Argument :
Agressivité, agression, violence sont des symptômes pouvant se manifester dans tous les lieux où les humains se trouvent, se fréquentent ou se rencontrent. L’occurrence de cette acuité, de cette brusquerie, de cette crise, de ce paroxysme, questionne les circonstances de cette manifestation : est-elle réactionnelle à la situation, au lieu même où elle se produit ? Est-elle le fruit d’une logique personnelle dont la complexité déborde les processus régulateurs psychiques et sociaux ordinaires ? Comment l’accueillir, y répondre, en tenir compte pour ne pas en majorer les risques pour la personne elle-même comme pour ceux qui en sont témoin, support, ou victime potentielle ?
Les logiques sécuritaires prévalent aujourd’hui, elles visent la protection, mais résultent aussi du contexte socio-économique qui prive un nombre important de nos concitoyens de l’accès à des modes de vie où le lien social, l’inscription personnelle dans un contexte collectif peuvent procurer des systèmes de pare excitation et de dialectisation remettant en mouvement ces tensions pulsionnelles qui se fixent dans les situations d’isolement.
Dans le champ social, la précarité et la pauvreté extrême, tendent les rapports sociaux. Les réponses sociales aux difficultés sont de plus en plus limitées, exigeant des travailleurs sociaux des réponses ponctuelles ou trop réduites qui les exposent à se trouver confrontés à des problématiques tragiques qu’ils ne peuvent résoudre et qui les laissent dans l’embarras, sans recours réaliste pour porter aide et assistance. Cette situation rend leur tâche de plus en plus difficile et leurs possibilités de réponse insatisfaisantes provoquent toutes les formes de réaction : satisfaction, soumission, colère, agression, de l’insertion encore possible à l’auto exclusion qu’ils ne peuvent plus contenir et trop rarement faire régresser.
Dans le champ médico-social, la définition d’une réponse adaptée dans le cadre du nouveau marché du handicap apporte aux plus dociles et coopérants des usagers des modalités d’accompagnement, d’hébergement, de compensation, d’occupation, d’entraide ou de contrainte conduisant, de façon inattendue pour eux, à restreindre leur liberté d’initiative et de circulation. Ceux qui souffrent trop de ces réductions de leurs conditions d’existence décompensent, perturbent les lieux, ou récusent par leurs troubles du comportement, leurs incivilités et leurs régressions, les organisations et les valeurs dont ils étaient censés bénéficier. Les projets individualisés ne s’inscrivent pas toujours dans la possibilité d’une élaboration collective à partir des souhaits exprimés par la personne qui doit plutôt s’adapter à ce qui lui est proposé. Le sentiment de ne pas être entendu et d’être isolé l’emporte parfois sur l’inscription dans un champ collectif.
L’isolement est aussi celui du travailleur dans les hôpitaux où les logiques de rentabilisation s’imposent dans les établissements ouverts au marché à flux et productivité tendus. L’économie restreinte, au sens de Georges Bataille, y impose ses normes, ses protocoles, contraignant chacun dans son rôle statutaire à se conformer aux prescriptions de bonnes pratiques qui homogénéisent les procédures de traitement, comme dans tout processus productif de qualité et d’objets standardisés. Ces pratiques tendent à éviter le risque mais le produisent aussi en réduisant les durées de séjour, le grand nombre des passages à l’acte suicidaires dans le mois suivant un séjour hospitalier en atteste. Les logiques de productivité dominent les processus d’humanisation. Ces derniers obéissent à la logique de l’économie générale qui ouvre à des commerces humains de création et de responsabilisation, bien plus complexes que celles de la production consommation d’une clientèle. Les chambres d’isolement, les contentions, les hospitalisations sous contrainte renforcent les rapports de domination au détriment de la construction psychique et l’intensité des symptômes devient exponentielle : les critères d’admission imposent leur exigence à l’humanisation d’un accueil. La famille, souvent isolée face aux débordements de l’agitation psychique ou du désespoir, ne trouve pas aisément l’aide et les recours qu’elle pourrait attendre. Les parents, les frères et sœurs, ou les enfants selon la génération où une pathologie se manifeste, sont démunis. Quand les troubles psychiques ne sont pas contrebalancées par un champ social équilibrant, la confrontation à la maladie ne trouve pas d’alternative au face à face dévastateur. L’accueil de la souffrance du plus malade et de ceux qui l’entourent requiert un champ social élargi : des professionnels doivent répondre à cet appel et apporter un point de vue plus neutre et capable d’être actif psychiquement. La société doit pouvoir procurer un champ de coexistence efficace pour que la situation trouve à se dialectiser. Alors, il est possible que des événements puissent réellement ouvrir le monde à un avenir partageable. La journée donnera la parole à chacun pour une élaboration collective de ces questions si difficiles qui trouvent trop peu de réponses satisfaisantes et laissent chacun face à ses difficultés, ses peurs et à des épreuves qui laissent des traces douloureuses quel que soit le statut de celui ou de celle qui les a vécues. Dr Michel LecarpentierDélégué régional Croix-Marine Centre
PROGRAMME DE LA JOURNÉE :
08h30: Inscriptions
Accueil 9h30 : Introduction de la journée, sont invités :
- M. LORJOUX Sénateur Maire de Romorantin-Lanthenay
- M. le Directeur du Centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay
- Docteur DURIOT chef de service du service de psychiatrie
10h : Présentation de la journée
- Docteur Michel LECARPENTIER (psychiatre, clinique de La Borde) animera la journée
10h15 : Approche philosophique de l'agressivité Emmanuel NAL, Philosophe
Discussion avec la salle
10h45 : Présentation du groupe éthique en psychiatrie du CH Romorantin : ouverture au dialogue entre patients, soignants et UNAFAM
- Martial RAMBAUD, cadre de santé Hôpital de Jour, Corinne HURE, IDE sociothérapie
Discussion avec la salle
11h15 : Pause
11h30 : Le club, citoyenneté associative et espace de désamorçage
- Anne DEBOURCES, IDE et collègues de l’unité de l’Hôpital de Jour du CH Romorantin
Discussion avec la salle
12h15 : REPAS en ville
14h : Agressivité et co-morbidité dans les maladies psychiques
- Dr Irina IVANOVA (psychiatre) Centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay
Discussion avec la salle
14h30 : Les jeunes infirmiers et la crise clastique
- L’équipe de l’unité Le Hallier du CH Romorantin-Lanthenay
Discussion avec la salle
15h00 : Le service des majeurs protégés: gestion de l'argent et … de l'agressivité
- Maryline LEFEU
Discussion avec la salle
15h30 : Pause
15h45 : Agressivité, agression, violence : le point de vue des familles
- UNAFAM de Loir-et-Cher
Discussion avec la salle
16h15 : Débat général sur l’ensemble de la journée
17h : fin de la journée
Pour en savoir plus : Communiqué et bulletin d'inscription
Source :Dr Michel Lecarpentier, Délégué régional Croix-Marine Centre