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Quelle place pour les Exchange Traded Funds dans la gestion d’actifs ?

Publié le 19 février 2013 par Sia Conseil

illustration_mif_paysage_boursier Lancés dans les années 90 et popularisés 10 ans plus tard, les Exchange Traded Funds (ETF) ou fonds indiciels côtés ont la côte.

Avec une collecte croissante quasi ininterrompue,  leurs encours ont atteint un nouveau record à la fin du troisième trimestre 2012 avec 1860 milliards de dollars. Les investisseurs, particuliers comme institutionnels, les utilisent pour de multiples usage : simplicité et liquidité du produit, frais de gestion réduits, ouverture à des classes d’actifs exotiques. Pour répondre à la demande, les méthodes de structuration adoptées par les concepteurs d’ETF posent de nombreuses questions sur l’évolution de cette classe d’actif hybride. Nous nous proposons ici de revenir sur quelques points clés qui se posent aux émetteurs.

Une croissance continue des encours de la gestion passive

Les ETF sont des produits dit de « bêta » qui proposent à leurs détenteurs une promesse simple : répliquer exactement la performance du sous-jacent de référence, en appliquant des frais de gestion minimaux. La simplicité de cette promesse, comparativement aux produits dit d’« alpha » [1] gérés par les gestionnaires d’actifs, a séduit les investisseurs. Ils plébiscitent ces produits du type « buy and hold » avec de faibles frais de gestion dans un contexte de crise de confiance dans la capacité des gestionnaires d’actifs à surperformer le marché. Preuve de leur essor, le nombre de ces fonds indiciels côtés est passé de 250 à plus de 4600 sur les 10 dernières années. Que ce soit en nombre d’ETF ou en actifs sous gestion, l’industrie des ETF a connu une impressionnante croissance annuelle supérieure à 30% sur cette période. Cependant les actifs gérés sous la forme d’ETF ne représentent encore au niveau mondial que 8% de l’ensemble des actifs gérés [2].

Le marché et les acteurs américains sont en position de force

A l’image de l’industrie de la gestion d’actifs, l’industrie des ETF est très largement dominée par le marché américain qui compte pour 70% du volume total, l’Europe comptant elle pour 19% des encours. Trois acteurs principaux se partagent 69% des actifs : Ishares (Blackrock) est leader sur le marché avec 38% de part de marché, suivi par SPDR (State Street) avec 18% et Vanguard avec 12%. Le français Lyxor, adossé à la Société Générale Corporate and Investment Banking arrive en 4ème position au niveau mondial, et à la 2ème place en Europe. Les 10 acteurs principaux détiennent environ 83% des actifs gérés, et le reste du marché est fractionné entre près de 200 acteurs au niveau mondial.

Depuis quelques mois, une guerre des prix a pris forme entre grands gérants d’ETF aux Etats-Unis. De ce fait, les frais de gestion annuels ont atteint des niveaux particulièrement bas de l’ordre de 0,10%. Pour ce faire, certains promoteurs d’ETF ont choisi de changer de fournisseur d’indice de référence afin d’abaisser leurs coĂťts, tel Vanguard annonçant son abandon des indices MSCI pour les indices FTSE moins chers. Parallèlement à ce mouvement de baisse des prix, un mouvement de consolidation semble également s’amorcer dans l’industrie puisque 157 ETF ont été fermé sur les 10 premiers mois de 2012 alors que le précédent record datait de 2009, avec 101 fermetures [3]. Les difficultés des banques d’investissement, souhaitant se séparer de certains pans de leur activité, contribuent également au mouvement de concentration rencontré dans le secteur. La mise en vente de l’activité européenne du Crédit Suisse dédiée aux ETF en octobre 2012 est le dernier exemple en date.

Une concurrence accrue avec la gestion active

Entrée dans une phase de rationalisation, l’industrie des ETF devrait en sortir renforcée pour concurrencer frontalement les gestionnaires d’actifs. En effet, les investisseurs se déplacent de plus en plus vers les ETF qui permettent d’investir à moindre coĂťt tout en permettant des investissements très ciblés sur des classes d’actifs exotiques (matières premières, obligations à haut rendement, marchés émergeants, ‌) avec un niveau de liquidité appréciable. Les investisseurs institutionnels se posent d’ailleurs de plus en plus la question de détenir des lignes obligataires à travers des ETF et non plus en lignes directes, ce qui leur permettrait de s’extraire des modes de négociation de gré à gré et des éventuels problèmes de liquidité.

