Deuxième partie d’une réflexion en deux temps sur les quartiers populaires. Elle synthétise mes précédents écrits sur le sujet.
Réinclure les quartiers populaires dans la ville
Il convient en premier lieu de repenser l’urbanisme de ces quartiers, concentrations inhumaines de logements devenus inadaptés – 25 000 habitants pour le seul quartier de La Paillade à Montpellier - et ayant perdu leur vocation initiale de sas vers l’accession à la propriété. Il convient de reprendre de vastes programmes de réhabilitations alliant les aspects d’habitat, de services de proximité, de transports en commun.
En effet, les transports en commun sont souvent les grands oubliés de la réflexion concernant les quartiers périphériques. Pourtant, ils ont un rôle majeur à jouer, tant ils sont les moyens indispensables de la mobilité, dont chacun mesure qu’elle est une condition sine qua none dans l’accès à l’emploi. Or, les quartiers populaires sont les lieux de vie les moins bien irrigués par le service public de transport : lignes restreintes, horaires inadaptés, coût pour l’usager encore trop élevé…
Pour les quartiers populaires périphériques, qui sont le cas majoritaire, il convient en premier lieu de les rouvrir sur la ville, au moyen de nouvelles circulations mixtes : circulations douces, transports en commun, voiries nouvelles… L’Agence nationale de rénovation urbaine, dont il faut obtenir un nouvel engagement tant budgétaire qu’en termes de qualité (c’est notre revendication d’un ANRU 2), peut soutenir des projets de cette nature.
Se pose au même niveau la question de la mixité. Mixité sociale, bien entendu et même si elle ne se décrète pas, suscitée par la réhabilitation lourde d’un bâti souvent prévu pour ne durer que 25 à 30 ans ou des constructions neuves notamment en vue de l’accession sociale à la propriété. Là encore, l’ANRU soutient ce genre de démarches.
Mais il faut surtout, pour rendre nos quartiers populaires attractifs pour des populations nouvelles, reconquérir la mixité de fonction. C’est à dire ajouter à la fonction de logement celle de services de proximité (incluant le petit commerce), notamment des services publics ; celle d’activité, comme la création d’un hôtel d’entreprises par la Communauté d’agglomération Les Lacs de l’Essonne à la Grande Borne ; celle d’espace de vie partagé, qui passe par la restauration des espaces publics. Ce dernier point relève d’un enjeu majeur puisqu’il contribue à rappeler à chaque citoyen que, tout locataire qu’il soit, par le biais de l’impôt direct et indirect, il est co-propriétaire de l’espace dans lequel il évolue. Cette prise de conscience participe pleinement de la démarche émancipatrice qui est la nôtre.
C’est pourquoi nous réclamons la fin des politiques d’exception menées depuis des décennies. Elles partaient d’un bon sentiment. Mais les dispositifs dits de politique de la Ville, leur empilement, leur manque de lisibilité pour le citoyen, n’ont au final d’effet que de ghettoïser plus encore les quartiers populaires. Nous revendiquons pour nos quartiers le rétablissement du droit commun, dans son acceptation pleine et entière.
Embauche effective des jeunes issus des quartiers
Il convient donc de remettre au cœur de l’action le service public de proximité. Le service public de l’Emploi ne peut être dévolu aux seules missions locales, c’est Pôle Emploi avec des moyens renforcés qui est nécessaire. Mais si le gouvernement à venir ne change pas de pied par rapport aux Zones franches urbaines, ce renforcement du service public de l’emploi ne servira pas à grand chose. Il faut donc conditionner aussi les exonérations de cotisations sociales aux entreprises à l’embauche effective de jeunes issus des quartiers dans lesquels elles s’installent.
