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Joël Guéna, de Bran Project : "Je voulais sortir du jazz traditionnel"

Par Titus @TitusFR

"Bran", c'est le corbeau, en breton. Un oiseau qui inspire depuis toujours la musique de Joël Guéna, compositeur de la nouvelle formation brestoise de jazz world, Bran Project. L'envol est prévu jeudi, au Vauban. Le sextet sera précédé sur scène par le duo formé par Didier Squiban et Alain Trévarin. Rencontre.

Comment en êtes-vous venus à former Bran Project ?

C'était mon idée au départ; je suis un musicien de jazz de formation classique et jazz et j'ai voulu écrire une musique qui soit à consonance jazz mais aussi avec des couleurs différentes, notamment celtique car c'est une musique que j'ai pratiquée quand j'étais jeune et qui m'intéresse toujours. Je voulais sortir du jazz traditionnel, c'est à dire m'entourer de musiciens jouant du funk ou même du rock. C'est donc un groupe issu du métissage de différents styles : certains musiciens viennent du traditionnel breton, d'autres du jazz ou même du funk, et tout ça se rejoint dans le projet. La base était donc jazz, mais dans la construction, j'ai tenu compte de toutes ces influences.

Depuis combien de temps évoluez-vous ensemble ?

ça va un an qu'on travaille sur ce projet. Etant un peu plus âgé que les autres, j'ai pris mon téléphone et j'ai appelé les meilleurs musiciens dans chaque domaine. La musique est un réseau; on se connaît quasiment tous…  

D'où vient le choix du nom de la formation ?  

Bran, en breton, veut dire corbeau, et c'est plutôt ça qui m'intéressait. Au départ, j'avais écrit une pièce pour piano seul, intitulée "Bran", et qui se voulait une sorte d'illustration du chant du corbeau. Les musiciens aiment beaucoup les chants d'oiseaux depuis très longtemps, et ça m'amusait d'illustrer celui d'un oiseau qui crie et ne chante pas du tout. Sans compter qu'il a très mauvaise réputation et que c'est un voyou. D'un autre côté, c'est un oiseau que je trouve très beau, son envol notamment. J'ai beaucoup aimé travailler sur ce thème et ma musique a plu à toute l'équipe de Bran. C'est de ce morceau qu'est né le nom du groupe… Car ce nom breton illustre finalement bien le métissage qui est l'essence de la formation.

Certains vous ont comparé à Jean-Luc Ponty. Est-ce que cette allusion vous satisfait ?

J'ai de l'admiration pour Jean-Luc Ponty et le jeu de Ronan Rouxel peut effectivement faire penser à ça. Notre répertoire a en effet ce petit côté jazz revisité, avec du violon très moderne et très improvisé… Mais ce n'est qu'une facette de notre travail. Je crois que les gens seront assez surpris. C'est une musique dans laquelle il y a des passages assez méditatifs. Je pense à une pièce écrite pour violon et piano  qui s'appelle "L'envol", qui fait référence au corbeau et qui me tient beaucoup à coeur, et que Ronan interprète vraiment de façon magistrale. Mais il y a aussi des moments très énergiques, très rock même !

"Bran Part One"

Il y a par exemple cet ingrédient celtique plutôt prédominant…

J'ai toujours été amoureux du uillean pipe, pour son timbre notamment. Curieusement, certains pianistes qui m'ont beaucoup influencé dans mon parcours de musicien de jazz, à l'image de Keith Jarrett ou même Bill Evans, utilisent une modalité assez proche de la musique celtique. Ce que fait mon collègue Didier Squiban est aujourd'hui très breton, mais il est aussi très influencé par Keith Jarrett et Bill Evans. Ce sont deux influences qui m'ont naturellement rapproché de la musique celtique.

Vous êtes le compositeur du groupe. Quel a été votre cheminement ?

J'ai commencé la musique en autodidacte quand j'étais enfant avant de suivre une formation très classique en piano et en composition. Je suis agrégé de musique et j'ai très vite été attiré par l'improvisation. Dans ma jeunesse, j'ai fait pas mal de choses, du rock par exemple, mais je me suis vite tourné vers le piano jazz, dès l'âge de 18 ans. J'étais passionné par le fait de jouer de la musique qui n'était pas écrite. J'inventais, j'imitais par rapport à des musiciens que j'aimais. J'ai toujours cultivé cette passion pour l'improvisation. Et l'écriture musicale est aussi une passion; je compose tous les jours…  

Vous considérez-vous comme un enfant du jazz ?

Quand même, oui, mais pas seulement. Il y a, par exemple,  des influences latines dans mon jeu; le fait sans doute d'avoir joué avec Yann Fuentes. J'aime beaucoup la bossa nova.

Vous vous apprêtez, avec Bran Project, à publier votre premier mini-album. Où a-t-il été enregistré, et dans quelles conditions ?

Il a été enregistré au mois de juillet, au studio de Dom Bott à Plouarzel. Auparavant, on avait fait une résidence de quatre jours  à la MPT de Saint-Pierre, pour réaliser un travail de fond sur les morceaux avant le passage en studio. Pat Perron, qui était notre ingénieur du son, sera le sonorisateur du concert au Vauban.

