Cette décision solennelle est unanimement saluée. Par les médias, tout d’abord, qui loue ce "geste- témoignage" d’une grande modernité. Par le monde politique, de gauche comme de droite. Par les dignitaires des diverses religions et confessions : les organisations juives se montrant particulièrement élogieuses : "Aucun pape avant lui n’avait visité autant de synagogues, rencontré des représentants de la communauté juive à chaque fois qu’il s’est rendu à l’étranger." Communiqué du congrès juif mondial. Le grand rabbin d’Israël s’était dit « reconnaissant envers le pape pour tout ce qu’il a fait pour renforcer les liens entre les religions et promouvoir la paix interconfessionnelle." Il faut dire que Josef Ratzinger avait maintes fois répété que l’Ancienne Alliance n’a jamais été abrogée, que l’interprétation juive de la Bible était parfaitement possible, qu’il avait décoré bon nombre de rabbins, reçu plusieurs fois au Vatican le B’nai B’rith (2006 et 2011), condamné à de nombreuses reprises le révisionnisme (mouvement de pensée qui tend à remettre en cause, par ex. un texte de loi majeur)… Oui, on s’explique aisément l’hommage universel qui lui a été rendu.
Reste à s’interroger sur les véritables raisons de cette renonciation. La raison officielle étant son état de santé, il ne tiendrait pas à finir comme son prédécesseur Jean-Paul II, dont le délabrement et l’agonie très médiatisée se sont éternisés. Il ne semble pas, toutefois, que ses capacités intellectuelles soient altérées : deux jours avant son annonce, il méditait quasiment sans notes la première épître de saint Pierre avec les séminaristes de Rome. Mais cette décision contribue fortement à désacraliser la fonction qu’il affirme incarner. Souvenez-vous, en 1964, Paul VI avait déjà déposé la tiare, ce qui représentait un geste fort. Celui de Benoît XVI en ce mois de février 2013 est tout aussi significatif : de même que depuis Vatican II les curés et les évêques doivent prendre leur retraite à 75 ans et que les cardinaux sont privés du droit de vote à partir de 80 ans révolus, l’occupant du siège de Pierre prend désormais sa retraite tel un simple PDG ?Certains observateurs pensent que cette subite renonciation pourrait être liée à l’affaire VatiLeaks : le majordome particulier de Benoît XVI, Paolo Gabriele, ayant dérobé des documents confidentiels faisait état de corruption, de malversations, de népotisme et de favoritisme dans la gestion des biens immobiliers de la cité Vaticane. Une bien sombre histoire.
Durant la messe du mercredi des Cendres, le Pape a prononcé une phrase équivoque : il y a mentionné : "... église au visage défiguré."Les relations conflictuelles entre les cardinaux, les profondes aigreurs envers le cardinal secrétaire d’état Tarcisio Bertone et les nombreux cas de corruptions au sein même du Vatican ont sans nul doute convaincu le pape d’accélérer sa démission.Dans cet obscur contexte, 117 cardinaux devront se concentrer sur l’élection prochaine du futur successeur de Pierre ; au cours d’un conclave que certains annoncent déjà long, complexe et difficile.Affaire à suivre.Fabrice Gil