Le service public de l’Education ne peut plus être assuré par l’école maternelle et primaire – parce que certaines municipalités y font encore construire des groupes scolaires -, plus rarement par le collège et, de manière exceptionnelle, par le lycée professionnel, avec le soutien d’associations de bonne volonté. Les Zones d’éducation prioritaires doivent recouvrer tout leur sens, avec des moyens financiers à la hauteur, avec vraiment 20 élèves par classes et les outils de pointe nécessaires. Le renforcement des équipes péri-éducatives se pose aussi comme un besoin bien réel. Le redécoupage de la carte scolaire s’impose aussi, à l’évidence ; mais il ne sera pas suffisant pour arriver à l’objectif de mixité social tant que les moyens d’une éducation de qualité pour tous ne seront pas mis en œuvre.
Il faut aussi réimplanter les entreprises ayant encore, dans leur cahier des charges, une mission de service public telles EDF, GDF, La Poste, France Télécom au cœur de ces concentrations humaines. Cela implique, de fait, la relance de politiques d’embauche afin de faire fonctionner ces nouvelles antennes de proximité, qui répondent aux besoins des populations. Ces recrutements à venir permettront, en outre, à des jeunes issus des quartiers d’avoir accès à l’emploi, grâce aux concours. La même démarche doit valoir aussi pour le service public local : crèches municipales, antennes de quartier, centres communaux d’action sociale…
Repenser la relation entre police et citoyens
Enfin, c’est aussi toute la politique de prévention qu’il convient de repenser. A partir d’un renouvellement complet des rapports entre Police et citoyens. C’est une des raisons pour lesquelles le Parti de Gauche soutient la campagne « Stop contrôle au faciès ». Refusant que la sécurité relève des interventions musclées des brigades anti-criminalité, nous réaffirmons que la Police de proximité est une nécessité. Et l’îlotage n’est pas une dépense inutile, c’est un investissement pour renouer le dialogue entre des populations défavorisées et les forces de l’ordre. Ce qui ne doit pas exclure, au contraire, l’embauche d’éducateurs de rue, de médiateurs, bref de tous les maillons de la chaîne de prévention. Nous réaffirmons aussi que la Police est une mission de l’Etat, assurée par des fonctionnaires formés, expérimentés, conscients de leur rôle. Nous refusons le développement des polices municipales et leur armement. Elles ne remplaceront jamais un commissariat de plein exercice dans nos quartiers.
Certes, cela coûte cher, et coûtera cher. Mais combien ces investissements vont-ils générer d’emplois nouveaux dans le secteur privé comme dans le secteur public ? Et qui dit emplois nouveaux dit aussi nouvelles rentrées fiscales. Un salarié, même fonctionnaire, paie assurément plus d’impôts qu’un chômeur. Et cela contribuera aussi à lutter contre les déficits publics, mais pas par des économies de bouts de chandelle : grâce à de nouvelles recettes.
Nous réaffirmons donc le droit à l’excellence pour les quartiers populaires. Rien n’est trop beau pour l’avenir de notre pays. Que ce soit en termes d’architecture, d’équipements culturels, de moyens de transport, nous réclamons le meilleur. C’est aussi cela qui attirera dans nos quartiers les autres composantes de la société.
Renouer avec la politique du quotidien
Reste que le Parti de Gauche doit repenser ses pratiques militantes pour mieux s’adresser aux habitants des quartiers populaires. L’enjeu premier demeure de passer de la réaction individuelle à l’action collective.
Aujourd’hui, la grande majorité des habitants de nos quartiers a pour préoccupation première de remplir le frigidaire. Puis, ensuite, de payer les factures, bien souvent en retard, ce qui a des conséquences directes sur la vie du foyer. Les arriérés sont légion et ne trouvent souvent de réponse que dans le recours aux secours dispensées par les municipalités ou aux assistantes sociales.
A celles et ceux-là, pouvons-nous proposer des actions collectives pour exiger un moratoire de paiement des factures impayées à EDF ? Aux opérateurs de téléphonie ? Aux bailleurs ? Cette pratique permet de sortir de l’isolement, de faire l’expérience de la lutte et de la victoire.
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Bonus vidéo : Brigada Flores Margon « Banlieue Rouge »