Penser les images de la ville en guerre : allers-retours entre imaginaires et réalités
Analyser la géographie des conflits par les différentes médiances qui nous donnent à voir la guerre dans la ville permet de mettre en exergue les allers-retours entre imaginaires et réalités, entre discours politiques et pratiques de l'espace, entre idéologies spatiales et interprétations de ces idéologies. Construire la ville en guerre comme objet de recherche contraint le chercheur à s’interroger sur les prismes aveuglants qui "formatent" son regard vis-à-vis des réalités de terrain. La "ville en guerre" existe avant la confrontation au terrain, par la médiance médiatique (tant dans ses images que dans les mots qui l’accompagnent), mais aussi par les prismes de la littérature, de la bande dessinée, des jeux vidéo… Les images des paysages de ruines, les (ré)présentations artistiques ou médiatiques de la guerre urbaine conditionnent ainsi les représentations et les perceptions du chercheur, mais aussi celles des acteurs de la décisions, qu’ils soient locaux ou extérieurs. Ainsi, en confrontant les notions d’urbicide et de mémoricide à la production d’images de la guerre, il est possible de dessiner une géographie des espaces de combat qui met en exergue les intentionnalités des différents acteurs en armes et des acteurs de la paix : la construction de lieux de mémoire, la destruction d’une partie du patrimoine culturel, relève d’un aller-retour incessant entre l’imaginaire et la réalité, en construisant dans la ville en guerre des lieux discursifs qu’il convient d’interroger. En s’appuyant sur des études empiriques menées dans les villes d’Abidjan, Beyrouth, Mitrovica et Sarajevo dans le cadre d’une thèse de géographie sur les villes en guerre, cette proposition s’attache à montrer que les images de la guerre sont une partie intégrante de la conflictualité : les destructions et les (re)constructions visent à utiliser la médiance médiatique pour construire une géographie de la haine ou une géographie de la (ré)conciliation, qui s’appuient sur les lieux les plus symboliques de la guerre, c’est-à-dire ceux conçus par les acteurs syntagmatiques comme "marquants" pour les habitants de la ville en guerre, mais aussi pour les observateurs extérieurs. Ainsi, penser les images de la ville en guerre dans les médias et dans les (re)présentations artistiques permet de comprendre la symbolique des lieux, et d’apporter de nouveaux éclairages sur la géographie des combats, sur les intentionnalités politiques, sociales et identitaires, en mettant en perspective ce lien incessant entre les discours, les décisions et le poids que ceux-ci ont dans l’imaginaire collectif.