Mi-janvier, les médias britanniques se faisaient l’écho d’une affaire singulière. Vous le savez, de la viande transformée pour des plats préparés en Irlande et vendus en Angleterre contenaient de la viande de cheval et non de la viande de bœuf. Un vaste scandale alimentaire qui prend, aujourd’hui, une place toute particulière dans nos sociétés où les valeurs progressent vers une nouvelle croyance sociale, où la relation à l’environnement fait Foi.
Jusqu’à vendredi dernier, cette affaire ne semblait guerre être classée dans les colonnes dédiées aux informations sanitaires. Certes l’on pouvait s’inquiéter des failles mises en évidence par ce scandale sur la traçabilité des aliments, mais rien ne semblait devoir intéresser les acteurs de santé. La ministre Marisol Touraine parlait, elle, de fraude et non de scandale sanitaire. En matière de santé, serait-elle aussi convaincante sur l’utilisation tout aussi épineuse de la transglutaminase ou "colle à viande" dans notre filet de bœuf ?
Nombreux sont les Français qui achètent leurs viandes en grande surface, fraichement conditionnées sous cellophane. Mais ici, présentées sous nos yeux, les morceaux de viande rouges et tendres à souhait ne proviennent pas toujours d’une seule et même bête. L’allure appétissante d’un rôti ou d’un steak cache souvent une toute autre réalité : il s’agirait de plusieurs morceaux de second choix issu de bêtes différentes que l’on recolle ensemble.Effarant, depuis 1968, l’industrie agro-alimentaire a trouvé le moyen machiavélique de donner un aspect présentable, voire de qualité, aux viandes grossières. A ce titre, la poudre d’enzymes japonaise ACTIVA ou transglutaminase, accomplit un véritable miracle, un prodige insoupçonné : il suffit de saupoudrer l’enzyme sur de petits bouts de viandes, les enrobés dans un film plastique et les réfrigérés quelques heures pour obtenir une chose qui ressemble étrangement à un vrai et beau morceau de viande.Les bas morceaux (viscères et peaux) normalement destiné à la déchetterie sont, ici, utilisés à notre insu. Une mutation digne d’un mauvais film de Frankenstein.
Une enquête américaine a montré que la viande restructurée à partir d’enzymes devait être clairement étiquetée. En France ce n’est pas le cas. Le recours aux enzymes ne fait l’objet d’aucune réglementation particulière et les normes de sécurité alimentaire autorise l’adjonction de ces enzymes y compris celles qui n’ont pas encore été découvertes. Personne n’est obligé de les mentionner.
Morceaux de bœuf, porc, poulet, agneau, chair imitant le crabe surimi et produits issus de la pêche mais aussi yaourts dénués de matières grasses, fromages et autres pâtes de blés industrielles : tout y passe.
Le prix ?Logiquement, il devrait être bas. Une viande transglutaminée devrait coûter moins chère au consommateur qu’un morceau de premier choix; mais en réalité ce n’est pas du tout le cas. Les morceaux reconstitués sont vendus au même prix que les pièces dites entières. Une volonté évidente de tromper le consommateur au détriment de son porte-monnaie, de sa santé.
La "colle à viande" : potentiellement dangereuse ?La technique de "soudure" enzymatique peut présenter un risque important d’intoxication alimentaire par contamination bactérienne. Les bactéries naturellement présentes dans un morceau de viande dite "normale" se trouvent toujours en surface et sont facilement détruites en cuisson. Que doit-on penser d’un steak "restructuré" dont la partie de viande exposée aux bactéries se trouve dans ce cas à l’intérieur, rendant ainsi l’élimination de ces dernières beaucoup plus difficile. Ex : si vous cuisez ce steak transglutaminé, pour le manger "bleu", c'est-à-dire saignant (une façon saine de cuire la viande), vous courrez ainsi le risque de contracter une infection bactérienne. Une contamination cent fois plus élevée que pour un seul morceau entier de viande. Un empoisonnement difficilement discernable : les morceaux de viande proviennent de nombreuses espèces bovines originaires de différents producteurs.
En 40 ans, la place de la viande dans la consommation alimentaire des Français s’est modifiée. Aujourd’hui, les contraintes de la vie moderne conduisent les ménages à privilégier des viandes préparées, au détriment des viandes de boucherie.Que seriez-vous, donc, prêt à risquer pour une viande apparemment séduisante mais repoussante par sa composition : le prix de la santé ?Fabrice Gil