Photographie d’Henry Clarke (1918-1996). Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris. Jacques Heim (1899-1967). Automne-Hiver 1951. Paris (studio Adam). Mannequin : Ann Nutting (Ann Gunning) / Maurice (assistant de Clarke).
C’est d’une exposition mais c’est aussi d’un lieu dont je souhaite vous parler aujourd’hui.
Les docks, cité de la mode et du design est un espace ouvert sur plusieurs étages dont les caractéristiques, que le visiteur retient toujours, sont le sol en lattes de bois et sa façade verte qui semble envelopper son architecture et le rend très visible de l’extérieur.
Des boutiques de créateurs s’y sont installées tout comme l’École de la mode. Récemment un bar-restaurant a créé le buzz, le Wanderlust, en organisant des journées, des soirées et des nuits avec de célèbres DJs. Repère de parisiens et parisiennes branchés, j’ai pénétré dans l’antre de la bête lors du vernissage de l’exposition, « Mannequin, le corps de la mode ». Il faut avouer que c’est un endroit fort sympathique.
L’exposition se tient au rez-de-chaussée dans deux espaces distincts mais contigus. L’intérêt majeur de cette présentation est de permettre la compréhension des évolutions qui ont mené à la construction de ces archétypes de beauté et d’image que sont les mannequins. D’un point de vue historique et sociologique c’est tout à fait passionnant.
Le choix de la commissaire de cette exposition, Sylvie Lécallier, est tout à fait original car il s’agit de montrer les mannequins en tant que personne et non pour les vêtements qu’elles portent. Des corps modelés, transformés, contraints, des marionnettes en quelque sorte.
À la fois stars et produits, les mannequins sont des êtres aussi enviés que détestés dans notre société.
Leur fonction première, mettre en valeur des vêtements dès le XIXè siècle, nous interroge sur le glissement qui s’est opéré. Aujourd’hui, il est légitime de se demander comment un mannequin de 50 kilos mesurant 1m80 peut mettre en valeur un vêtement quel qu’il soit. Ces maigres corps sont une négation de ce qu’est un corps de femme. La fonction principale du mannequin n’est donc plus vraiment la monstration d’un vêtement mais plutôt la présentation des canons de la beauté d’une époque. Cette conclusion ne date pas d’hier, déjà dans les années 1920-1930 les mannequins représentaient un idéal de beauté propre à leur époque. Ainsi, nous apprenons que les canons esthétiques en vigueur actuellement, grandeur, minceur et jeunesse, ont été apportés en France par le couturier Jean Patou à partir des années 1960.
La mode, c’est de l’image. Les marques vendent un style de vie, voire une philosophie, que les mannequins doivent incarner. Les modèles vont chercher à se distinguer, à se créer un nom ce qui correspondra parfaitement aux volontés marketing des marques, c’est peut-être même l’inverse, les marques ont créé ces personnalités. Ce système triomphera dans les années 1980 avec celles que l’on appelait les "supermodels" : Linda Evangelista, Naomi Campbell, Cindy Crawford. Nous entrons alors dans une spirale où la notoriété du modèle permet de vendre les vêtements et accessoires des grandes marques qui sont elles-mêmes entrées dans le domaine du luxe.
L’industrie de la mode, et du luxe en général, parle également d’ambassadrice et non plus de mannequin. Cette dénomination révèle les liens de plus en plus étroits entre les stars et les marques. En effet, il peut s’agir de comédiennes auxquelles on fait aussi appel pour leur célébrité qui va booster les ventes. Les acteurs du luxe se confondent et créent ainsi un univers glamour inaccessible au commun des mortels et ayant la capacité de « faire rêver ».
Depuis les salons de couture du XIXè siècle jusqu’à nos jours, les corps des mannequins sont les reflets des frustrations autant que des envies de nos sociétés.
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Mannequin, le corps de la mode
16 février-19 mai 2013-02-18
Les docks, Cité de la mode et du design
34 quai d’Austerlitz, Paris 75013
Christelle