Vous étiez aussi en résidence à Kéroudy au mois de janvier…

Notre but était cette fois de préparer un set complet pour les concerts à venir. Le mini-album, qui sera en vente le soir de notre concert au Vauban,  ne comporte que quatre titres, mais entre-temps, j'ai écrit douze morceaux. Nous avons donc un répertoire complet pour un concert. Cette résidence à Kéroudy a donc servi à roder ces nouveaux titres, à voir la cohérence des enchaînements de morceau à morceau. Nous étions sur une vraie scène, avec des retours, un piano à queue, tout ce qui fallait pour régler tous les détails. Le 21, nous jouerons donc tout ce qui a été écrit jusqu'ici pour le Bran Project.

Etant donné le nombre de morceaux accumulés, avez-vous un projet d'album à la clef ?

Nous aimerions en effet qu'un album voie le jour fin 2013 ou début 2014. On est en discussion avec des producteurs et des distributeurs. ça va sûrement se faire. Le fait d'avoir réussi à fédérer tous ces gens-là, ce qui n'était pas évident car ce sont tous des professionnels très occupés. Je suis vraiment ravi de voir à quel point tous ces musiciens se sont enthousiasmés pour ma musique et ce projet.

C'est Didier Squiban et Alain Trévarin qui ouvriront la soirée du 21 février. Y-a-t-il des liens entre eux et vous ?

Je suis ami avec Didier depuis une trentaine d'années. J'ai beaucoup d'admiration pour lui. On a un parcours un peu similaire au niveau musical. On a exactement la même formation et des influences communes. Lui s'est dirigé beaucoup plus vers la musique bretonne que moi. Didier, maintenant, est célèbre dans le monde entier et joue autant en Allemagne qu'au Viet-Nam. Il a enregistré une trentaine de CD, donc sa carrière est déjà très aboutie. On se connaît bien, et il y a tout ce réseau musical qui tourne autour du Vauban et du jazz au Vauban dans les années 80-90. On s'est beaucoup fréquentés dans ces années-là avec des musiciens comme Jacques Pellen, Bruno Névez, des musiciens qui ont fait de très belles carrières ensuite. ça foisonnait à Brest en ce temps-là ! Et Didier était l'instigateur de toute cette dynamique.

Lui avez-vous fait entendre la musique de Bran Project ?

Oui, dès le mois de juillet, et il s'est dit vraiment enthousiasmé par le projet. Le connaissant, je sais qu'il me l'aurait dit sans hésiter si ça ne lui avait pas plu. Il a bien formulé quelques critiques sur certaines choses mais son avis global était très favorable. Il s'est même dit étonné d'entendre ce mélange qui lui est apparu original. Je lui ai demandé très humblement s'il accepterait de faire une soirée avec nous et il a dit oui tout de suite. Il nous donne un super coup de pouce en faisant ça !

Qui sont les membres de Bran Project ?

 

Lionel Le Page (uillean pipes) : "J'ai obtenu son contact par le biais du batteur du groupe. C'est un instrument irlandais que j'adore et Lionel s'est montré enthousiaste à  l'idée de jouer une musique qui n'était pas au départ écrite pour le uillean pipes. Au fil des mois, j'ai appris à écrire pour cet instrument et on est sorti du contexte traditionnel des danses irlandaises qui composent le répertoire traditionnel de l'instrument, pour aller vers une musique complètement originale".

Lionel Prigent (batterie) : "il a une formation de bagad à la base et fait parallèlement une carrière de batteur de rock, au sein notamment de formations très solides comme les Blueberries ou Stokolm, une double casquette qui m'intéressait beaucoup. Son jeu à la batterie possède une couleur très particulière qu'on ne retrouve pas dans le jazz. Il est très demandé".

Ronan Rouxel (violon) : "de formation classique, c'est quelqu'un de très brillant qui a un DEM du conservatoire de Brest; c'est un formidable technicien du violon qui pratique aussi beaucoup l'improvisation, quelque chose qui m'a toujours beaucoup attiré. On s'était déjà rencontrés sur un autre projet; je lui proposé de nous rejoindre, ce qu'il a immédiatement accepté. Il a aimé cette idée de métissage, lui qui avait déjà fait du jazz manouche. Son jeu a aussi une couleur particulière, proche parfois de Stéphane Grappelli".

Jean-François Besse : "c'est la tête pensante du Bran Project. Moi, j'écris la musique et lui s'occupe de toute la logistique. C'est un guitariste d'origine toulousaine au parcours un peu particulier : c'est quelqu'un qui vient du funk et du rock. Il a des origines africaines, ce qui donne à son jeu un groove que je n'ai trouvé nulle part ailleurs. Il a une couleur dans son jeu qui est très rythmique et qui me plaît énormément".  

Julien Cuvellier : "je le connais depuis très longtemps car on a fait plusieurs scènes jazz ensemble en accompagnant des solistes ou des chanteuses. Julien est un musicien très complet : il a une formation de violoncelliste à la base puis il est passé à la clarinette. C'est un musicien de la Flotte. Il joue de la basse depuis très longtemps et son jeu est très fin. C'est le bassiste que tout le monde s'arrache en ce moment".

Et, bien sûr, Joël Guéna (musique, piano, claviers).

Propos recueillis par Titus le 10 février 2013. Photos de Nicolas Hourcq et Studio Moustique (Plougastel-Daoulas).

Pratique

Contacts du groupe  : tél. 06.63.42.71.95 ou 06.75.93.60.82.

Mail : [email protected] 

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