accompagne, le fouette, l’épouse, pour arriver à une grande finesse avec ces deux ingrédients pourtant un peu rustiques. La Sole de petit bateau de Vendée est cuite meunière comme vous ne l’avez jamais vu en meunière et agrémentée en discrétion avec une simple Cocotte de purée de rattes du Touquet. Une beauté pure.
On peut se poser des questions sur le Homard façon « Rossini ». On a tort ! Impressionnant certes, étonnant pour le moins, mais l’alliance homard/foie gras de canard poêlé/ truffe noire/ tétragone, passe avec grâce et la puissance des saveurs emporte tout. Magnifique. Autre bonne nouvelle : il y a un (excellent !) chef pâtissier dans la maison. Son Tube craquant de chocolat Grand Cru « Illanka », souplesse de noix de coco, gel de combawa est mémorable, sans parler de la Barre mousseuse de marron d’Ardèche, fraîcheur de mandarines, tout en rusticité et coup de frais.
Le sommelier est remarquable dans ses choix et propositions qui vont vers l’harmonie et non la provocation qui d’ailleurs devient la trademark de nombreux sommeliers depuis quelque temps. Excellent choix de vins au verre de 6 à 18 €. Seul étonnement, l’ouverture tous les jours. Curieux pour un restaurant de poissons qui n’a pas d’arrivage frais ni le dimanche, ni le lundi.
Antoine est à nouveau une grande table de poissons, sans doute la meilleure avec Gaya Rive Gauche par Pierre Gagnaire, Helen, et l’Ecailler du Bistrot dans un autre genre.
Rencontre avec Thibault Sombartier
Des maisons qui vous ont marqué ?
Marc Meneau. Bernard Constantin à la Rivoire à Lyon (Rillieux-la-Pape), un vrai lyonnais et une cuisine traditionnelle avec une étoile Michelin. Il m’a appris toutes les bases. Le Meurice avec Yannick Alléno. Le Carré des Feuillants et le Trou Gascon avec Alain Dutournier.
Vous êtes lyonnais, donc un peu loin de la mer…
J’étais souvent à la mer avec mon père qui avait un bateau, on faisait de la chasse sous-marine. J’adorais ces vacances.
Le déclic cuisine pour vous ?
Tout petit. La tenue de chef de Paul Bocuse m’a toujours impressionné et je l’ai vu quand j’étais petit. Un ami de mon père nous avait fait visiter les cuisines. Il était là avec Roger Jaloux et toute la brigade. Incroyable et tellement beau. J’ai commencé par un stage en pâtisserie puis un petit restaurant. Mais je voulais les grandes brigades que j’ai eues avec Marc Meneau. C’est un homme en or.
Parce qu’on aime le manger ! La coupe ensuite pour le cru. La cuisson et ses différents modes adaptée à chaque poisson. J’adore aussi voir les poissons arriver le matin avec l’œil vif, les écailles brillantes, la gueule ouverte, qui viennent de toutes les mers surtout que je ne travaille que le sauvage. On a aussi des poissons rares comme le beryx du golfe de Gascogne, du chapon de Méditerranée, etc. Ce matin j’ai eu des soles de deux kilos. C’est rare et trop beau.
Un repas qui vous a fait tomber de votre chaise ?
David Toutain à l’Agapé Substance. Ce n’est pas mon style de cuisine mais sur le plan technique c’est éblouissant.
Restaurant Antoine
10, avenue de New York
75116 Paris
Tél : 01 40 70 19 28
www.antoine-paris.fr
Ouvert tous les jours
Voiturier
M° : Alma – Marceau
Menus : Déjeuner 35 € (2 plats) – Découverte (4 plats) : 70 € –
Dégustation Marine (7 plats) : 120 €
Carte : 130 € environ