L’élargissement de la gamme d’ETF tend d’ailleurs, sur certains segments, à concurrencer les gestionnaires d’actifs en effaçant la frontière entre gestion passive et active. Le développement d’ETF « smart beta » qui pondèrent les valeurs de l’indice soit de façon égale entre l’ensemble des valeurs afin d’éviter les effets de concentration, soit afin d’obtenir la plus faible variance de l’indice, remplit des fonctions de recherche et de sélection proches de celles effectuées par la gestion active.

La réglementation en juge arbitre

Contrairement aux gestionnaires d’actifs, les ETF ne paient pas de rétrocession de distribution, puisque leurs frais de gestion sont déjà minimaux, ce qui pourrait leur permettre de bénéficier des mouvements réglementaires actuels visant à interdire ce type de commissions. La Grande-Bretagne avec la « Retail Distribution Review » est le premier pays européen à légiférer en ce sens. Après un intense lobbying, la directive UCITS V ne comprend plus ce volet qui avait été intégré dans sa première version.

Les efforts d’ingénierie financière, qui ont été fait pour permettre aux investisseurs d’atteindre des univers d’investissement toujours plus variés, ont donné naissance à des méthodes de structuration qui ont alerté les grandes instances réglementaires mondiales. La Banque des Règlements Internationaux et le Financial Stability Board ont initié depuis avril 2011 une réflexion sur les risques systémiques que les ETF font peser sur le système financier mondial [4]. Le développement exponentiel des ETF suscite des interrogations et des craintes quant à son impact sur la stabilité financière mondiale.

Les ETF seront-ils à l’origine de la prochaine crise systémique ?

Depuis avril 2011 plusieurs organismes internationaux ont conduit des études sur le risque que les ETF font porter sur la sphère financière. Le débat porte sur les avantages/inconvénients des deux méthodes de réplication en vigueur : physique (achat en direct des titres en fonction de leur poids composant l’indice à répliquer) ou synthétique (achat de gré à gré de produits dérivés de type SWAP répliquant la performance de l’indice).

La première question qui est posée par la conclusion d’un contrat dérivé est celle du risque de contrepartie. Les ETF synthétiques qui ont historiquement été l’apanage des Banques de Financement et d’Investissement européennes souffrent de la relative méfiance qui entoure ces établissements depuis la crise financière de 2008, et qui fait peser un doute sur ce modèle de structuration. A cela s’ajoute la problématique de la qualité du collatéral qui est mis en garantie pour livraison de la performance attendue.

Les acteurs américains qui ont historiquement structuré leur ETF sur le modèle de la réplication physique ne sont pas pour autant sorti vainqueur du mouvement d’examen réglementaire. En effet, la détention physique des titres donne souvent naissance à une activité de prêt/emprunt. Le structureur d’un ETF achète les titres qui composent son indice de référence et les prête à un autre acteur du marché qui en a besoin dans le cadre de sa stratégie d’investissement. Par exemple un fonds « long short » peut être intéressé par l’emprunt des titres auprès du structureur de l’ETF afin de les vendre immédiatement et de les racheter plus tard à un prix plus faible pour les rendre à l’issue de son emprunt. Ainsi, bien que les titres soient physiquement détenus, leur prêt pose la question du risque de contrepartie de la même manière que dans le cadre de la conclusion d’un contrat dérivé. Réplication physique et réplication synthétique ont chacun des risques intrinsèques que les régulateurs se sont attachés à démêler.

A l’issue d’une période de consultation, l’autorité européenne des marchés financiers (ESMA) a publié en juin 2011 un avis qui ne distingue pas formellement les deux méthodes de réplication mais qui édicte néanmoins certaines règles qui méritent d’être soulignées :

  • Le rachat obligatoire des parts des investisseurs par le structureur dans le cas où le marché secondaire ne permettrait pas d’assurer une liquidité suffisante
  • La création d’un label dédié « UCITS ETF » qui permet à ces produits de se faire une place à part entière dans le paysage de la gestion d’actifs

A noter qu’aujourd’hui, et à défaut de réglementation, le marché semble pencher de lui-même pour la réplication physique puisque les acteurs historiques de la réplication synthétique sont en train de basculer vers cette méthode pour leurs nouveaux fonds. Aujourd’hui, le marché des ETF s’est installé définitivement dans le paysage des produits financiers mais son essor devra gérer la délicate cohabitation avec les OPCVM de gestion passive qui lui font face. Pour sortir par le haut, il est à parier que l’industrie de la gestion d’actifs va se concentrer sur la gestion active plus rémunératrice et nécessitant une expertise et des convictions de la part des gérants.

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