« Il faut se garder de débusquer les poètes de l’autre coté du miroir où ils s’en sont allés sur la pointe des pieds. »
Ouvrons, relisons, plongeons de nouveau dans l’une des œuvres centrales de Jean Raspail, le voyageur romancier visionnaire que chacun devrait avoir lu une fois et que l’Instruction Publique serait bien inspirée d’inscrire au programme quand les pédagogistes fous auront quitté les lieux.
Le comte Silve de Pikkendorff, Gouverneur de la Ville, colonel-major sans armée, accompagné de six compagnons cède la Ville à l’envahisseur intérieur, cet ennemi sournois fort de sa jalousie et de ses haines envieuses. Ils cèdent «tête haute, sans se cacher, au contraire de ceux qui avaient abandonner la Ville, car ils ne fuyaient pas, ils ne trahissaient rien, espéraient moins encore et se gardaient d’imaginer »
L’honneur, le courage, la liberté, le panache et la dérision de soi, ces valeurs créatrices qui, depuis Saint Aulick, fondateur de la Ville et de la dynastie, furent les piliers de la vie, se réfugient dans les cœurs de sept cavaliers, les derniers hommes. « Il y avait de la grandeur à servir parmi les derniers aux arrière-gardes d’un monde fini.»
Le comte Silve de Pikkendorff, l’évêque Osmond van Beck, le cornette Maxime Bazin du Bourg, le lieutenant Tancrède, le brigadier Vassili Clément, AbaÏ le guide oumiâte et le Cadet Stanislas Vénier quittent silencieux car «les mots, pour eux, avaient le même sens, et ils en étaient économes.»
Pèlerinage, expédition, voyage dans le temps et dans l’espace sur les traces du poète, le
capitaine Willhlem Kostrowitsky (alias Guillaume Apollinaire (1880 – 1914) alias Wilhelm de Kostrowicki), croisant la route de l’imaginaire XXXIème Légion romaine, Bactriana Legio. Les jours passent, s’effacent devant la durée, ce temps infini où règne Draa, l’aigle :
Un aigle descendit de ce ciel blanc d’archanges
Et vous soutenez-moi
Laisserez-vous trembler longtemps toutes ces lampes
Priez, priez pour moi…
« Ils avaient cru tuer l’espérance, ils en avaient vidé leur âme comme on expulse un air vicié pour respirer enfin plus à l’aise, sans passé, sans avenir, sans mémoire, et voilà que l’espérance les avait ignoblement rattrapés, qu’elle était venue se rappeler à eux sous la forme de cette malheureuse fleur qui pourtant expirait sous leurs yeux. »
Des voyages sans espoir naissent des bourgeons inattendus offrant au lecteur la vie en cadeau.
crédit pour St Aulick, à l’excellent site de Vincent Hérelle
Robert Laffont, février 1993, 225 pages